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30/08/2022 | FRANCE | N°22DA00067

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 30 août 2022, 22DA00067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, dans une requête enregistrée sous le n° 2003305, d'annuler la décision du 24 janvier 2020 par laquelle le jury chargé d'évaluer les élèves de la promotion 2019-2020 de l'institut régional d'administration (IRA) de Lille pendant la première période probatoire et d'apprécier leur aptitude à prendre un poste dans la perspective d'une nomination en qualité de stagiaire, l'a inscrit sur la liste des élèves attachés d'administration de l'IRA non

classés.

M. A... a également demandé au tribunal administratif de Lille, dans ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, dans une requête enregistrée sous le n° 2003305, d'annuler la décision du 24 janvier 2020 par laquelle le jury chargé d'évaluer les élèves de la promotion 2019-2020 de l'institut régional d'administration (IRA) de Lille pendant la première période probatoire et d'apprécier leur aptitude à prendre un poste dans la perspective d'une nomination en qualité de stagiaire, l'a inscrit sur la liste des élèves attachés d'administration de l'IRA non classés.

M. A... a également demandé au tribunal administratif de Lille, dans une requête enregistrée sous le n° 2006462, d'annuler la décision du 18 février 2020 par laquelle la directrice de l'institut régional d'administration de Lille l'a licencié à compter du 29 février 2020.

Par un jugement nos 2003305, 2006462 du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes, a rejeté les conclusions de l'IRA de Lille tendant à l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, a condamné M. A... à payer une amende de 1 000 euros et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans le cadre de l'instance n° 2003305.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier et 8 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Clément Bonnin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 18 février 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'institut régional d'administration de Lille la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- la décision, qui doit être regardée comme un licenciement en cours de stage, est insuffisamment motivée ;

- l'IRA n'était pas en situation de compétence liée à la suite de la décision du jury ;

- il n'a pas été mis à même de prendre connaissance de son dossier et n'a pas été informé de son droit à être assisté ;

- l'amende pour recours abusif n'est pas fondée ;

- la mise à sa charge d'une somme de 1 500 euros est inéquitable compte tenu de ses revenus et du budget de l'IRA.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 février et 15 avril 2022, l'institut régional d'administration de Lille, représenté par la SCP Gros, Hicter et associés, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute de moyens d'appel ;

- elle l'est également contre la partie du jugement rejetant les conclusions d'annulation de la délibération du jury, faute de moyens soulevés en appel à l'encontre de cette délibération ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de licenciement relève d'une cause juridique distincte de celle soulevée en première instance ;

- les moyens ne sont pas fondés ;

- en cas d'évocation, la requête de première instance est irrecevable faute de signature ;

- les conclusions d'injonction tendant à ce que soit accordé le redoublement étaient irrecevables ;

- les moyens soulevés en première instance ne sont pas non plus fondés.

La procédure a été communiquée au ministre chargé de la fonction publique qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 15 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mai 2022, à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2019-86 du 8 février 2019 ;

- l'arrêté du 26 avril 2019 relatif aux modalités d'organisation de la formation initiale dispensée par les instituts régionaux d'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me Julien Robillard, représentant l'institut régional d'administration de Lille.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., lauréat du concours externe de l'institut régional d'administration (IRA) de Lille, a été recruté en qualité d'élève attaché d'administration. A l'occasion des examens de fin de la première période probatoire, M. A... a présenté, lors de la soutenance individuelle, son mémoire professionnel, épreuve à laquelle il a obtenu la note éliminatoire de 4 sur 20. Par une décision du 24 janvier 2020, le jury chargé d'évaluer les élèves de la promotion 2019-2020 de l'IRA de Lille a inscrit M. A... sur la liste des élèves attachés d'administration de l'IRA non classés. Par un courrier du 31 janvier 2020, M. A... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision. Par une décision du 18 février 2020, la directrice de l'IRA de Lille a prononcé le licenciement de l'intéressé à compter du 29 février suivant au soir. Par deux requêtes distinctes, M. A... a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation des décisions des 24 janvier 2020 et 18 février 2020. L'intéressé relève appel du jugement du 24 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille, dans l'instance n° 2006462, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 février 2020 prononçant son licenciement, a mis à sa charge une amende pour recours abusif et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 2003305.

Sur les fins de non-recevoir opposées par l'IRA de Lille :

2. La requête d'appel de M. A... ne constitue pas la reproduction littérale de ses demandes de première instance. Elle soulève d'ailleurs de nouveaux moyens contre la décision de licenciement prise à son encontre et conteste également l'amende pour recours abusif à laquelle il a été condamné, de même que les frais d'instance mis à sa charge. Elle répond ainsi aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'IRA de Lille, tirée de l'absence de moyens d'appel dans la requête, doit être écartée.

