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06/10/2022 | FRANCE | N°21DA02185

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 06 octobre 2022, 21DA02185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 13 février 2020 par laquelle le conseil de la métropole Rouen Normandie a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal, ainsi que la décision du 7 juillet 2020 rejetant leur recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 2003510 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

10 septembre 2021, M. et Mme B... A..., représentés par Me Isabelle Enard Bazire, demandent à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 13 février 2020 par laquelle le conseil de la métropole Rouen Normandie a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal, ainsi que la décision du 7 juillet 2020 rejetant leur recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 2003510 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2021, M. et Mme B... A..., représentés par Me Isabelle Enard Bazire, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération du 13 février 2020 et la décision du 7 juillet 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la métropole Rouen Normandie la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt pour agir dès lors qu'ils sont propriétaires de plusieurs parcelles sur le territoire de la commune d'Isneauville ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne mentionne ni dans ses visas ni dans ses motifs les dispositions législatives et réglementaires dont il fait application ;

- la délibération attaquée est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;

- elle est entachée de vices de procédure tirés de la méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'urbanisme ;

- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme en raison des modifications substantielles apportées au projet après enquête publique ;

- elle méconnaît l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le règlement classe les parcelles leur appartenant en zone A ;

- elle méconnaît l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme dès lors que ce classement n'est pas cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables ;

Par un mémoire en défense enregistré le 1er juin 2022, la métropole Rouen Normandie, représentée par Me Jean-François Rouhaud, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er juin 2022, l'instruction a été rouverte et la clôture de l'instruction a été reportée au 28 juin 2022 à 12 heures.

Par un courrier du 11 juillet 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des moyens de légalité externe tirés du défaut d'information des conseillers communautaires, de l'incomplétude du rapport d'enquête publique, de l'irrégularité de cette enquête et de l'irrégularité des modifications apportées à l'issue de l'enquête publique, ces moyens se rattachant à une cause juridique nouvelle en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Hélène Colliou, représentant M. et Mme A..., et C... substituant Me Jean-François Rouhaud, représentant la métropole Rouen Normandie.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 13 février 2020, le conseil de la métropole Rouen Normandie a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal. M. et Mme A..., qui sont propriétaires à Isneauville d'une parcelle cadastrée n° 570 et classée en zone agricole, ont demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de cette délibération et de la décision de rejet de leur recours gracieux contre cette délibération. Le tribunal a rejeté leur demande par un jugement du 22 juillet 2021, dont ils relèvent appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision " contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ". En l'espèce, le jugement attaqué mentionne le " code de l'urbanisme " dans ses visas et reproduit dans ses motifs le texte des dispositions de ce code dont le tribunal a fait application. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient fait application d'autre code ou texte, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit être écarté et les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

Sur la recevabilité des moyens de légalité externe :

3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... n'ont pas soulevé devant les premiers juges de moyens de légalité externe. Par suite, les moyens de légalité externe qu'ils soulèvent en appel, tirés du défaut d'information des conseillers métropolitains, de l'absence d'avis motivé de la commission d'enquête publique, de l'irrégularité de cette enquête et de l'irrégularité des modifications apportées à l'issue de l'enquête, se rattachent à une cause juridique nouvelle et doivent dès lors être écartés comme irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incohérence du règlement avec le projet d'aménagement et de développement durables :

4. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

5. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

6. En l'espèce, si M. et Mme A... soutiennent que l'un des objectifs du projet d'aménagement et de développement durables est d'organiser le développement urbain dans le respect de l'équilibre des territoires, ce projet comporte également un objectif 2.1.1 visant à " maintenir l'équilibre entre les espaces agricoles, les espaces forestiers et les espaces urbanisés " et, à ce titre, à " limiter l'étalement urbain et la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers pour la période 2020-2023 dans le respect des objectifs du schéma de cohérence territoriale ". Il comporte en outre un objectif 2.1.2 visant à " proposer un modèle de développement permettant de réduire de 50 % la consommation foncière liée à l'habitat ", en donnant notamment " la priorité à l'urbanisation au sein de l'enveloppe urbaine existante après identification des espaces non bâtis ou sous-utilisés ". Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les éléments cartographiques du projet d'aménagement et de développement durables ne peuvent être regardés, eu égard à leur échelle et à leur degré de précision, comme incluant les parcelles litigieuses dans les zones déjà urbanisées.

