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10/11/2022 | FRANCE | N°21DA02794

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 10 novembre 2022, 21DA02794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 12 mars 2018 du président du conseil de la Métropole Européenne de Lille (MEL) portant tableau d'avancement au grade de technicien principal de 1ère classe au titre de l'année 2018, ainsi que de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours gracieux qu'elle avait formé contre cette décision, d'autre part, des décisions de nomination au grade de technicien principal de 1

ère classe au titre de l'année 2018, prises sur le fondement de ce tableau d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 12 mars 2018 du président du conseil de la Métropole Européenne de Lille (MEL) portant tableau d'avancement au grade de technicien principal de 1ère classe au titre de l'année 2018, ainsi que de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours gracieux qu'elle avait formé contre cette décision, d'autre part, des décisions de nomination au grade de technicien principal de 1ère classe au titre de l'année 2018, prises sur le fondement de ce tableau d'avancement, de Mmes D... C... et Virginie Lecompte et de MM. Hervé Bourgeois, Jacques Bride, Lionel Defretin, Olivier Denneulin, David Fievez, Norbert Hubaut, Jean-François Lampin, Frédéric Lhermitte, Jean Moutier et Christophe Vinkier.

Par un jugement n° 1806211 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de Mme E... et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire, enregistrés le 6 décembre 2021, le 24 décembre 2021 et le 6 juillet 2022, Mme E..., représentée par Me Viegas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 12 mars 2018 du président du conseil de la Métropole Européenne de Lille portant tableau d'avancement au grade de technicien principal de 1ère classe au titre de l'année 2018, ainsi que de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours gracieux qu'elle avait formé contre cette décision, d'autre part, des décisions de nomination au grade de technicien principal de 1ère classe au titre de l'année 2018, prises sur le fondement de ce tableau d'avancement,

de Mmes D... C... et Virginie Lecompte et de MM. Hervé Bourgeois, Jacques Bride, Lionel Defretin, Olivier Denneulin, David Fievez, Norbert Hubaut,

Jean-François Lampin, Frédéric Lhermitte, Jean Moutier et Christophe Vinkier ;

3°) de mettre à la charge de la Métropole Européenne de Lille une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, faute de comporter les signatures prévues par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les décisions contestées sont entachées d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que la commission administrative paritaire compétente a été régulièrement consultée ;

- l'arrêté du 12 mars 2018 du président de la Métropole Européenne de Lille arrêtant le tableau d'avancement des agents de cet établissement public territorial au grade de technicien principal de première classe est entaché d'erreur de droit et de méconnaissance du principe d'égalité des agents titulaires d'un même grade, dès lors qu'il prend en compte la nature des emplois occupés par les candidats à l'avancement ;

- cet arrêté est entaché d'erreur manifeste en ce qui concerne l'appréciation de ses mérites ;

- il repose sur une discrimination fondée sur son engagement syndical ;

- il repose sur une discrimination fondée sur son genre ;

- la décision de ne pas l'inscrire sur ce tableau d'avancement revêt le caractère d'une sanction déguisée ;

- cette décision procède d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2022, la Métropole Européenne de Lille, représentée par Me Jean-Pierre, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, de mettre à la charge de Mme E..., une somme de 2 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 7 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 août 2022.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 2010-1357 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 2010-329 du 22 mars 2010 ;

- le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- les conclusions de M. Nil Carpentier Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Mme E... et de Me Brunière, représentant la Métropole Européenne de Lille.

Mme E..., représentée par Me Viegas, a présenté une note en délibéré le 19 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... était technicienne principale de 2ème classe occupant l'emploi de négociatrice foncière au sein de l'unité fonctionnelle Tourcoing-Armentières du service de l'action foncière de la Direction stratégie et opérations foncières du Pôle Aménagement et habitat de la Métropole Européenne de Lille (MEL). Elle a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 mars 2018 du président de la Métropole Européenne de Lille portant tableau d'avancement au grade de technicien principal de 1ère classe au titre de l'année 2018, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours gracieux qu'elle a formé à l'encontre de cet arrêté, d'autre part, d'annuler les décisions de nomination à ce grade des douze agents inscrits sur ce tableau d'avancement. Mme E... relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a, contrairement à ce que soutient Mme E..., été signée conformément aux prescriptions

de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué au regard de ces dispositions manque en fait. En outre, la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à Mme E... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 mars 2018 du président de la Métropole Européenne de Lille portant tableau d'avancement au grade de technicien principal de 1ère classe au titre de l'année 2018 :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Il résulte des dispositions de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige, que l'une des modalités de l'avancement au grade supérieur d'un fonctionnaire territorial est l'avancement au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. Pour procéder à la consultation de la commission administrative paritaire sur son projet de tableau annuel d'avancement au grade supérieur d'un cadre d'emploi, l'autorité administrative compétente doit tenir à la disposition de la commission administrative paritaire les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour établir son projet de tableau après avoir comparé les mérites respectifs des agents.

