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16/02/2023 | FRANCE | N°22DA00598

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 16 février 2023, 22DA00598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Village éco sport a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, les arrêtés du 27 juillet 2020 par lesquels le maire de Bois-Guillaume a retiré les permis de construire qui lui avaient été délivrés le 28 février 2020 et, d'autre part, les arrêtés du 3 août 2020 par lesquels ce maire a rejeté ses demandes de permis de construire.

Par un jugement n° 2003539 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2022 et par des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Village éco sport a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, les arrêtés du 27 juillet 2020 par lesquels le maire de Bois-Guillaume a retiré les permis de construire qui lui avaient été délivrés le 28 février 2020 et, d'autre part, les arrêtés du 3 août 2020 par lesquels ce maire a rejeté ses demandes de permis de construire.

Par un jugement n° 2003539 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2022 et par des mémoires enregistrés les 23 juin 2022 et 4 novembre 2022, la SCI Village éco sport, représentée par Me Pierre-Xavier Boyer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 janvier 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés des 27 juillet 2020 et du 3 août 2020 du maire de Bois-Guillaume ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bois-Guillaume la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les arrêtés attaqués sont entachés d'un vice de procédure ;

- ils méconnaissent l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme et l'article L. 122-1 du code de l'environnement;

- ils méconnaissent l'article L. 153-1 du code de l'urbanisme ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal de la métropole Rouen Normandie.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2022, la commune de Bois-Guillaume, représentée par Me Florence Malbesin, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Village éco sport de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Village éco sport a déposé le 1er août 2019 deux demandes de permis de construire, référencées sous les nos PC07610819O0061 et PC07610819O0062, tendant respectivement à l'édification d'une " halle multi-activité " et de " bâtiments pour activités sportives et de loisirs ", à Bois-Guillaume. Le maire de cette commune a délivré les permis sollicités par deux arrêtés du 28 février 2020, qu'il a cependant retirés par des arrêtés du 27 juillet 2020. Par deux arrêtés du 3 août 2020, le maire de Bois-Guillaume a rejeté les demandes de permis de construire présentées par la SCI Village éco sport. Cette dernière a demandé l'annulation de ces arrêtés du 27 juillet 2020 et du 3 août 2020 au tribunal administratif de Rouen, qui a rejeté ses demandes par un jugement du 13 janvier 2022. La SCI Village éco sport relève appel de ce jugement.

Sur la légalité des arrêtés de retrait des permis de construire :

En ce qui concerne le moyen tiré d'un vice de procédure :

2. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 4° Retirent (...) une décision créatrice de droits (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 9 juillet 2020, le maire de Bois-Guillaume a informé la SCI Village éco sport de son intention de retirer les permis de construire qui lui avaient été délivrés le 28 février 2020 et l'a invitée à présenter ses observations dans un délai de dix jours. Pour justifier ce retrait, le maire a relevé dans ce courrier : " J'ai lu très attentivement les remarques de Monsieur le Préfet qui étaient de nature à remettre en cause la légalité des permis délivrés. Elles portaient tant sur la complétude des dossiers que sur la compatibilité du projet dans sa globalité avec le plan local d'urbanisme de la métropole Rouen Normandie ", avant de conclure que " Après une analyse objective de l'argumentation préfectorale et des éléments soulevés en réponse par mon prédécesseur le 26 juin, il ne me paraît pas juridiquement concevable pour la commune de maintenir les autorisations délivrées ".

4. Si ce courrier a insisté sur le motif tiré de la méconnaissance du plan local d'urbanisme intercommunal, en précisant que " il aurait été raisonnable à l'époque de surseoir à statuer sur les autorisations sollicitées ", il a aussi informé d'une manière suffisamment claire la SCI Village éco sport que le retrait envisagé pourrait être également fondé sur l'incomplétude des dossiers de demande de permis de construire. En outre, si le courrier du 9 juillet 2020 a énoncé ce dernier motif de manière succincte, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 13 novembre 2019 adressé à la pétitionnaire, le préfet de la région Normandie avait estimé nécessaire la réalisation d'une étude d'impact et que l'absence d'un tel document avait fait l'objet, avant les retraits litigieux, d'échanges entre la pétitionnaire et les services communaux. De plus, dans son recours gracieux formé à l'encontre des permis délivrés le 28 février 2020, le préfet de la Seine-Maritime, qui était tenu de notifier ce recours à la bénéficiaire en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, avait clairement relevé l'absence d'une étude d'impact.

5. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la procédure qui a précédé l'édiction des arrêtés attaqués est entachée d'irrégularité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'illégalité des motifs de retrait :

6. Pour retirer les permis de construire délivrés à la SCI Village éco sport, le maire de Bois-Guillaume s'est fondé, d'une part, sur l'incomplétude des demandes de permis de construire et, d'autre part, sur l'absence de sursis à statuer sur ces demandes.

S'agissant de l'incomplétude des demandes de permis de construire :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 424-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision autorise un projet soumis à évaluation environnementale, elle comprend en annexe un document comportant les éléments mentionnés au I de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement ". Aux termes de l'article R. 431-16 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l'autorité environnementale de ne pas le soumettre à évaluation environnementale (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité (...) ". Aux termes du I de l'article R. 122-2 du même code : " Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau (...) ". Aux termes du IV du même article : " Lorsqu'un même projet relève de plusieurs rubriques du tableau annexé, une évaluation environnementale est requise dès lors que le projet atteint les seuils et remplit les conditions de l'une des rubriques applicables. Dans ce cas, une seule évaluation environnementale est réalisée pour le projet ".

9. Pour estimer incomplètes les demandes de permis de construire, le maire de Bois-Guillaume a relevé l'absence d'une " évaluation environnementale ", laquelle doit comporter une étude d'impact en application des dispositions précitées du code de l'environnement, en précisant, dans la lettre notifiant les retraits litigieux, que " le dossier doit comprendre les éléments formellement visés par le code de l'environnement pour que le maître d'ouvrage puisse justifier les procédures attachées à son projet ". Contrairement à ce que soutient l'appelante, la commune de Bois-Guillaume ne demande pas à la cour de procéder dans la présente instance à une substitution de motifs, en soutenant que les dossiers de demande de permis de construire devaient comporter une étude d'impact, dès lors que ce motif était déjà contenu dans les arrêtés attaqués.

Quant à la nécessité d'une évaluation globale :

10. Dès lors que les articles L. 424-4 et R. 431-16 du code de l'urbanisme renvoient au I de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement pour définir les éléments requis dans le cadre d'une évaluation environnementale, parmi lesquels figure une étude d'impact, l'appelante ne peut utilement soutenir que le principe d'indépendance des législations fait obstacle à ce que lui soient opposables les dispositions de cet article du code de l'environnement.

11. Il ressort des pièces du dossier et notamment des demandes de permis de construire que les deux projets ont pour objet de développer l'offre de services récréatifs et sportifs aux abords du golf de Bois-Guillaume le long de la route nationale n° 28, qu'ils sont destinés à accueillir des activités complémentaires et à satisfaire les attentes d'une même clientèle et qu'ils seront desservis par une même voie, la rue herbeuse, qui assurera la liaison routière entre les deux sites, situés à proximité, grâce à un tunnel aménagé sous cette route nationale. Compte tenu de l'objet et des aménagements de ces deux projets, de leur proximité géographique et de leur concomitance ainsi que de leurs similitudes et futures interactions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la " halle multi-activités ", présentée dans les demandes comme une " annexe " du village sportif, serait économiquement viable si elle était construite isolément, le préfet de la région Normandie a pu légalement estimer, par son arrêté du 13 novembre 2019, que ces projets devaient faire l'objet d'une étude d'impact commune en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement.

Quant à l'obligation de fournir une étude d'impact :

12. Il ressort des pièces du dossier que le projet de " halle multi-activités ", destiné à accueillir des équipements sportifs, présentera une surface de plancher d'une superficie de 5 704 m² et comportera 49 places de stationnement. En outre, le projet de " village éco sport ", également destiné à accueillir des équipements sportifs, présentera une surface de plancher d'une superficie de 41 924 m² et comportera 129 places de stationnement. Il s'ensuit qu'en application des rubriques 39, 41 et 44 mentionnées dans le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, ces projets, pris globalement, devaient faire l'objet d'une étude d'impact.

