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30/01/2023 | FRANCE | N°22DA02012

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 30 janvier 2023, 22DA02012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement.

Elle a également demandé qu'il soit enjoint sous astreinte audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un

délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou à défaut de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement.

Elle a également demandé qu'il soit enjoint sous astreinte audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou à défaut de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois à compter de cette notification et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de cette date.

Par un jugement n° 2200127 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2022, Mme G..., représentée par

Me Blandine Quevremont, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 mai 2022 et l'arrêté du 3 juin 2021 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire d'enjoindre au dit préfet de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois à compter de cette notification et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de cette date, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, au titre des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- elle réside sur le territoire français depuis 2010 ;

- l'arrêté contesté méconnaît donc les articles L.423-3 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les mêmes motifs, il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté viole également l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'appelante ne démontre qu'une présence ponctuelle en France et renvoie pour les autres moyens à son mémoire en défense produit en première instance.

Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

La clôture de l'instruction a été fixée au 12 décembre 2022 à 12 heures par une ordonnance du 16 novembre 2022.

Des pièces ont été enregistrées le 19 décembre 2022 pour Mme G... et n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante serbe, est entrée en France avec son passeport le 4 juillet 2020. Elle a demandé le 2 février 2021 son admission au séjour. Par un arrêté du 3 juin 2021, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté cette demande, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. L'appelante demande à la cour d'annuler le jugement du 5 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de cet arrêté du 2 février 2021.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".

3. Mme G..., qui a demandé un titre de séjour sur le fondement des dispositions rappelées au point précédent, soutient qu'elle réside en France depuis 2010 avec son concubin, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 14 septembre 2031, et avec leurs quatre enfants.

4. L'appelante se prévaut d'abord de son entrée régulière en France, le 4 juillet 2010, ce dont fait état l'arrêté contesté. Par ailleurs, les deux premiers enfants de A... G..., B... et D... sont nés à Rouen le 20 mai 2012 et l'intéressée a y été hospitalisée jusqu'au 8 juin 2012 à la suite de cet accouchement. Son troisième enfant, F..., est également née à Rouen le 4 avril 2013. Son quatrième enfant, H..., est aussi né à Rouen le 8 août 2018. Mme G... justifie également, par les comptes-rendus médicaux produits à l'instance, qu'elle a été régulièrement suivie pour la grossesse de cet enfant entre mars 2018 et sa naissance.

5. Pour établir la continuité de son séjour en France, son concubin a attesté le 1er février 2021 qu'il hébergeait Mme G... et qu'ils vivaient ensemble depuis le 14 août 2008 mais l'intéressée s'est bornée à produire, en dehors des éléments susmentionnés, des factures d'électricité au nom de son concubin et au sien du 28 novembre 2015, du 22 février 2021 et du 22 juin 2021. Elle a fourni également des quittances de loyer aux deux noms pour la période de novembre 2018 à juin 2019 ainsi qu'une l'attestation de la caisse d'allocations familiales pour le versement des prestations familiales de juillet 2017 à mai 2021. Elle a aussi bénéficié de l'aide médicale d'Etat du 12 mars 2014 au 26 mars 2015, du 3 novembre 2015 au 2 novembre 2016, du 30 janvier 2018 au 29 janvier 2019 et enfin du 15 décembre 2020 au 14 décembre 2021.

6. Le directeur de l'école de trois des enfants de A... G..., B..., F... et D..., a attesté le 6 juillet 2021 que l'intéressée déposait régulièrement ses enfants à l'école et était présente aux réunions les concernant, sans toutefois préciser les périodes concernées. Mme G... établit néanmoins qu'elle a aussi participé à des réunions de l'équipe éducative pour son troisième enfant, le 15 mars 2021 et le 30 novembre 2021.

7. Ces différents éléments ne suffisent toutefois pas à démontrer la présence continue de Mme G... en France depuis 2010 dès lors que l'intéressée n'a produit aucun justificatif de sa présence entre son entrée en France le 4 juillet 2010 et mai 2012, entre avril 2013 et mars 2014, de novembre 2016 à juillet 2017 et enfin de juin 2019 à février 2020. Il ressort également de son passeport que celui-ci a été établi en Serbie le 14 novembre 2019 et Mme G... ne conteste pas être restée dans son pays d'origine jusqu'au 4 juillet 2020. Par ailleurs, la caisse d'allocations familiales a attesté que le couple était connu de la caisse depuis le 3 août 2011 avec des séparations et des reprises de vie maritale, dont la dernière au 15 juin 2020.

8. Enfin, si les quatre enfants de l'appelante sont nés en France et si ses deux ainés y sont scolarisés continûment depuis 2016, étant admis en juin 2020 en cours moyen première année, et si le troisième enfant y est scolarisé depuis 2017, il n'est pas démontré par ce qui précède que leur mère a été continûment présente à leurs côtés.

9. Mme G... n'apporte aucun autre élément de nature à établir que son séjour réponde à des considérations humanitaires ou soit justifiée par des motifs exceptionnels. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui précède et dès lors que l'intéressée n'établit ni la continuité de sa présence auprès de ses enfants en France, ni celle de sa vie commune avec son concubin, il n'est pas démontré que le refus de titre de séjour a porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressée.

11. Les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent donc être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée doit également être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit, les quatre enfants de A... G... sont nés en France. Par ailleurs, les deux premiers y sont scolarisés depuis septembre 2016 et ont été admis en juin 2021 en cours moyen première année. Le troisième enfant était également scolarisé depuis septembre 2017 et était en 2020-2021 en cours préparatoire.

14. Toutefois, il n'est pas contesté que Mme G... a résidé en Serbie au moins de novembre 2019 à juillet 2020, selon ses dires, et qu'elle n'était donc alors pas présente auprès de ces trois enfants en France. Par ailleurs, il n'est pas non plus établi que le père des enfants ne serait pas admissible en Serbie en cas de retour de leur mère dans son pays d'origine, comme le préfet l'a soutenu en première instance sans être sérieusement contredit. Enfin, en tout état de cause, il n'est pas démontré que la scolarité des enfants ne pourrait se poursuivre dans le pays d'origine de leurs parents.

15. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, par le jugement contesté, a rejeté ses conclusions d'annulation de l'arrêté du 3 juin 2021. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Blandine Quevremont.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 5 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : D. PerrinLe président de la 1ère chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 22DA02012 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02012
Date de la décision : 30/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : QUEVREMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-30;22da02012 ?
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