5. Mme E... soutient que, lors de la réunion du 15 février 2018, au cours de laquelle la commission administrative paritaire compétente a examiné le projet de tableau d'avancement au grade de technicien supérieur de première classe au titre de l'année 2018, les représentants de l'administration ont manifesté leur opposition de principe à son inscription sur ce tableau d'avancement, motivée par les conditions dans lesquelles elle exerce une activité syndicale et, qu'ainsi, la commission administrative paritaire, à laquelle ont été soumises des considérations étrangères à sa valeur professionnelle et aux acquis de son expérience, a été consultée dans des conditions irrégulières au regard des dispositions de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984. Toutefois, d'une part, les affirmations de Mme E... sur ce point ne sont pas corroborées par le procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire. D'autre part, l'appelante se borne à faire valoir, à cet égard, des éléments de fait postérieurs à la réunion de la commission administrative paritaire du 15 février 2018 en se référant, en particulier, aux conditions dans lesquelles sa situation aurait été évoquée au cours de la réunion de la commission administrative paritaire qui s'est tenue le 28 mars 2019. Ces éléments ne sont pas de nature à établir la réalité des affirmations de Mme E.... Le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de la commission administrative paritaire du 15 février 2018 doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant des moyens relatifs à l'appréciation comparée de la valeur professionnelle des candidats à l'avancement :

6. D'une part, aux termes de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. (...) / Il a lieu suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Soit au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) ". Aux termes de l'article 80 de la même loi : " Le tableau annuel d'avancement mentionné au 1° et au 2° de l'article 79 est arrêté par l'autorité territoriale dans les conditions fixées par chaque statut particulier. / (...) L'avancement est prononcé par l'autorité territoriale parmi les fonctionnaires inscrits sur un tableau d'avancement. Les fonctionnaires d'une collectivité ou d'un établissement ne peuvent être promus par cette collectivité ou cet établissement que dans l'ordre du tableau (...) ". L'article 8 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux dispose quant à lui que : " Pour l'établissement du tableau d'avancement prévu à l'article 80 de la loi du 26 janvier 1984 (...), il est procédé à une appréciation de la valeur professionnelle du fonctionnaire, compte tenu notamment : / 1° Des comptes rendus d'entretiens professionnels ; / 2° Des propositions motivées formulées par le chef de service ; / 3° Et, pour la période antérieure à la mise en place de l'entretien professionnel, des notations. / Les fonctionnaires sont inscrits au tableau d'avancement par ordre de mérite ou sur la liste d'aptitude. Les candidats dont le mérite est jugé égal sont départagés par l'ancienneté dans le grade ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 2 du décret du 9 novembre 2010 portant dispositions statutaires communes à divers cadres d'emplois de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique territoriale : " II. - Les titulaires des grades de technicien principal de 2e et de 1re classe ont vocation à occuper des emplois qui, relevant des domaines d'activité mentionnés au I, correspondent à un niveau d'expertise acquis par la formation initiale, l'expérience professionnelle ou par la formation professionnelle tout au long de la vie. / Ils peuvent assurer la direction des travaux sur le terrain, le contrôle des chantiers, la gestion des matériels et participer à l'élaboration de projets de travaux neufs ou d'entretien. Ils peuvent procéder à des enquêtes, contrôles et mesures techniques ou scientifiques. / Ils peuvent également exercer des missions d'études et de projets et être associés à des travaux de programmation. Ils peuvent être investis de fonctions d'encadrement de personnels ou de gestion de service ou d'une partie de services dont l'importance, le niveau d'expertise et de responsabilité ne justifient pas la présence d'un ingénieur ".

8. En premier lieu, il résulte des dispositions, citées au point 6, des article 79 et 80 de la loi du 26 janvier 1984 que la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents promouvables sont les seuls critères sur lesquels l'autorité compétente peut légalement se fonder pour établir un tableau d'avancement.

9. Ces dispositions, ne font, en revanche, pas obstacle à ce que, pour apprécier les mérites comparés des candidats à l'avancement, l'administration prenne en compte les difficultés inhérentes aux postes occupés, dans la mesure où celles-ci contribuent à révéler la valeur professionnelle des agents qui les occupent, compte tenu des qualités professionnelles manifestées dans l'accomplissement des missions qui leur sont confiées, et à apprécier l'expérience qu'ils ont acquise à cette occasion.