3. La circonstance que M. A... demande l'annulation du jugement dans sa totalité alors qu'il ne conteste en appel que deux décisions contestées en première instance ne rend pas irrecevable sa requête. Il doit être regardé, ainsi qu'il a été dit au point 1, comme demandant l'annulation du jugement en tant que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 18 février 2020 prononçant son licenciement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 18 février 2020 :

4. Aux termes de l'article 44 du décret du 8 février 2019 relatif aux instituts régionaux d'administration : " Dans chacun des instituts, il est constitué, par arrêté du ministre chargé de la fonction publique pris sur proposition du directeur de l'institut, un jury chargé d'évaluer les élèves pendant la première période probatoire et d'apprécier leur aptitude à prendre un poste dans la perspective d'une nomination en qualité de stagiaire. (...) Avant la fin de la première période probatoire, le jury établit un classement dans les conditions définies par l'arrêté prévu au troisième alinéa de l'article 43 (...). / Les élèves dont les résultats sont estimés insuffisants par le jury ne figurent pas sur la liste de classement ". Aux termes de l'article 47 du même décret : " Au regard des résultats obtenus dans le cadre de la première période probatoire, le jury a la possibilité d'établir une liste d'élèves non classés qui, à titre exceptionnel, peuvent être autorisés, par arrêté du ministre chargé de la fonction publique, à recommencer la première période probatoire. Les élèves qui ne sont pas admis au bénéfice de cette mesure sont licenciés ou, s'ils étaient déjà agents publics, réintégrés dans leur corps d'origine ou dans leur situation antérieure. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que les élèves ne figurant pas sur la liste de classement et qui ne sont pas admis à recommencer la première période probatoire sont licenciés. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne figurait pas sur la liste de classement des élèves de la promotion 2019-2020 de l'IRA de Lille et n'a pas été admis à recommencer la première période probatoire de sa scolarité. En conséquence, la directrice de l'IRA de Lille était tenue de procéder à son licenciement. La directrice de l'IRA étant ainsi en situation de compétence liée, les moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision du 18 février 2020, tirés de son insuffisance de motivation et de ce qu'il n'a pas été mis à même de prendre connaissance de son dossier et d'être assisté d'une personne de son choix, doivent être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne l'amende pour recours abusif :

6. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10.000 euros ". M. A... a introduit pas moins de cinq référés devant le tribunal administratif de Lille entre janvier et mai 2020 tendant à la suspension de la décision du 24 janvier 2020 du jury l'ayant inscrit sur la liste des élèves attachés d'administration de l'IRA non classés, de même qu'un premier recours en annulation enregistré le 27 janvier 2020 contre cette décision, qui a fait l'objet d'un désistement d'office par une ordonnance n° 2000651 du 28 septembre 2021, en application de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative. Il a introduit le 2 mai 2020 un nouveau recours en annulation contre cette décision du 24 janvier 2020. Dans ces conditions, et même si M. A... a, pour la première fois, contesté devant le tribunal administratif dans l'instance n° 2006462 la décision du 18 février 2020, le tribunal a pu estimer que sa demande présentait un caractère abusif et lui infliger une amende de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

En ce qui concerne les frais liés à l'instance mis à la charge de M. A... dans l'instance n° 2003305 :

7. M. A... a justifié devant le tribunal administratif qu'il ne percevait à compter du 9 mars 2020 que l'allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant de 32,06 euros par jour avant retenue à la source. Dans les circonstances de l'espèce, il est fondé à soutenir que la mise à sa charge par les premiers juges du versement d'une somme de 1 500 euros à l'IRA de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative n'est pas équitable. Il y a lieu, par suite, d'annuler l'article 4 du jugement attaqué et de rejeter, la demande présentée par l'IRA de Lille sur ce fondement dans l'instance n° 2003305.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a mis à sa charge le versement d'une somme de 1 500 euros à l'IRA de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés à l'instance d'appel :

9. D'une part, M. A... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de M. A... n'a pas demandé que lui soit versée par l'IRA de Lille la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas, lieu dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. A... la somme réclamée par l'IRA de Lille au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Lille du 24 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées dans l'instance n° 2003302 devant le tribunal administratif de Lille par l'institut régional d'administration de Lille au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées en appel par l'institut régional d'administration de Lille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'institut régional d'administration de Lille et à Me Clément Bonnin.

Copie en sera transmise, pour information, au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 août 2022.

Le président-assesseur,

Signé : M. C...

La présidente de chambre,

présidente-rapporteure,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de la transformation et de la fonction publiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N° 22DA00067

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00067
Date de la décision : 30/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : BONNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-08-30;22da00067 ?
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