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11/04/2023 | FRANCE | N°22DA01635

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 11 avril 2023, 22DA01635


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... M'Bouity épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination, ensemble la décision rejetant son recours gracieux, l'arrêté du 22 avril 2022 par laquelle l'autorité préfectorale l'a assignée à résidence ainsi que la décision du même jour d

écidant la retenue de son passeport.

Par un jugement nos 2202446, 2206611, 2206615 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... M'Bouity épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination, ensemble la décision rejetant son recours gracieux, l'arrêté du 22 avril 2022 par laquelle l'autorité préfectorale l'a assignée à résidence ainsi que la décision du même jour décidant la retenue de son passeport.

Par un jugement nos 2202446, 2206611, 2206615 du 9 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 6 décembre 2021 ainsi que l'arrêté du 22 avril 2022 d'assignation à résidence et la décision du même jour de retenue du passeport de Mme M'Bouity épouse B... et a enjoint à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui restituer son passeport dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Mme B... a parallèlement demandé l'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 mars 2022 lui faisant interdiction de retour pendant une durée d'un an. Par un jugement n° 2202108 du 16 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juillet et 7 novembre 2022 sous le n° 22DA01635, Mme B..., représentée par Me Julie Gommeaux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202108 du 16 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 portant interdiction de retour d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder au retrait de son signalement dans le Système d'information Schengen, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et d'en justifier au conseil de l'appelante dans un délai de trois jours suivant l'accomplissement de ce retrait, sous astreinte de cinquante euros pour jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles à verser à Me Julie Gommeaux, sous réserve de sa renonciation à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le préfet a commis une erreur de fait et un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation dès lors qu'elle a formulé des observations relatives à des circonstances humanitaires de nature à faire obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour dont l'administration n'a pas tenu compte ;

- l'interdiction de retour constitue une décision accessoire de l'arrêté du 6 décembre 2021 rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- cet arrêté du 3 mars 2022 est illégal en raison de son insuffisante motivation, il convient d'exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour pour méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et erreur manifeste d'appréciation ainsi que de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour méconnaissance de l'article L. 611-3 du même code et erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2022, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme B... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2022.

La clôture de l'instruction a été fixée au 9 décembre 2022 par décision du 8 novembre 2022.

II. Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2022 sous le n° 22DA02630, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour d'annuler le jugement nos 2202446, 2206611, 2206615 du 9 décembre 2022 et de rejeter la demande de Mme B....

Il soutient que :

- l'arrêté du 6 décembre 2021 n'est pas contraire à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les moyens soulevés par Mme B... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2023, Mme A... B..., représentée par Me Julie Gommeaux, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête et de confirmer le jugement d'annulation ;

2°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de l'admettre provisoirement au séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent cinquante euros pour jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à Me Gommeaux, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet du Pas-de-Calais ne sont pas fondés.

Mme B... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 février 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... M'Bouity épouse B..., ressortissante congolaise née le 22 février 1980, entrée sur le territoire français le 12 février 2018 sous couvert d'un visa de court séjour, a été mise en possession d'une carte de séjour temporaire au titre de son état de santé, valable du 9 mai 2019 au 8 mai 2020 et renouvelée jusqu'au 8 juillet 2021. Elle a présenté, le 10 mai 2021, une demande tendant au renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 6 décembre 2021, notifié le 8 décembre suivant, le préfet Pas-de-Calais a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un courrier du 9 décembre 2021, reçu le 13 décembre suivant, l'intéressée a formé à l'encontre de ces décisions un recours gracieux, qui a été implicitement rejeté.

2. Par un arrêté du 3 mars 2022, le préfet du Pas-de-Calais a interdit Mme B... le retour sur le territoire français durant un an. Par un jugement n°2202108 du 16 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté le recours formé par l'intéressée contre cette décision. Puis, par un arrêté du 22 avril 2022, le préfet du Pas-de-Calais a assignée l'intéressée à résidence jusqu'à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre et, en tout état de cause, pour une durée ne pouvant excéder six mois renouvelable une fois et, par une autre décision du même jour, a procédé à la retenue de son passeport.