10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le mérite des agents promouvables a été apprécié, tous pôles confondus de la Métropole en tenant compte de la " cotation des postes ", c'est-à-dire de la difficulté des postes ainsi que de la réalité des fonctions exercées, certains postes pouvant correspondre à des fonctions susceptibles d'être exercées par un agent relevant de la catégorie A. Les dispositions, citées au point 6, des article 79 et 80 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 8 du décret du 16 décembre 2014 ne faisaient pas obstacle à ce que, pour apprécier les mérites comparés des candidats à l'avancement, le président de la Métropole Européenne de Lille prenne en compte les difficultés inhérentes aux postes occupés, dans la mesure où celles-ci contribuent à révéler la valeur professionnelle des agents qui les occupent, compte tenu des qualités professionnelles manifestées dans l'accomplissement des missions qui leur sont confiées, et à apprécier l'expérience qu'ils ont acquise à cette occasion. Par ailleurs, Mme E... ne conteste pas le niveau de cotation attribué aux différents postes occupés par les agents. En outre, il ne résulte pas des pièces du dossier que la difficulté des postes occupés par chaque agent promouvable ait constitué pour l'autorité compétente un critère autonome, pris en compte indépendamment de l'appréciation des qualités professionnelle des intéressé. Mme E... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que tableau d'avancement contesté est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions des articles 79 et 80 de la loi du 26 janvier 1984, ou a été pris en méconnaissance du principe d'égalité de traitement des agents titulaires d'un même grade.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que quarante-trois agents de la Métropole Européenne de Lille titulaires du grade de technicien supérieur de deuxième classe étaient promouvables au grade de technicien supérieur de première classe au titre de l'année 2018, que douze postes avaient été ouverts à l'avancement à ce grade par la voie de l'inscription à un tableau d'avancement et que vingt-et-un agents, dont Mme E..., avaient été proposés en vue de leur inscription à ce tableau d'avancement.

12. Mme E... fait valoir que, remplissant depuis l'année 2014 les conditions statutaires pour être promue au grade d'agent technique territorial de première classe, elle justifiait dans le grade d'agent technique territorial de deuxième classe d'une ancienneté plus de deux fois supérieure à l'ancienneté moyenne des vingt-et-un agents proposés à l'avancement au titre de l'année 2018 et près de deux fois supérieure à celle des douze agents inscrits au tableau d'avancement. Elle fait également valoir que la qualité constante de sa manière de servir était reconnue par sa hiérarchie, notamment à l'occasion des entretiens annuels d'évaluation, qu'elle s'était acquittée avec succès, en 2017, d'une mission particulièrement délicate ayant justifié, au cours de la même année, une modification de la fiche descriptive du poste qu'elle occupait et que ce poste était noté 3,5 selon le système de cotation sur cinq points établi par la Métropole Européenne de Lille, alors que parmi les douze agents figurant sur le tableau d'avancement contesté, cinq occupaient un poste dont la cotation était moins élevée.

13. Toutefois, d'une part, il résulte des dispositions, citées au point 6, de l''article 8 du décret du 16 décembre 2014, que l'ancienneté des agents proposés à l'avancement ne peut être prise en compte que pour départager, le cas échéant, des candidats d'égal mérite.

