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20/10/2022 | FRANCE | N°21DA02390

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 20 octobre 2022, 21DA02390


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 octobre 2021 et un mémoire enregistré le 13 juillet 2022, la société Ferme éolienne de la région de Guise, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 du préfet de l'Aisne portant sur la demande d'autorisation unique pour construire et exploiter neuf aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Noyales et d'Aisonville-et-Bernoville, en tant qu'il refuse de faire droit à la demande d'a

utorisation unique pour les éoliennes E3 et E4 ;

2°) de délivrer l'autorisation sollic...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 octobre 2021 et un mémoire enregistré le 13 juillet 2022, la société Ferme éolienne de la région de Guise, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2021 du préfet de l'Aisne portant sur la demande d'autorisation unique pour construire et exploiter neuf aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Noyales et d'Aisonville-et-Bernoville, en tant qu'il refuse de faire droit à la demande d'autorisation unique pour les éoliennes E3 et E4 ;

2°) de délivrer l'autorisation sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Aisne de délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Aisne, de statuer à nouveau, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de fait ;

- il est également entaché d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2022, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée la dernière fois au 5 septembre 2022 à 12 heures par ordonnance du 18 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public,

- et les observations de Me Antoine Guiheux, représentant la société Ferme éolienne de la région de Guise.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne de la région de Guise a déposé une demande d'autorisation unique afin de construire et d'exploiter neuf aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Noyales et d'Aisonville-et-Bernoville. Par un arrêté du 12 août 2021, le préfet de l'Aisne a autorisé la construction et l'exploitation de sept éoliennes et a refusé d'autoriser les éoliennes E 3 et E 4. La société Ferme éolienne de la région de Guise demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il refuse d'autoriser ces deux éoliennes.

Sur les conclusions d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement :

" L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".

3. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

4. Le site d'implantation du projet se situe en limite du plateau du Vermandois et est constitué par une zone ouverte de plein champ. Si les éoliennes E 3 et E 4 prennent place dans une ondulation vallonnée de ce rebord de plateau, elles se situent à environ 1 900 mètres de la vallée de l'Oise. L'étude paysagère souligne que l'ensemble du projet s'inscrit en continuité du parc éolien existant de Noyales et " se trouve visuellement rattaché au plateau : la présence de reliefs plus prononcés en haut de versant place le projet à l'arrière d'une première ligne de démarcation (butte de la ferme Trémont) à environ 750 mètres de la limite de versant (soit cinq fois la hauteur d'une éolienne) ". La ministre chargée de la transition écologique ne vient pas remettre en cause de manière probante en défense ce constat qui n'est pas non plus contredit par les pièces du dossier. Par ailleurs, le site d'implantation de ces deux éoliennes comme l'ensemble du parc ne fait l'objet d'aucune mesure spécifique de protection. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le site des éoliennes E 3 et E 4 présente un intérêt paysager particulier.

5. Pour refuser d'autoriser les éoliennes E 3 et E 4, le préfet a estimé qu'elles faisaient partie d'un " bouquet visuellement séparé du parc existant de Noyales " et renforçait l'effet de domination exercé par ce parc sur le bourg de Proix.

6. Il résulte de l'instruction que les éoliennes E 3 et E 4 se situent à proximité immédiate de deux des quatre aérogénérateurs en service du parc de Noyales, qu'elles viennent densifier. Elles sont parallèles à ce parc et sont prolongées au Nord par les éoliennes E 5 et E 6, autorisées par l'arrêté préfectoral du 12 août 2021. Il résulte des photomontages réalisés dans le cadre de l'étude paysagère que les éoliennes du parc de la région de Guise seront visibles depuis les hauteurs de Proix comme depuis le centre bâti de cette commune. Toutefois, si les éoliennes E 3 et E 4 apparaissent en premier depuis ces vues, elles s'intègrent de manière cohérente dans un alignement s'inscrivant dans un paysage de plateau. S'agissant du bourg de Proix, les éoliennes ne dépassent que légèrement un bosquet arboré dense qui constitue l'horizon depuis les parties hautes de ce bourg, et sont bien moins prégnantes que l'une des éoliennes du parc existant de Noyales. La ministre chargée de la transition écologique n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause ces constats issus de l'étude paysagère qui qualifie l'impact du projet de moyen depuis les hauteurs de Proix et de faible depuis le centre bâti de cette commune. Enfin, il résulte de l'instruction que le commissaire enquêteur a émis un avis favorable sans réserve à l'ensemble du projet. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que le préfet de l'Aisne a commis une erreur d'appréciation en estimant que les éoliennes E 3 et E4 du projet portaient atteinte aux paysages et à la commodité du voisinage.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête tiré de l'erreur de fait, que la société Ferme éolienne de la région de Guise est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'arrêté du 12 août 2021, le préfet de l'Aisne a refusé d'autoriser pour le motif cité au point 5 les éoliennes E 3 et E 4.

Sur la délivrance de l'autorisation et l'injonction :

8. Dans le cadre d'un litige relevant d'un contentieux de pleine juridiction, comme en l'espèce, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation soumise à autorisation environnementale en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

9. La ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'a invoqué aucun motif d'irrégularité de la procédure mise en œuvre, ni aucune atteinte autre que celles précédemment écartée aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans des conditions qui rendraient l'implantation des éoliennes refusées incompatible avec les dispositions applicables au projet.

10. Dans ces conditions, eu égard au motif d'annulation retenu au présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d'une part, en délivrant à la société pétitionnaire l'autorisation de construire et d'exploiter les éoliennes E 3 et E 4 sur la commune de Noyales et d'autre part en renvoyant cette société devant le préfet de l'Aisne pour fixer les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il y a lieu d'enjoindre à l'autorité administrative de fixer ces prescriptions dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société Ferme éolienne de la région de Guise sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 12 août 2021 du préfet de l'Aisne est annulé en tant qu'il refuse d'autoriser la construction et l'exploitation des aérogénérateurs E 3 et E 4.

Article 2 : L'autorisation d'exploiter les aérogénérateurs E 3 et E 4 sur la commune de Noyales est accordée à la société Ferme éolienne de la région de Guise.

Article 3 : La société Ferme éolienne de la région de Guise est renvoyée devant le préfet de l'Aisne pour fixer les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de l'Aisne de fixer les prescriptions mentionnées à l'article 3 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Ferme éolienne de la région de Guise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne de la région de Guise, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 6 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.

Le rapporteur

Signé: D. B...La présidente de la formation de jugement,

signé: C. Baes-Honoré

La greffière,

Signé: C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02390
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Baes Honoré
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Malfoy
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-20;21da02390 ?
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