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22/08/2022 | FRANCE | N°21DA02438

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 22 août 2022, 21DA02438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions du 11 décembre 2020 par lesquelles le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2104473 du 29 septembre 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions du 11 décembre 2020 et a enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. D... un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale dans

un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les décisions du 11 décembre 2020 par lesquelles le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2104473 du 29 septembre 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions du 11 décembre 2020 et a enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. D... un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2021, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... en première instance devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- le parcours scolaire de l'intéressé n'est pas exceptionnel et qu'il peut poursuivre ses études supérieures dans son pays d'origine où résident les membres de sa famille ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2022, M. E... D..., représenté par Me Julie Gommeaux, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée ou familiale ou étudiant dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de regard ou, à défaut, de l'admettre provisoirement au séjour et de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

3°) à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus d'un titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

- elle a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant refus d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... D..., ressortissant algérien né le 15 juillet 2002, a demandé la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa situation d'" étranger confié à l'aide sociale à l'enfance ". Par un arrêté du 11 décembre 2020, le préfet du Nord a refusé de lui délivré un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement du 29 septembre 2021, le tribunal administratif de Lille, saisi par M. D..., a annulé ces deux décisions. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement.

Sur le moyen accueilli par le tribunal administratif de Lille :

2. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si un ressortissant algérien ne peut ainsi utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Le cas échéant, il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressé.

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en avril 2018 sur le territoire français à l'âge de 15 ans et demi, accompagné de son père qui est retourné en Algérie dans les semaines suivantes. M. D..., qui a été accueilli chez un particulier avant d'être placé le 10 mai 2019 auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du Nord, a été scolarisé à Roubaix en 2018 et 2019 au collège Théodore Monod puis en 2019 et 2020 au lycée professionnel Jean Moulin. Si ses résultats scolaires ont été très insuffisants au 3e trimestre de l'année scolaire 2018-2019, avec une moyenne générale de 4,79 sur 20 et 19 demi-journées non justifiées d'absence, il ressort des pièces du dossier qu'il a connu durant cette période des difficultés relationnelles avec la personne qui l'hébergeait alors, avant d'être sans domicile fixe de février 2019 à mai 2020, date à laquelle il a été pris en charge au sein de la maison de l'enfance et de la famille de Roubaix.

4. Toutefois, en dépit de cette prise en charge, il ressort des pièces du dossier que, durant le premier et le deuxième trimestres de l'année 2019-2020, M. D... n'a pas obtenu de résultats satisfaisants avec une moyenne générale respectivement de 8,55 et de 11,76 sur 20. Ces résultats trouvent leur origine dans un manque d'assiduité avec 18 et 35 demi-journées d'absences non justifiées respectivement au premier et au deuxième trimestres, ainsi que dans un engagement nettement insuffisant comme en attestent les appréciations portées sur ses bulletins scolaires, indiquant au premier trimestre : " vos résultats sont insuffisants, vous devez vous mettre au travail et vous concentrer sur les cours " et au deuxième trimestre : " les efforts fournis tout au long du trimestre portent leurs fruits, continuez donc sur cet élan positif ; cependant attention à vos absences en français et en histoire-géographie, il est impératif d'être présent en classe pour progresser ". Il ressort en outre des appréciations globales portées sur le bulletin du troisième trimestre de l'année scolaire 2019-2020 que " même si Chemseddine a fait quelques efforts pour se mettre au travail cela reste insuffisant au vu de ses difficultés de compréhension ". Dans ces conditions, alors même que, quelques mois avant l'édiction de l'arrêté attaqué, les résultats scolaires de l'intéressé ont été meilleurs, le préfet a pu relever à bon droit que M. D... ne témoignait pas d'un parcours scolaire, pris dans son ensemble, de nature à justifier une mesure de régularisation.

5. D'autre part, M. D... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents, avec lesquels il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'entretiendrait plus de liens. S'il a noué des relations amicales en France et s'il entretient une relation amoureuse avec une ressortissante française depuis octobre 2019, le préfet a pu estimer à bon droit que de telles circonstances ne suffisaient pas à regarder le centre de ses intérêts privés comme fixé sur le territoire français. Enfin, si M. D... souhaite poursuivre des études pour exercer une activité d'agent immobilier, le préfet a pu relever qu'un tel cursus pourrait être suivi dans son pays d'origine.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur une erreur manifeste d'appréciation pour annuler l'arrêté du 11 décembre 2020.

7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Lille et la cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. D... :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions attaquées :

8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé par Mme B... A... de la Perrière, cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers de la préfecture du Nord, à laquelle le préfet du Nord, par un arrêté du 1er décembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, avait consenti une délégation de signature à l'effet de signer les actes relevant des attributions de ce bureau, notamment les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré d'un vice d'incompétence doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus d'un titre de séjour :

9. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En l'espèce, la décision attaquée mentionne avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet du Nord a notamment examiné la durée de présence en France de l'intéressé, son parcours scolaire et ses liens privés et familiaux. Dès lors, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les moyens tirés d'un défaut d'examen personnalisé et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise sur le fondement d'une décision illégale portant refus d'un titre de séjour doit être écarté.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions du 11 décembre 2020 portant refus d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Par suite, ce jugement doit être annulé et la demande présentée en première instance par M. D... doit être rejetée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. D... aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Me Julie Gommeaux, avocate de M. D..., la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 29 septembre 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour par M. D... et son conseil sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer ainsi qu'à Me Julie Gommeaux.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente assesseur,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 août 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA02438 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02438
Date de la décision : 22/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-08-22;21da02438 ?
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