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28/04/2022 | FRANCE | N°21DA01760

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 28 avril 2022, 21DA01760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 31 octobre 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société par actions simplifiées Tommasini France à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1811855 du 26 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juillet 2021 et le 17 déc

embre 2021, la société Tommasini construction, représentée par Me Nicolas George, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 31 octobre 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société par actions simplifiées Tommasini France à procéder à son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1811855 du 26 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juillet 2021 et le 17 décembre 2021, la société Tommasini construction, représentée par Me Nicolas George, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros, à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'auteur de la décision était compétent pour ce faire, contrairement à ce que soutenait M. B... en première instance ;

- le principe du contradictoire a été respecté lors de l'enquête menée par l'inspecteur du travail ;

- la demande d'autorisation de licenciement était suffisamment motivée ;

- cette demande n'était pas ambiguë et n'a pas été modifiée ;

- l'absence de respect du délai de quinze jours entre la date de l'avis du comité d'entreprise et la date de la demande d'autorisation n'a pas entaché la procédure de nullité ;

- c'est à juste titre que l'inspecteur du travail a considéré que le secteur d'activité au niveau duquel devait s'apprécier le motif économique était constitué par la seule société Tommasini construction ;

- les difficultés économiques auxquelles elle doit faire face sont avérées ;

- elle a satisfait à son obligation de reclassement.

Par un mémoire, enregistré le 19 octobre 2021, M. A... B..., représenté par Me Dalila Dendouga, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Tommasini construction, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- il n'est pas justifié de la compétence de l'inspecteur du travail à la date de sa saisine ;

- l'inspecteur du travail s'est fondé sur des explications fournies par l'employeur sur le secteur d'activité sans mettre à même le salarié d'en avoir connaissance, méconnaissant ainsi le caractère contradictoire de l'enquête ;

- la demande d'autorisation ne précisait pas les motifs du licenciement ;

- le délai de quinze jours entre l'avis du comité d'entreprise et la demande d'autorisation n'a pas été respecté ;

- la société ne justifiait pas que le secteur d'activité au niveau duquel devait être apprécié le motif économique était constitué au sein du groupe par cette seule société ;

- le motif économique n'est pas établi au niveau du secteur d'activité de la construction pour les sociétés du groupe ;

- même au niveau de la seule société Tommasini construction, le motif économique n'est pas établi ;

- la société n'a pas respecté son obligation de reclassement.

La procédure a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit.

La clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2022 à 12 heures par ordonnance du 21 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Tommasini construction a demandé, dans le cadre de la suppression de son dépôt d'Hallennes-les-Haubourdin, l'autorisation de licencier M. A... B..., chauffeur au statut ouvrier, niveau 3 position 2, coefficient 230, qui exerçait par ailleurs les mandats de délégué du personnel suppléant et de membre du comité d'entreprise. L'inspecteur du travail territorialement compétent a autorisé ce licenciement par décision du 31 octobre 2018. M. B... a saisi le tribunal administratif de Lille qui a annulé cette décision par jugement du 26 mai 2021. La société Tommasini construction relève appel de ce jugement.

Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ". Ces dispositions imposent à l'inspection du travail, avant de prendre sa décision, de mettre l'employeur, comme le salarié, en mesure de prendre connaissance des éléments déterminants, issus de l'enquête susceptibles de fonder sa décision. L'accès à ces éléments, dans des conditions et des délais permettant aux parties de présenter utilement leur défense, constitue une garantie pour celles-ci.

3. Pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative est tenue de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité que la société en cause.

4. La demande d'autorisation de licenciement pour motif économique se bornait, dans son annexe, à indiquer que la société Tommasini construction était la seule du groupe à intervenir dans le secteur du gros œuvre. Elle ne fournissait toutefois aucun élément justifiant que les autres sociétés du groupe intervenaient dans des secteurs distincts. Cette interprétation avait par ailleurs été critiquée par les représentants du personnel lors des réunions du comité d'entreprise relatives à la fermeture du dépôt d'Hallennes-les-Haubourdin et au projet de licenciement.

5. Dans le cadre de son enquête contradictoire, l'inspecteur du travail a reçu successivement le salarié puis le représentant de la société, le 26 septembre 2018. Mais il n'est pas établi que la question du secteur d'activité permettant d'apprécier le motif économique ait été abordée à cette occasion, ni a fortiori que l'inspecteur du travail ait précisé lors de cet entretien, ou ultérieurement avant sa décision, quel secteur d'activité il retenait. La décision du 31 octobre 2018 a retenu que le motif économique de la demande de licenciement devait s'apprécier au niveau de la seule société Tommasini construction, au motif que les autres entreprises du groupe ne faisaient pas partie du même secteur d'activité, conformément à ce que faisait valoir l'employeur dans sa demande. Or, il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a adressé au salarié, le jour même où il prenait sa décision, un courrier électronique l'informant qu'il avait pris en compte des explications fournies entre-temps par l'employeur sur le secteur d'activité de l'entreprise. Il s'est ainsi appuyé sur des indications complémentaires, fournies par l'employeur, dont il n'avait pas communiqué la teneur au salarié au cours de l'enquête contradictoire. Or, le périmètre du secteur d'activité dans lequel devait être apprécié le motif économique du licenciement constituait, selon les termes mêmes de l'inspecteur du travail, une notion " centrale " du dossier. La décision du 31 octobre 2018 est ainsi fondée sur des éléments déterminants fournis par l'employeur non portés à la connaissance du salarié. Par suite, la société Tommasini construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, la décision du 31 octobre 2018 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. B.... Ce motif suffit à lui seul à justifier l'annulation de l'autorisation de licenciement. Il en résulte que les conclusions d'annulation du jugement du 26 mai 2021 doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé du second motif retenu par le tribunal administratif pour annuler la décision du 31 octobre 2018.

Sur les frais liés aux dépens :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., la somme que réclame à ce titre la société Tommasini construction. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société, la somme de 800 euros à verser à M. B... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Tommasini construction est rejetée.

Article 2 : La société Tommasini construction versera à M. B... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tommasini construction, à M. A... B... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience publique du 7 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 avril 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. PerrinLa présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N°21DA01760

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01760
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : DENDOUGA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-04-28;21da01760 ?
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