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20/10/2022 | FRANCE | N°22DA00088

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 20 octobre 2022, 22DA00088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Roubaix l'a suspendue de ses fonctions sans traitement, d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Roubaix, d'une part, " de rétablir, à compter de l'ordonnance à intervenir, le versement de sa rémunération, d'assimiler la période de suspension de ses fonctions à une période de travail effectif déterminant la durée de ses congés payés et de se

s droits acquis au titre de l'ancienneté et de prendre cette période en comp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Roubaix l'a suspendue de ses fonctions sans traitement, d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de Roubaix, d'une part, " de rétablir, à compter de l'ordonnance à intervenir, le versement de sa rémunération, d'assimiler la période de suspension de ses fonctions à une période de travail effectif déterminant la durée de ses congés payés et de ses droits acquis au titre de l'ancienneté et de prendre cette période en compte au titre de son avancement ", d'autre part, " de ne procéder à aucune demande de remboursement des salaires qu'elles a perçus jusqu'à la fin de son arrêt de travail " et de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2109216 du 2 décembre 2021, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes pour tardiveté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 janvier, 1er juillet et 23 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Arnauld Noury, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler, à titre principal, la décision n° 2021/2281 du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Roubaix l'a suspendue sans traitement, ainsi que la décision du 30 mars 2022 différant dans le temps les effets de cette suspension ;

3°) d'annuler, à titre subsidiaire, la décision de suspension du directeur du centre hospitalier de Roubaix en tant que son entrée en vigueur n'a pas été différée au terme de son congé maladie et que la période de suspension n'est pas prise en compte pour la détermination de la durée des congés payés et pour les droits acquis au titre de l'ancienneté et de l'avancement ;

4°) d'enjoindre au centre hospitalier de Roubaix de lui verser les traitements retenus à compter du 15 septembre 2021, dans un délai de cinq jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge lui a opposé la tardiveté de sa demande car, habitant en Belgique, elle bénéficie du délai de distance ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle a été placée en congé maladie du 16 août 2021 au 17 janvier 2022 et ne pouvait donc être suspendue immédiatement de ses fonctions sans traitement ;

- l'arrêté du 30 mars 2022 est illégal en ce qu'il se borne à différer dans le temps les effets de l'arrêté du 15 septembre 2021 ;

- la somme de 4 290,60 euros versée au mois d'avril 2022 ne suffit pas à régulariser sa situation.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 juin et 1er juillet 2022, le centre hospitalier de Roubaix, représenté par Me Olivier Maricourt, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A... à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête de Mme A... est devenue sans objet car, par un arrêté du 30 mars 2022, il a suspendu les effets de l'arrêté du 15 septembre 2021 jusqu'au 17 janvier 2022, date de sa démission ;

- la requérante ne démontre pas l'illégalité de l'arrêté du 30 mars 2022 ;

- la requérante ne démontre pas que le versement de la somme de 4 290,60 euros n'a pas eu pour effet de régulariser rétroactivement sa situation en la faisant bénéficier d'un plein traitement pendant les trois premiers mois de son congé de maladie ordinaire, puis d'un demi-traitement jusqu'à la date de sa démission, le 17 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Arnauld Noury, représentant Mme A... et de Me Olivier Maricourt, représentant le centre hospitalier de Roubaix.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., adjoint administratif au centre hospitalier de Roubaix, fait appel de l'ordonnance du 2 décembre 2021 par laquelle le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Roubaix l'a suspendue de ses fonctions sans traitement, à compter du 15 septembre 2021, jusqu'à la satisfaction de son obligation vaccinale.

Sur la tardiveté de la demande :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formée contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". L'article R. 421-7 du même code dispose : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélémy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre et Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Nouvelle Calédonie et dans les terres australes et antarctiques françaises (...) Ce même délai est augmenté de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger ". Il résulte de ces dispositions combinées qu'une personne qui demeure à l'étranger dispose d'un délai de quatre mois à compter de la notification ou de la publication d'une décision pour former un recours contre cet acte.

