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14/03/2023 | FRANCE | N°22DA01733

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 14 mars 2023, 22DA01733


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 de la préfète de la Somme lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2201178 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande et a enjoint à la préfète de la Somme de délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant

" dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 de la préfète de la Somme lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2201178 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande et a enjoint à la préfète de la Somme de délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2022, la préfète de la Somme demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que :

- M. A..., qui n'a obtenu aucun diplôme depuis son entrée en France, ne peut pas être regardé comme suivant ses études de manière réelle et sérieuse ;

- il est démuni de visa de long séjour alors que le titre sollicité le 20 juillet 2021 constitue une nouvelle demande de séjour et non un renouvellement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2022, M. C... A..., représenté par Me Emmanuelle Pereira, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2022 ;

3°) de rappeler à la préfète de la Somme l'obligation qui lui est faite de délivrer le titre de séjour sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au profit la SCP d'avocats Caron-Amouel-Pereira au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle reprend les moyens soulevés en première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-congolaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée le 31 juillet 1993 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 96-996 du 13 novembre 1996 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant de la République du Congo né le 6 février 1999, est entré en France le 12 octobre 2017 muni d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " valable du 6 octobre 2017 au 6 octobre 2018. Dispensé de souscrire une demande de carte de séjour jusqu'à la date d'expiration de son visa en application du 6° de l'article R. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, il a ensuite été mis en possession d'un titre de séjour valable jusqu'au 2 juin 2019. Toutefois, sa demande de renouvellement de ce titre de séjour a été classée sans suite le 3 juin 2019, l'intéressé n'ayant pas répondu aux demandes de pièces justificatives de l'administration. S'étant maintenu sur le territoire français, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour le 20 juillet 2021 sur le fondement de l'article L. 422-1 du même code. Par l'arrêté attaqué du 11 mars 2022, la préfète de la Somme lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République du Congo comme pays de destination. La préfète de la Somme relève appel du jugement du 12 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté.

Sur le moyen retenu par les premiers juges :

2. D'une part, aux termes de l'article 9 de la convention entre la France et la République du Congo en date du 31 juillet 1993 : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire d'un document de séjour doit, en l'absence de présentation de demande de délivrance d'un nouveau document de séjour six mois après sa date d'expiration, justifier à nouveau, pour l'obtention d'un document de séjour, des conditions requises pour l'entrée sur le territoire national lorsque la possession d'un visa est requise pour la première délivrance d'un document de séjour. (...) ". En vertu de ces dispositions, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire est en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi, subordonnée à la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois. Il en va différemment pour l'étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour temporaire dont il est titulaire. Lorsqu'un étranger présente, six mois après la date d'expiration du titre qu'il détenait précédemment, une nouvelle demande de titre de séjour, cette demande de titre doit être regardée comme une première demande à laquelle la condition de la détention d'un visa de long séjour peut être opposée.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'en dépit de son entrée régulière le 12 octobre 2017, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " et du titre de séjour qui lui a été délivré pour la période du 7 octobre 2018 au 2 juin 2019, M. A... s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de son dernier titre de séjour et n'a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant que le 20 juillet 2021. Cette demande présente, ainsi, le caractère d'une première demande à laquelle la condition tenant à la production d'un visa de long séjour peut être valablement opposée. Il s'ensuit que cette première demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " n'était pas soumise à la condition de la poursuite effective des études au sens des stipulations citées au point 2.

5. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. La préfète de la Somme soutient que le motif tiré de l'absence de visa de long séjour peut être substitué au motif tiré du défaut de poursuite effective des études par M. A.... Ainsi qu'il a été dit au point 4, la demande de délivrance d'un titre de séjour sollicité par l'étranger le 20 juillet 2021 présente le caractère d'une première demande, soumise à la condition de la production d'un visa de long séjour. M. A... n'ayant pas justifié qu'il était titulaire d'un visa de long séjour lors de cette demande, l'administration pouvait légalement refuser de lui délivrer ce titre. Cette substitution de motif ne privant pas l'intéressé d'une garantie, il a lieu de faire droit à la substitution demandée.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... en première instance et en appel.

8. Les stipulations citées au point 2 ne conditionnent pas la délivrance d'un premier titre de séjour à la poursuite effective des études par l'étranger. Dès lors, le moyen, à le supposer fondé, tiré de ce que M. A... établit le caractère réel et sérieux de ses études, n'a pas d'incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

9. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". M. A... soutient vivre en concubinage avec sa compagne de nationalité française depuis le 19 avril 2021, date à laquelle il a emménagé avec elle et a signé un contrat de location. Toutefois, compte tenu du caractère récent de cette relation et des conditions de séjour de l'intéressé, la préfète de la Somme, en prenant à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées.

10. Si M. A... soutient que le délai de départ volontaire de trente jours octroyé par l'arrêté contesté pour quitter le territoire français est disproportionné, il n'apporte aucun élément au soutien de ce moyen.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 11 mars 2011. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201178 du tribunal administratif d'Amiens du 12 juillet 2022 est annulé et la demande présentée par M. A... devant ce tribunal est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... A... et à Me Emmanuelle Pereira.

Copie en sera adressée au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 21 février 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de la formation

de jugement

Signé : M. B...La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

N°22DA01733 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01733
Date de la décision : 14/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-14;22da01733 ?
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