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12/04/2022 | FRANCE | N°21DA01560

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 12 avril 2022, 21DA01560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M'Hamed E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101058 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté du 27 novembre 2020, a enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. E... un titre de s

jour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M'Hamed E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101058 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté du 27 novembre 2020, a enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. E... un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son avocat, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2021, le préfet du Nord demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions de première instance de M. E....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 27 novembre 2020 en retenant la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien alors que M. D... n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'un traitement et un suivi médical seraient impossibles dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, M. E..., représenté par Me Julie Gommeaux, conclut au rejet de la requête du préfet du Nord et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros à verser à Me Julie Gommeaux sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. E... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. M'Hamed E..., ressortissant algérien né en 1960, est entré en France le 24 septembre 2016, muni d'un visa court séjour valable du 7 février 2016 au 6 février 2017, accompagné de son épouse et de leurs six enfants alors mineurs. Il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 juin 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 novembre 2018. Le 28 février 2019, M. E... a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français. Il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade valable du 14 juin au 13 décembre 2019 sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le 11 décembre 2019, il en a sollicité le renouvellement et par un arrêté du 27 novembre 2020, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à M. E... un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dans un délai d'un mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...)7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) "

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces stipulations, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prises en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. E..., le préfet du Nord a estimé au regard de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 9 juillet 2020, que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est atteint d'une bronchopneumopathie chronique obstructive avec un emphysème très sévère responsable de pneumothorax et d'un trouble ventilatoire obstructif. S'il produit deux certificats médicaux émanant de médecins généralistes en France datés des 11 avril 2017 et 9 décembre 2020 et une ordonnance du 3 septembre 2016 d'un médecin exerçant au sein d'un cabinet de pneumologie et allergologie en Algérie, ces pièces rédigées en termes peu circonstanciés, se bornent à indiquer que l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge dans un milieu médicalisé qui n'est pas disponible en Algérie, sans davantage de précision quant à la nature du traitement et au suivi médical requis. Il ne ressort pas des autres pièces du dossier que le bronchodilatateur prescrit à l'intéressé à la date de l'arrêté en litige, à le supposer non commercialisé dans ce pays, ne pourrait être substitué à un autre. Le préfet du Nord justifie à ce titre de l'existence de plusieurs établissements publics hospitaliers spécialisés et de la disponibilité en Algérie d'autres bronchodilatateurs dont le Spiriva qui a déjà été prescrit à l'intéressé. Dans ces conditions, compte tenu de l'avis du collège de médecins et à défaut pour M. E... de produire des éléments démontrant qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-six ans, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 27 novembre 2020 au motif de la méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

6. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

7. Il ressort des pièces du dossier que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. E... vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'accord franco-algérien. Elle expose les circonstances de fait relatives à la situation de l'intéressé, notamment quant à son état de santé et sa situation familiale. Ainsi, la décision répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

8. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions de procédure s'appliquent aux demandes présentées par les ressortissants algériens sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. 1 (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ".

9. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile confie, dans le cadre de la procédure de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, à un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le soin d'émettre un avis au vu d'un rapport médical établi par un médecin du service médical de cet office. / Les règles déontologiques communes à tout médecin, telles qu'elles résultent des articles R. 4127-1 et suivants du code de la santé publique, sont applicables à la procédure mentionnée au premier alinéa du présent article. / L'avis communiqué au préfet par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comporte aucune information couverte par le secret médical, détaillé en annexe I, ni aucun élément susceptible de révéler la pathologie du demandeur. Le rapport médical mentionné au premier alinéa du présent article n'est communicable ni à cette autorité administrative ni à aucune autre. / Les conditions de transmission du certificat médical, telles que prévue dans l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont assurées dans le respect du secret médical, qui implique que les agents des services préfectoraux ne puissent pas accéder à une information médicale couverte par ce secret. Ces agents ne peuvent faire état d'informations médicales concernant un étranger que celui-ci a, de lui-même, communiquées, que dans le cadre d'une procédure contentieuse ".