3. Mme B... relève appel du jugement n° 2202108 du 16 mai 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'interdiction de retour d'une durée d'un an.

4. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement n° 2202446, 2206611, 2206615 du 9 décembre 2022 par lequel ledit tribunal a fait droit aux demandes d'annulation présentées par Mme B... dirigées contre les arrêtés des 6 décembre 2021 et 22 avril 2022 et la décision du même jour de retenue de son passeport et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui restituer son passeport dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

5. Les requêtes susvisées n° 22DA01635 et n° 22DA02630, présentées par Mme B... et le préfet du Pas-de-Calais, présentent à juger des questions connexes et on fait l'objet d'une instruction commune. Il a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges dans le jugement nos 2202446, 2206611, 2206615 du 9 décembre 2022 :

6. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

7. Il ressort de l'avis du médecin traitant de Mme B... produit devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et du rapport médical du médecin instructeur du 13 septembre 2021 que le traitement de l'intéressée se compose de trois médicaments, le Tamoxifène pour éviter la résurgence du cancer du sein, la Metformine et l'Ozempic pour soigner le diabète. L'autorité préfectorale ne conteste pas l'indisponibilité de l'Ozempic, équivalent au Sémaglutide, en République du Congo mais soutient que la Haute autorité de santé (HAS) a émis un avis selon lequel ce médicament ne présenterait pas d'avantage clinique dans la prise en charge des patients ayant un diabète du type de celui dont est atteinte l'appelante. Or, cette recommandation du mois de février 2019 est antérieure au rapport médical de l'OFII du 13 septembre 2021 qui préconise bien la prise d'Ozempic pour lutter contre le diabète du type de celui dont l'appelante est atteinte, ce médicament permettant de stimuler la production naturelle d'insuline lorsque le taux de glucose dans le sang est élevé. En outre, la circonstance selon laquelle le gouvernement de la République du Congo se serait engagé dans la lutte contre le diabète n'est pas de nature à pallier l'indisponibilité de l'Ozempic. Dès lors, le préfet du Pas-de-Calais n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé son arrêté du 6 décembre 2021 pour méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, par voie de conséquence, ont annulé la décision portant rejet du recours gracieux de Mme B..., l'arrêté du 22 avril 2022 assignant l'intéressée à résidence et la décision du même jour portant retenue de son passeport et lui ont enjoint de lui délivrer une carte de séjour temporaire ainsi que la restitution de son passeport.

Sur le bien-fondé du jugement n°2202108 du 16 mai 2022 :

8. L'annulation, par le tribunal administratif de Lille, confirmée par le présent arrêt, de l'arrêté du 6 décembre 2021 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours prive de base légale l'interdiction de retour d'une durée d'un an édictée le 3 mars 2022. Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 2202108 du 16 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête n° 22DA01635. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation du jugement n° 2202108 du 16 mai 2022 et de l'arrêté préfectoral du 3 mars 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté préfectoral du 3 mars 2022 portant interdiction de retour d'une durée d'un an et confirme l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2021, de l'arrêté du 22 avril 2022 d'assignation à résidence et de la décision du même jour portant retenue du passeport de Mme B... prononcée par le jugement du tribunal administratif de Lille nos 2202446, 2206611, 2206615 du 9 décembre 2022, n'appelle pas d'autre mesure d'injonction que celles ordonnées par les premiers juges. Par suite, les conclusions d'injonction assorties d'astreinte de Mme B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gommeaux, avocate de Mme B..., d'une somme de 1 200 euros, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 22DA02630 du préfet du Pas-de-Calais dirigée contre le jugement n° 2202446, 2206611, 2206615 du tribunal administratif de Lille du 9 décembre 2022 est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 2202108 du 16 mai 2022 du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 3 mars 2022 du préfet du Pas-de-Calais sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Julie Gommeaux, avocate de Mme B..., en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Pas-de-Calais, à Mme A... B... et à Me Julie Gommeaux.

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA01635,22DA02630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 22DA01635
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : GOMMEAUX;GOMMEAUX;GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-11;22da01635 ?
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