La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2023 | FRANCE | N°22DA02500

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 09 mars 2023, 22DA02500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Par un jugement n°2202638 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de l'Oise de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie priv

e et familiale " dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

I. Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Par un jugement n°2202638 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de l'Oise de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 30 novembre 2022 sous le n° 22DA02500, la préfète de l'Oise demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2022 ;

2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par M. B....

Elle soutient que :

-l'arrêté du 20 juillet 2022 ne méconnaît pas l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens présentés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Emmanuelle Pereira, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 30 novembre 2022 sous le n° 22DA02501, la préfète de l'Oise demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 10 novembre 2022.

Elle soutient que les conditions prévues à l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont réunies.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Emmanuelle Pereira, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant congolais né le 6 juin 2004, a présenté le 20 juin 2022 une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 juillet 2022, la préfète de l'Oise a rejeté cette demande, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement. Par un jugement du 10 novembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens, saisi par M. B..., a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois. La préfète de l'Oise relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution, par deux requêtes n° 22DA02500 et n° 22DA02501, qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 22DA02500 :

2. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en juin 2019 à l'âge de quinze ans et a été confié dès son arrivée aux services de l'aide sociale à l'enfance de l'Oise. Scolarisé durant l'année 2019/2020 au centre éducatif de formation professionnelle (CEFP) " Le moulin vert " au Mesnil-Théribus, il a obtenu le 8 juillet 2020 un certificat de formation générale et le 10 juillet 2020 le diplôme national du brevet au sein de l'académie d'Amiens. Inscrit en formation de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) mention " cuisine " à l'institut des métiers de l'artisanat à Cergy-Pontoise, il a bénéficié d'un contrat d'apprentissage pour une durée de 21 mois du 1er novembre 2020 au 30 août 2022 au sein de l'entreprise " Le petit comptoir " à Gisors.

4. Il est constant que M. B... a validé les deux premières années de sa formation. Si son bulletin scolaire de l'année 2021/2022 mentionne au premier semestre 52 heures 30 et au deuxième semestre 95 heures d'absences injustifiées, M. B... a obtenu une note moyenne de 12,44 et de 12,35 sur 20 respectivement au premier et deuxième semestres de cette année. En outre, il ressort de l'attestation rédigée le 30 juillet 2022 par le chef de cuisine du Petit comptoir, dont les mentions ne sont pas sérieusement contredites, que M. B... a été " réquisitionné " par son employeur en raison de " problèmes d'effectifs " pour travailler dans cette entreprise durant les semaines d'enseignement scolaire. Dans ces conditions, la préfète de l'Oise ne pouvait pas estimer que l'intéressé ne justifiait pas du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... entretiendrait des liens avec des membres de sa famille résidant dans son pays d'origine. Par ailleurs, si sa mère, Mme E... D..., ressortissante congolaise, séjourne en France depuis 2014 de manière irrégulière et a fait l'objet, les 12 novembre 2015, 29 septembre 2016 et 23 juin 2020, d'obligations de quitter le territoire français restées inexécutées, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... entretiendrait des liens avec sa mère depuis son arrivée en France, alors que l'intéressé soutient, sans être démenti, avoir été abandonné par elle à l'âge de cinq ans dans son pays d'origine et avoir été élevé au Maroc par l'un de ses frères.

6. En troisième lieu, il ressort du rapport éducatif établi par le CEFP du Mesnil-Théribus que M. B... est un " adolescent agréable et serviable qui ne présente aucun problème de comportement ", qu'il " entretient des bonnes relations avec les autres jeunes accueillis ", qu'il " entretient des relations cordiales et respectueuses avec l'équipe éducative ", qu'il est " licencié au sein du club de football depuis plus de deux ans sur la ville de Chaumont-en-Vexin ", au sein duquel il est très apprécié, et que, durant sa formation professionnelle, il " a de bonnes notes et fait preuve d'un comportement exemplaire ", même si une " remobilisation a été effectuée en fin de première année " en raison d'absences injustifiées, " ce recadrage " ayant permis d'assurer " la continuité de son apprentissage sur de meilleures bases ".

7. Dans ces conditions, la préfète de l'Oise ne pouvait refuser une carte de séjour temporaire à M. B... portant la mention " vie privée et familiale " sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Oise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur la méconnaissance de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler la décision du 22 juillet 2022 ayant refusé à M. B... un titre de séjour et, par voie de conséquence, les décisions du même jour ayant obligé M. B... à quitter le territoire français et ayant fixé le pays d'éloignement, ainsi que pour enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la requête n° 22DA02501 :

9. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

10. En l'espèce, dès lors que, par le présent arrêt, la cour statue sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif d'Amiens, dont la préfète de l'Oise demande qu'il soit sursis à son exécution, il n'y a pas plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22DA02501.

Sur les frais liés aux instances :

11. D'une part, concernant l'instance n° 22DA02500, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me Emmanuelle Pereira, avocate de M. B..., au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D'autre part, concernant l'instance n° 22DA02501, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que Me Pereira, avocate de M. B..., réclame au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 22DA02500 de la préfète de l'Oise est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera dans l'instance n° 22DA02500 une somme de 1 000 euros à M. Pereira, avocate de M. B..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pereira renonce à recevoir la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22DA02501 présentées par l'Etat sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative et les conclusions présentées dans cette instance par Me Pereira, avocate de M. B..., au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... B... et à Me Emmanuelle Pereira.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 16 février 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes Honoré, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 22DA02500, 22DA02501 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02500
Date de la décision : 09/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-09;22da02500 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award