14. D'autre part, au cours de la campagne d'évaluation ayant précédé l'établissement du tableau d'avancement litigieux, Mme E... avait, sur les cinq critères d'évaluation de la manière de servir et des qualités professionnelles, obtenu l'évaluation " très satisfaisant ", pour quatre de ces critères, et " satisfaisant ", pour le cinquième, et l'appréciation littérale de sa hiérarchie mentionnait : " Mme E... a accepté de prendre en charge un dossier complexe d'expropriation et ainsi démontré sa capacité à évoluer vers un poste de chargé d'affaires foncières plus polyvalent ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces que les missions qui lui étaient confiées dans le cadre du poste d'opérateur foncier qu'elle occupait correspondaient en réalité, ainsi qu'elle le soutient, à des missions normalement dévolues à un agent de catégorie A. Il résulte, à l'inverse, des pièces du dossier, en particulier des comptes-rendus d'entretiens d'évaluation versés au dossiers et de la liste des agents proposés à l'avancement au grade de technicien supérieur au titre de l'année 2018, que quatre des agents inscrits au tableau d'avancement litigieux occupaient un poste affecté d'une cotation supérieure à celui de Mme E... et faisaient l'objet d'appréciations élogieuses de la part de leur hiérarchie. Trois de ces agents avaient obtenu l'évaluation " très satisfaisant " pour les cinq critères d'évaluation de la manière de servir et des qualités professionnelles et le cinquième avait, comme la requérante, obtenu l'évaluation " très satisfaisant " pour quatre critères et " satisfaisant " pour un critère. Les deux agents inscrits à ce tableau d'avancement et qui, comme Mme E..., occupaient un poste affecté de la cotation 3,5 et avaient obtenu l'évaluation " très satisfaisant " pour quatre critères et " satisfaisant " pour le cinquième critère, bénéficiaient, quant à eux, d'excellentes appréciations littérales, soulignant tant leur rigueur professionnelle que leur disponibilité. S'agissant des cinq agents qui occupaient des postes affectés de cotations inférieures à celui de Mme E..., il ressort des comptes-rendus d'entretiens professionnels que trois d'entre eux, dont la manière de servir et les qualités professionnelles avaient été estimée " très satisfaisante " au regard des cinq critères d'évaluation, avaient reçu des appréciations littérales élogieuses, soulignant, pour le premier, sa motivation, son investissement, son expertise, sa capacité d'anticipation et son expérience, pour le deuxième, sa grande rigueur, sa créativité et sa capacité à mettre en œuvre ses idées, ainsi que son potentiel pour développer les activités du service et encadrer une équipe, et pour le troisième, son sérieux et son efficacité, sa capacité à mettre en œuvre des actions transversales en relation avec d'autres services et le fait qu'il était très apprécié tant au sein de l'unité fonctionnelle où il était affecté que par les interlocuteurs de la Métropole Européenne de Lille. Si le compte-rendu d'entretien professionnel du quatrième de ces agents, dont le poste était affecté de la cotation 2,5, n'a pas été produit par la Métropole Européenne de Lille, il ressort de la liste des agents promouvables et n'est pas contesté par la requérante que celui-ci occupait un poste de chef de service adjoint de niveau " catégorie A ", au sein duquel il assurait l'encadrement de quinze autres agents. Si, par ailleurs, le cinquième de ces agents, occupant le poste, affecté de la cotation 2, de chargé de diffusion des usages et de la communication, n'avait obtenu l'évaluation " très satisfaisant " que pour trois critères sur les cinq critères relatifs à la manière de servir, cet agent était, selon l'appréciation littérale de sa hiérarchie, " reconnu pour la qualité des accompagnements qu'il réalise au quotidien, impliqué et disponible ", et qualifié " d'élément fiable de l'équipe ". Enfin, s'agissant du douzième agent inscrit au tableau d'avancement, il n'est pas contesté que son avancement est intervenu dans le cadre de la décharge totale d'activité dont il bénéficiait du fait de son engagement syndical.

15. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle respectifs de Mme E... et des autres candidats à la promotion au grade de technicien supérieur de première classe, le tableau d'avancement contesté soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

16. En troisième lieu, Mme E... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'en raison de son ancienneté, le fait qu'elle ne figurait pas sur le tableau d'avancement contesté a eu pour elle des conséquences négatives particulières, dès lors qu'une telle circonstance est étrangère à l'appréciation des mérites comparés des différents candidats à l'avancement. Elle ne peut pas non plus se prévaloir de la sous-représentation des agents féminins parmi les agents promus au grade de technicien supérieur de première classe ni du caractère, selon elle, insuffisant des mesures prises par la direction de la Métropole Européenne de Lille pour remédier à cette sous-représentation dans le cadre d'emploi des techniciens territoriaux, dès lors que le genre ne constitue pas davantage un critère susceptible d'être pris en compte pour l'avancement au choix.

S'agissant des moyens tirés de ce que l'absence d'inscription de Mme E... au tableau d'avancement arrêté le 12 mars 2018 résulte de discriminations fondées sur ses activités syndicales et sur son genre :

17. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions (...) syndicales, de leur (...) identité de genre (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement (...) de son sexe, (...), de ses activités syndicales, (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ".

18. Aux termes du 2° de l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur un motif mentionné à l'article 1er est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle ". Aux termes de l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ".

19. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure ou une pratique a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

20. En premier lieu, Mme E... soutient qu'elle ne figurait pas sur le tableau d'avancement au grade de technicien supérieur de première classe au titre de l'année 2018 en raison d'une discrimination fondée sur ses activités syndicales.