7. En classant en zone agricole la parcelle cadastrée n° 570, qui n'est pas située à l'intérieur de l'enveloppe urbaine du hameau de la Muette, mais dans sa périphérie non urbanisée, le règlement répond aux objectifs mentionnés au point précédent. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que ce classement n'est pas cohérent avec les objectifs, pris globalement, du projet d'aménagement et de développement durables. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation :

8. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

9. Si, pour apprécier la légalité du classement d'une parcelle en zone A, le juge n'a pas à vérifier que la parcelle en cause présente, par elle-même, le caractère d'une terre agricole et peut se fonder sur la vocation du secteur auquel cette parcelle peut être rattachée, en tenant compte du parti urbanistique retenu ainsi que, le cas échéant, de la nature et de l'ampleur des aménagements ou constructions qu'elle supporte, ce classement doit cependant être justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de la collectivité concernée, à plus forte raison lorsque les parcelles en cause comportent des habitations voire présentent un caractère urbanisé.

10. En l'espèce, si la parcelle cadastrée n° 570 est bordée au nord et à l'est par des parcelles classées en zone urbaine, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne supporte aucune construction, qu'elle est restée à l'état naturel, qu'elle se situe dans les limites non urbanisées du hameau de la Muette et qu'elle s'ouvre, nonobstant la présence de haies, au sud et à l'ouest sur de vastes espaces agricoles. Son classement en zone agricole répond en outre aux objectifs, rappelés ci-dessus, du projet d'aménagement et de développement durables tendant à préserver les espaces présentant un potentiel agricole et à limiter l'étalement urbain en privilégiant l'urbanisation au sein de l'enveloppe urbaine existante. Eu égard, d'une part, à la consistance et à la localisation de la parcelle cadastrée n° 570 et, d'autre part, aux orientations urbanistiques retenues, les auteurs du plan ont pu estimer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que cette parcelle appartient à un secteur à vocation agricole dont le potentiel doit être préservé, à la différence de la parcelle cadastrée n° 569 qui est située à proximité immédiate de terrains bâtis et a été classée en zone UBH.

11. Par ailleurs, si, pour la délimitation des zones UBH, le rapport de présentation estime que " toute construction implantée à plus de 100 mètres des constructions qui composent la zone est considérée comme trop distante pour être intégrée à la zone urbaine ", il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment pas de ce rapport que les auteurs du plan aient entendu intégrer en zone urbaine toute parcelle située à moins de 100 mètres de constructions existantes. Il ressort au contraire du rapport de présentation et des objectifs du projet d'aménagement et de développement durables mentionnés ci-dessus que ces auteurs ont cherché à limiter l'étalement de l'urbanisation en classant en zone agricole ou naturelle des parcelles ou fonds de parcelles situés dans les limites non urbanisées des bourgs, sans prévoir de distance minimale d'éloignement des constructions existantes.

12. Il s'ensuit que les moyens tirés d'erreurs de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 13 février 2020 du conseil de la métropole Rouen Normandie et de la décision du 7 juillet 2020 rejetant leur recours gracieux contre cette délibération.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la métropole Rouen Normandie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens.

15. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement d'une somme de 1 000 euros à la métropole Rouen Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme A... verseront une somme de 1 000 euros à la métropole Rouen Normandie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et à la métropole Rouen Normandie.

Copie en sera transmise pour information à la commune d'Isneauville.

Délibéré après l'audience publique du 22 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé: S. Eustache

La présidente de la formation de jugement,

Signé: C. Baes Honoré

La greffière,

Signé: C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA02185 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02185
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Baes Honoré
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL EBC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-06;21da02185 ?
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