Quant à l'absence de production d'une étude d'impact :

13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la pétitionnaire n'a produit dans le cadre de l'instruction de ses demandes de permis de construire que les seuls éléments prévus par l'article R. 122-3-1 du code de l'environnement pour déterminer si, au terme d'un examen au cas par cas, un projet doit être soumis ou non à une évaluation environnementale. Or, ainsi qu'il a été dit, il lui incombait de fournir à l'appui de ses demandes une étude d'impact comprenant l'ensemble des éléments prévus au II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement. Une telle lacune, qui n'est pas sérieusement justifiée par des difficultés particulières liées à l'épidémie de covid-19, a été de nature à fausser l'appréciation portée par le maire de Bois-Guillaume sur les demandes de permis de construire.

14. D'autre part, si la pétitionnaire a transmis, en avril 2020, des éléments d'analyse environnementale à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Normandie, ces éléments ont été produits après la délivrance des permis de construire litigieux et ne peuvent donc pas être regardés comme incorporés aux projets, en l'absence de demandes de permis de construire modificatif.

15. Enfin, si l'appelante soutient qu'en application des articles R. 423-38 et R. 423-39 du code de l'urbanisme, ses dossiers de demande devaient être regardés comme complets en l'absence d'une demande régulière de pièces manquantes dans le délai d'un mois imparti par ces articles, cette circonstance avait seulement pour conséquence, comme le prévoit l'article R. 423-41 du même code, de faire obstacle à une modification du délai d'instruction des demandes et n'interdisait au maire ni de demander, après l'expiration de ce délai, une pièce manquante, ni de fonder les décisions de retrait litigieuses sur l'incomplétude des dossiers de demande.

16. Il résulte de ce qui précède que le maire de Bois-Guillaume a pu légalement se fonder sur l'absence d'étude d'impact pour retirer les permis de construire litigieux.

S'agissant de la nécessité de prononcer un sursis à statuer :

17. D'une part, aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis (...). / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus (...) aux articles L. 153-11 et L. 311-2 du présent code (...) ". Aux termes de l'article L. 153-11 du même code : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables ".

18. D'autre part, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / (...) / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique (...) ".

19. Il résulte de ces dispositions que le certificat d'urbanisme délivré sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation, déposée dans le délai indiqué, examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Parmi ces règles, figure la possibilité, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, l'une des conditions énumérées à l'article L. 424-1 précité du code l'urbanisme, d'opposer un sursis à statuer à une demande de permis.

20. Si l'omission de la mention d'une telle possibilité dans le certificat d'urbanisme peut être, en vertu du cinquième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme et du sixième alinéa de l'article A. 410-4 du même code, de nature à constituer un motif d'illégalité de ce certificat, elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente oppose un sursis à statuer à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d'urbanisme.

21. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Bois-Guillaume a délivré à la SCI Village éco sport, le 20 septembre 2018, un certificat d'urbanisme portant sur les projets litigieux et que cette société a déposé ses demandes de permis de construire le 1er août 2019, soit avant l'expiration du délai de dix-huit mois prévu à l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme.

22. Toutefois, à la date de délivrance de ce certificat, il ressort des pièces du dossier que le projet de plan local d'urbanisme intercommunal de la métropole Rouen Normandie était en cours d'élaboration depuis le 12 octobre 2015. A cet égard, un débat avait déjà eu lieu le 20 mars 2017 sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables, lequel, dans sa rédaction de décembre 2016, d'une part, contenait une orientation n° 3 " pour un environnement de qualité et de proximité pour tous " privilégiant un traitement qualitatif des franges urbaines, le maintien de coupures d'urbanisation et le développement de la biodiversité et, d'autre part, prévoyait de préserver la zone naturelle où se situent les terrains d'assiette des projets.

