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25/05/2022 | FRANCE | N°21DA01129

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 25 mai 2022, 21DA01129


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé à titre principal au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 2101786 du 21 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 29 janvier 2021 du préfet du Pas-de-Cal

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé à titre principal au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 2101786 du 21 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 29 janvier 2021 du préfet du Pas-de-Calais en tant qu'il fixe le Mali comme pays d'éloignement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mai 2021, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par M. A....

Il soutient que :

- M. A... ne sera pas nécessairement exposé à des risques le visant personnellement en cas de retour au Mali ;

- l'Etat n'étant pas la partie perdante, aucun frais ne saurait être mis à sa charge au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2022, M. B... A..., représenté par

Me Julie Gommeaux, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de l'admettre provisoirement au séjour afin de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision fixant le pays d'éloignement est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'un vice de procédure ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnaît l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 513-2 du même code ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 4 de la même convention.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.

Par une ordonnance du 15 mars 2022, la clôture a été fixée au 4 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré, présidente.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 12 mai 1986, a demandé le 16 avril 2019 le bénéfice du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Cette demande a été refusée par une décision du 26 août 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 16 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 29 janvier 2021, le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité de réfugié, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement. Par un jugement du 21 avril 2021, le tribunal administratif de Lille, saisi par M. A..., a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe le Mali comme pays d'éloignement. Le préfet du Pas-de-Calais interjette appel, dans cette mesure, contre ce jugement.

Sur le moyen accueilli par le tribunal administratif de Lille :

2. Aux termes de l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude. / 2. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire. (...) ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment des motifs qui sont le support nécessaire du dispositif de la décision, devenue définitive, du 16 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile que M. A..., originaire de Sangafé dans la région de Kayes, appartient à un groupe social tenu en servitude et notamment soumis à l'accomplissement de travail forcé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce risque ne prévaut qu'au sein de la région des Kayes dans la partie occidentale du Mali et qu'il n'a notamment pas cours dans la région de Koulikoro où M. A... a résidé et travaillé après son départ de Sangafé. Par ailleurs, si M. A... soutient que sa mère et sa sœur résident actuellement dans cette région, il ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations, alors qu'il a déclaré devant la Cour nationale du droit d'asile qu'après son départ de Sangafé, elles avaient été contraintes " de quitter leur domicile " et " d'abandonner leurs terres ". En outre, M. A... ne produit aucun élément établissant qu'il entretiendrait d'autres liens privés ou familiaux avec des personnes résidant habituellement dans la région des Kayes.

4. D'autre part, si M. A... a fait valoir devant la Cour nationale du droit d'asile qu'il serait exposé à des risques le visant personnellement en cas de retour au Mali en raison de son opposition au système de castes en vigueur dans la région de Kayes et des conséquences d'une altercation dont il a été le témoin en octobre 2011, il ressort des pièces du dossier et notamment des motifs mêmes de la décision du 16 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile, que M. A... ne saurait être regardé comme exposé à de tels risques au Mali en raison de l'ancienneté des faits relatés.

5. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas qu'il serait effectivement exposé à des risques de torture le visant personnellement en cas de retour dans son pays d'origine, le Mali. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision fixant le pays d'éloignement en se fondant sur les risques de torture visant personnellement M. A....

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de la décision fixant le pays d'éloignement.

Sur les autres moyens dirigés contre la décision fixant le pays d'éloignement :

7. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En l'espèce, la décision attaquée mentionne avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet du Pas-de-Calais a notamment examiné les risques auxquels M. A... pourrait être exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré d'un défaut de motivation et le moyen tiré d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, si M. A... soutient que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure, d'une erreur de droit et méconnaît l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit ces moyens d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

10. En l'espèce, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 4, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision fixant le pays d'éloignement de M. A.... Il y a lieu, en conséquence, de rejeter les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif contre cette décision, ainsi que les conclusions à fin d'injonction présentées en appel.

Sur les frais mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par le tribunal administratif :

12. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions dirigées contre les décisions portant refus d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 11, que les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays d'éloignement doivent être rejetées, l'Etat ne peut être regardé comme la partie perdante en première instance.

13. Il s'ensuit que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 900 euros à M. A... au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 visée ci-dessus.

Sur les frais liés à la présente l'instance :

14. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement du 21 avril 2021 du tribunal administratif de Lille sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à fin d'injonction sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Julie Gommeaux.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 3 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- Mme Naïla Boukheloua, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : D. Perrin

La présidente de la formation de jugement,

Signé : C. Baes-Honoré

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA01129 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01129
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Baes Honoré
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-25;21da01129 ?
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