10. Il résulte des dispositions précitées que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rend un avis sur la base d'un rapport médical établi par un médecin non membre de ce collège, et des informations disponibles sur les possibilités pour le demandeur du titre de séjour de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort, d'une part, des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était composé des docteurs Loic Quille, Marc Baril et Catherine Pintas et que le rapport médical a été établi 22 avril 2020 par le docteur F... G.... L'avis du 9 juillet 2020 a donc été émis au vu d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office qui n'était pas membre de ce collège. D'autre part, si M. D... soutient que le collège des médecins ne pouvait émettre un avis sans le convoquer à un entretien afin d'apprécier l'intensité de sa symptomatologie, il résulte des dispositions précitées que seul le médecin de l'Office, chargé d'établir le rapport médical, a la possibilité, s'il l'estime utile, de solliciter le médecin qui suit habituellement le demandeur ou de convoquer ce dernier pour l'examiner et faire procéder aux examens qu'il estime nécessaires. Par ailleurs, si les prescriptions des articles 28 du code de déontologie médicale et R. 4127-60, R. 4127-28 et R. 4127-76 du code de la santé publique sont au nombre des règles professionnelles que l'auteur du rapport médical et les membres du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doivent respecter, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur du rapport médical était incompétent pour ce faire, ni que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a admis au demeurant que M. E... souffrait d'une bronchopneumopathie chronique obstructive avec un emphysème très sévère responsable de pneumothorax et d'un trouble ventilatoire obstructif nécessitant une prise en charge médicale, ait manqué à ces règles en ne convoquant pas l'intéressé.

11. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 9 juillet 2020, produit au dossier de première instance par le préfet du Nord, est revêtu de la signature de chacun des trois médecins ayant délibéré, dont les noms sont, contrairement à ce qui est allégué, lisibles. Si M. E... soutient que leurs signatures ne présentent aucune garantie d'authenticité, les dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 qu'il invoque sont relatives aux seules autorités administratives définies à l'article 1er de cette ordonnance et non aux avis rendus par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. D'autre part, il ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1367 du code civil, contenues dans le chapitre III dudit code relatif aux modes de preuve en matière d'obligations civiles qui ne concernent pas davantage les avis rendus par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Enfin, la circonstance que ces signatures soient des fac-similés numérisés, apparaissant d'une taille différente sur l'avis produit par le préfet et celui qui lui a été communiqué à sa demande, n'est pas de nature à remettre en cause la fiabilité du dispositif utilisé ni le fait que les signataires de l'avis, dont l'identité y est précisée, ont bien siégé au sein du collège. Le moyen tiré de ce que l'arrêté aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut donc qu'être écarté.

12. Il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse du 27 novembre 2020 que le préfet a entendu s'approprier le sens de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et ne s'est pas estimé lié par cet avis. Le préfet, qui n'était pas tenu de mentionner les démarches effectuées par l'épouse de l'intéressé et par ses deux filles majeures, a procédé à un examen particulier de la situation de M. D.... Les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut d'examen doivent ainsi être écartés.

13. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. D... ne produit aucun document de nature à contredire l'avis du 9 juillet 2020 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.

14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

15. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

16. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré en France à l'âge de cinquante-six ans accompagné de son épouse, Mme B... E... et de six de leurs onze enfants. Il n'est pas contesté qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement en février 2019 à laquelle il n'a pas déféré. Sa conjointe est également en situation irrégulière et la famille, qui est hébergée depuis le 27 septembre 2019 au sein du service urgence famille de l'association Eole, ne démontre aucune insertion particulière, malgré la participation de Mme E... à des activités bénévoles. La scolarisation réussie de leurs six enfants dont deux ont obtenu leur baccalauréat en France et ont sollicité un titre de séjour, et leur bonne intégration, ne suffisent pas à établir que le centre des intérêts privés et familiaux de M. D... serait désormais en France, alors qu'il a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de cinquante-six ans et que plusieurs autres de ses enfants y résident. Aucun obstacle ne s'oppose ainsi à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où ses enfants pourront y poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, le préfet n'a pas, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. D..., porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, ni méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. Par un arrêté du 2 janvier 2020, régulièrement publié au recueil spécial des actes de la préfecture du même jour, le préfet du Nord a donné délégation de signature à Mme C... A... de la Perriere, attachée principale d'administration, chef de bureau du contentieux et du droit des étrangers à la préfecture du Nord, à l'effet de signer, notamment, les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

18. En application des dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français qui assortit une décision de refus de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte du refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

19. Le refus de titre de séjour n'étant pas entaché d'illégalité, M. E... n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

20. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) "

21. Ainsi qu'il a été dit, M. E... n'établit pas qu'il ne pourrait se faire soigner en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

22. Pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 16, la décision obligeant M. E... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, ni de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle serait entachée d'un défaut d'examen ni d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle comporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 22 que M. E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire.

24. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité (...). L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas ".

25. Pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 16, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, ce moyen doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 27 novembre 2020 refusant de renouveler le certificat de résidence de M. E..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Les conclusions présentées par M. E... à fin d'annulation, à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 juin 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. M'Hamed E..., et à Me Julie Gommeaux.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,

- Mme Muriel Milard première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Chauvin

La présidente de chambre

Signé : A. SeulinLa greffière,

Signé : A.-S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

N°21DA01560 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01560
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Aurélie Chauvin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-12;21da01560 ?
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