23. Cette zone naturelle était précisément identifiée par les éléments cartographiques de ce projet de plan au sein d'un secteur qualifié de milieu naturel " remarquable " " à protéger ", encadré à l'ouest par un corridor écologique " à restaurer " et au nord par une coupure d'urbanisation aux abords du centre urbain d'Isneauville. Si un nouveau débat a eu lieu le 8 novembre 2018 sur les orientations du projet de plan d'aménagement et de développement durables, il était justifié par des ajustements rédactionnels et cartographiques qui ne concernaient pas la zone naturelle litigieuse.

24. Dans ces conditions, compte tenu de l'objet des projets, qui prévoient d'artificialiser une surface de plus de 40 000 m² dans une zone naturelle à préserver et eu égard aux orientations et au degré de précision du projet de plan local d'urbanisme intercommunal à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, le maire de Bois-Guillaume a pu légalement estimer qu'à cette date, les projets étaient de nature à compromettre l'exécution du futur plan et donc qu'ils auraient dû faire l'objet d'un sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme, nonobstant la circonstance que le certificat d'urbanisme ne mentionnait pas expressément la possibilité d'opposer un tel sursis.

25. Il résulte de ce qui précède que le maire de Bois-Guillaume a pu légalement se fonder sur l'absence de sursis à statuer pour retirer les permis de construire litigieux.

Sur la légalité des arrêtés de refus de permis de construire :

En ce qui concerne le moyen tiré d'un vice de procédure :

26. Si l'appelante se prévaut des dispositions de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme pour soutenir que l'absence d'étude d'impact aurait dû faire l'objet d'une demande de complément avant l'édiction des arrêtés attaqués, ces dispositions, qui figurent dans une section du code relative à l'instruction des demandes de permis et ont pour objet de préciser les conditions dans lesquelles est susceptible de naître, le cas échéant, au profit du demandeur un permis de construire tacite, ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision refusant un permis de construire. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'illégalité des motifs de refus de permis de construire :

27. Pour refuser de délivrer les permis de construire sollicités par la SCI Village éco sport, le maire de Bois-Guillaume s'est fondé, d'une part, sur l'incomplétude des dossiers de demande et, d'autre part, sur la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal de la métropole Rouen Normandie.

S'agissant de l'incomplétude des demandes de permis de construire :

28. Si la pétitionnaire a élaboré des éléments d'analyse environnementale en avril 2020, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du 11 juin 2020 de la mission régionale d'autorité environnementale de Normandie, dont le contenu n'est pas sérieusement contesté, qu'au vu de l'ampleur des projets et des caractéristiques naturelles du site, ces éléments d'analyse environnementale demeurent incomplets et ne comportent ni une analyse suffisante de l'état initial, notamment de la biodiversité et des ressources en eau, ni des mesures suffisantes d'évitement, de réduction ou de compensation des incidences défavorables du projet. L'appelante ne produit pas d'élément probant de nature à remettre en cause les conclusions de cet avis.

29. Une telle lacune, qui n'est pas sérieusement justifiée par des difficultés particulières liées à l'épidémie de covid-19, était de nature à fausser l'appréciation portée par le maire de Bois-Guillaume sur la conformité des projets à la réglementation applicable. Par suite, le maire a pu

légalement se fonder sur l'absence d'étude d'impact pour rejeter les demandes de permis de construire.

S'agissant de la méconnaissance du plan local d'urbanisme intercommunal :

30. Il résulte de la combinaison des articles L. 410-1 et L. 424-1 précités du code de l'urbanisme que, lorsque le plan local d'urbanisme en cours d'élaboration et qui aurait justifié, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, que soit opposé un sursis à statuer sur une demande de permis, entre en vigueur dans le délai du certificat, les dispositions issues du nouveau plan sont applicables à la demande de permis de construire.

31. En l'espèce, les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal de la métropole Rouen Normandie, issues des documents préparatoires établis à la date de délivrance du certificat d'urbanisme mentionné ci-dessus, ont été adoptées par le conseil métropolitain le 13 février 2020 et sont entrées en vigueur le 13 mars 2020. Dans ces conditions, elles étaient devenues applicables aux projets à la date des arrêtés attaqués.