3.Il ressort des pièces du dossier que la requête de Mme A..., résidant en Belgique, a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lille le 24 novembre 2021, soit moins de quatre mois après la notification, le 21 septembre 2021, de la décision la suspendant de ses fonctions sans traitement. Ainsi, alors même que Mme A... est de nationalité française, qu'elle travaillait en France à la date de la décision attaquée à dix kilomètres de sa résidence située en Belgique et qu'elle a introduit sa requête par l'application télérecours citoyen, elle bénéficie, conformément aux dispositions citées au point 2, du délai de distance supplémentaire de deux mois dès lors qu'elle réside à l'étranger. Par suite, sa demande devant le tribunal administratif ne pouvait être regardée comme tardive.

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il y a lieu de prononcer l'annulation de l'ordonnance du 2 décembre 2021 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lille ayant rejeté la demande de Mme A... pour tardiveté et de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur cette demande.

Sur les conclusions aux fins de non-lieu à statuer :

5. Il ressort des pièces du dossier que si l'arrêté attaqué du 15 septembre 2021 a été modifié par un arrêté du 30 mars 2022, postérieur à l'introduction de la requête, qui en a différé les effets dans le temps jusqu'à la date du 17 janvier 2022 à laquelle Mme A... a démissionné de ses fonctions et a mis fin à son congé de maladie, l'arrêté du 15 septembre 2021, qui suspendait avec effet immédiat Mme A... de ses fonctions sans traitement, a produit des effets juridiques entre le 15 septembre 2021 et le 30 mars 2022. Dès lors, les conclusions aux fins de non-lieu à statuer présentées par le centre hospitalier de Roubaix doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 15 septembre 2021 et 30 mars 2022 :

6. D'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière applicable au litige et désormais repris aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité à droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42 ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 : " I. - (...) B - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. (...) III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (...). Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".

8. Il résulte des dispositions précitées que si le directeur d'un centre hospitalier peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été placée en congé de maladie à compter du 16 août 2021 et que son arrêt de maladie a été renouvelé jusqu'au 17 janvier 2022, date à laquelle elle a démissionné de ses fonctions. Mme A... était ainsi placée en arrêt de maladie à la date de l'arrêté attaqué du 15 septembre 2021 la suspendant immédiatement de ses fonctions sans traitement pour non-respect de son obligation vaccinale. Toutefois, l'arrêté du 30 mars 2022 a modifié l'arrêté du 15 septembre 2021 en différant les effets dans le temps de la mesure de suspension de fonctions sans traitement jusqu'à la fin de l'arrêt maladie de Mme A... qui correspond, dans les circonstances de l'espèce, à la date du 17 janvier 2022 à laquelle elle a démissionné de ses fonctions. Il suit de là que l'arrêté du 15 septembre 2021 tel que modifié par l'arrêté du 30 mars 2022, est légal en vertu du principe rappelé au point 8. Les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés des 15 septembre 2021 et 30 mars 2022 doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

10. Il résulte des bulletins de paie versés à l'instance par le centre hospitalier de Roubaix que Mme A... a perçu son plein traitement aux mois d'août et septembre 2021, puis 284 euros au mois d'octobre 2021 et 591,94 euros de prime de service au mois de janvier 2022 et qu'elle s'est vue soustraire les sommes de 262,45 euros au mois de novembre et de 911,56 euros au mois de décembre 2021. Il résulte de l'instruction que le reliquat de 4 090,60 euros qui lui a été versé au mois d'avril 2022 a eu pour effet de compenser le manque à gagner résultant des effets de l'arrêté du 15 septembre 2021, en faisant bénéficier Mme A... de trois mois à plein traitement du 16 août au 15 novembre 2021 et deux mois à demi-traitement du 16 novembre 2021 au 17 janvier 2022, date de sa démission. De même, le bulletin de paie édité au mois d'avril 2022 pour régulariser la situation de l'intéressée a pris en compte les différents postes relatifs à l'avancement, l'ancienneté et les droits à congés de l'intéressée. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte sont donc devenues sans objet.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme A... ayant obtenu la régularisation de sa situation après avoir introduit sa requête en appel, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions du centre hospitalier de Roubaix présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2109216 du 2 décembre 2021 du président de la 4ème chambre tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2021 modifié par l'arrêté du 30 mars 2022 sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.

Article 4 : Le centre hospitalier de Roubaix versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier de Roubaix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au centre hospitalier de Roubaix.

Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.

Le président-assesseur,

Signé : M. B...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Anne-Sophie Villette

N°22DA00088 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00088
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : NOURY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-20;22da00088 ?
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