21. A l'appui de ce moyen, Mme E... fait valoir qu'intégrée dans le cadre d'emploi des techniciens territoriaux le 1er décembre 2010, au neuvième échelon du grade de technicien principal de première classe, elle remplissait depuis l'année 2014 les conditions d'ancienneté minimale d'un an au sixième échelon de ce grade et de cinq années d'exercice effectif de ses fonctions dans un cadre d'emploi de catégorie B, résultant de l'application des dispositions de l'article 25 du décret du 22 mars 2010 portant dispositions statutaires communes à divers cadres d'emplois de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique territoriale. Elle fait également valoir qu'elle justifiait d'une ancienneté près de deux fois supérieure à l'ancienneté moyenne des douze autres agents promus au choix, hors examen professionnel, au grade de technicien supérieur de première classe au titre de l'année 2018, alors qu'elle bénéficiait d'évaluations élogieuses de la part de son supérieur hiérarchique direct qui la proposait à l'avancement depuis plusieurs années. Mme E... fait également valoir que la discrimination dont elle a été victime trouve son origine dans sa participation active à des actions syndicales conduites en opposition à la mise en place, au sein de la fonction publique territoriale, du système indemnitaire dit " B... " alors que, si des attestations rédigées par des membres du syndicat auquel adhère l'appelante confirment sa participation, dès l'année 2017, à ce mouvement de protestation, il ne résulte pas des pièces du dossiers que les actions qu'elle a menées dans ce cadre avaient entraîné une situation conflictuelle particulière avec la direction de la Métropole Européenne de Lille avant la tenue d'une réunion d'information intersyndicale le 18 avril 2018, postérieurement à l'arrêt contesté du 12 mars 2018, et au cours de laquelle Mme E... a tenu des propos qui ont suscité l'ouverture d'une enquête pour diffamation. De la même manière, ni la circonstance qu'un représentant du personnel a tenu à évoquer la situation particulière de Mme E... au cours de la réunion de la commission administrative paritaire qui s'est tenue le 28 mars 2019, dont l'objet n'était d'ailleurs pas l'avancement des agents de la Métropole Européenne de Lille au grade de technicien supérieur de première classe, ni celle que l'intéressée n'a plus figuré, à compter de l'année 2019, sur la liste des agents proposés pour l'avancement à ce grade, ne permettent de considérer que l'autorité hiérarchique nourrissait à son encontre une animosité particulière lorsque le tableau d'avancement au titre de l'année 2018 a été établi. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production par la Métropole Européenne de Lille de l'enregistrement sonore de la réunion de la commission administrative paritaire du 28 mars 2019, les circonstances invoquées par Mme E..., compte tenu en particulier de leur chronologie, ne sont pas susceptibles de faire présumer que sa non inscription sur le tableau d'avancement au grade de technicien supérieur de première classe arrêté le 12 mars 2018 était la conséquence d'une discrimination fondée sur ses engagements syndicaux.

22. En second lieu, ni la circonstance que, sur les douze candidats retenus, en dehors de ceux qui avaient été admis à l'examen professionnel, seules deux femmes figuraient sur le tableau d'avancement contesté, ni la sous-représentation au sein des services de la Métropole Européenne de Lille, dans ce grade ou, plus généralement dans le corps des techniciens territoriaux, des personnels féminins ne sont de nature à faire présumer que Mme E... aurait été victime d'une discrimination en raison du genre.

S'agissant des moyens tirés de ce que l'absence d'inscription de Mme E... au tableau d'avancement arrêté le 12 mars 2018 constitue une sanction déguisée et procède d'un détournement de pouvoir :

23. Une mesure revêt le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

24. Dans les circonstances décrites aux points 14 et 21, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en ne procédant pas à l'inscription de Mme E... au tableau d'avancement au grade de technicien supérieur de première classe au titre de l'année 2018 le président de la Métropole Européenne de Lille ait en réalité entendu prendre à son encontre une sanction, dès lors que ce tableau d'avancement résulte de l'appréciation des mérites comparés de l'ensemble des candidats à ce grade. Les moyens tirés de ce que le président du conseil de la Métropole Européenne de Lille lui a ainsi infligé une sanction déguisée et commis un détournement de pouvoir doivent, par suite, être écartés.

25. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente en appel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée devant la cour par la Métropole Européenne de Lille sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Métropole Européenne de Lille sur les fondements des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., à la Métropole Européenne de Lille, à Mmes D... C... et Virginie Lecompte et à MM. Hervé Bourgeois, Jacques Bride, Lionel Defretin, Olivier Denneulin, David Fievez, Norbert Hubaut, Jean-François Lampin, Frédéric Lhermitte, Jean Moutier et Christophe Vinkier.

Délibéré après l'audience publique du 18 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail-Dellaporta président assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : D. Bureau

La présidente de chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Huls-Carlier

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No 21DA02794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02794
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : VIEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-10;21da02794 ?
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