Quant à la méconnaissance des règles applicables en zone NL et NL stl :

32. Il ressort du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la métropole Rouen Normandie que la zone NL " couvre les espaces dédiés aux activités sportives et de loisirs en dehors des zones urbanisées. Cette zone couvre notamment les golfs, les bases de loisirs (...) et des campings. La vocation première de cette zone est de pérenniser ces activités à usage récréatif pour les habitants (...) ".

33. Au sein de cette zone NL, le règlement fixe de manière limitative les constructions nouvelles qui y sont autorisées, parmi lesquelles figurent " les constructions et installations nécessaires à des services publics ou d'intérêt collectif destinés à des constructions ou extensions d'activités en plein air à vocation sociale, sportive, récréative et de loisirs (...) et pour lesquelles la hauteur maximale est limitée à 9 m ", ainsi que " les constructions et installations directement nécessaires à des services publics ou d'intérêt collectif limitées (...) à l'accueil du public et à l'animation du site dès lors qu'il s'agit d'équipements collectifs et ce dans la limite de 50 m² de surface de plancher et pour lesquelles la hauteur maximale est limitée à 9 m ". Dans l'ensemble de la zone NL, le règlement précise que, " pour les équipements d'intérêt collectif et services publics, l'emprise au sol ne devra pas excéder 10% de la superficie de terrain ".

34. Par ailleurs, au sein du secteur NL stl où des règles plus strictes de constructibilité s'appliquent, " les constructions, installations, aménagements et travaux à destination (...) d'activités de service où s'effectue l'accueil d'une clientèle " sont autorisées sous réserve notamment qu'ils soient " d'une superficie maximale de 250 m² d'emprise au sol, extensions et annexe comprises " et " d'une hauteur maximale de 9,5 m ".

35. D'une part, le projet de halle multi-activités, qui prend place sur un terrain classé en zone NL, n'a pas pour objet de créer des installations d'activités en plein air et, s'il comporte des constructions d'accueil du public et d'animation du site, sa surface de plancher excède la limite de

50 m² fixée par les dispositions citées ci-dessus. En outre, implanté sur un terrain d'assiette d'une superficie de 20 463 m², ce projet présente une emprise au sol d'une superficie de 13 151 m², nettement supérieure au plafond de 10 % applicable dans l'ensemble de la zone NL.

36. D'autre part, le projet de village éco sport, implanté sur un terrain d'assiette de 95 683 m² classé en zone NL et NL stl, présente une emprise au sol d'une superficie de 41 924 m², nettement supérieure au plafond de 10 % applicable dans l'ensemble de la zone NL. En outre, ce projet prend place, pour partie, au sein du secteur NL stl, sans respecter le plafond de 250 m² d'emprise au sol applicable dans ce secteur.

Quant à la méconnaissance des règles relatives aux corridors écologiques :

37. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du règlement graphique du plan local d'urbanisme intercommunal, qu'une partie du terrain d'assiette du projet de village éco sport est couverte par un " corridor écologique " à préserver. Or, au sein d'un tel corridor, selon les dispositions du règlement de ce plan, " l'implantation de nouvelles exploitations agricoles " est interdite et seules sont autorisées, pour " la sous-destination exploitation agricole " et sous de strictes conditions, la réfection, la modernisation, l'extension et l'aménagement de bâtiments agricoles et la construction d'abri pour animaux. Il se déduit de ces dispositions que les constructions projetées ne pouvaient être autorisées dans le corridor écologique en cause.

38. Il résulte de ce qui précède que le maire de Bois-Guillaume a pu légalement se fonder sur la méconnaissance des dispositions précitées du plan local d'urbanisme intercommunal pour rejeter les demandes de permis de construire.

39. Il résulte de tout ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 27 juillet 2020 et du 3 août 2020 du maire de Bois-Guillaume.

Sur les frais liés à l'instance :

40. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Bois-Guillaume, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la SCI Village éco sport et non compris dans les dépens.

41. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Village éco sport le versement d'une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Bois-Guillaume au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société civile immobilière Village éco sport est rejetée.

Article 2 : La société civile immobilière Village éco sport versera à la commune de Bois-Guillaume une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Village éco sport et à la commune de Bois-Guillaume.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 19 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme B... C..., présidente-assesseur,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°22DA00598 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00598
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-16;22da00598 ?
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