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17/05/2023 | FRANCE | N°22DA02428

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 mai 2023, 22DA02428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une

autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2107947, 2107948 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a, notamment, rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, Mme C..., représentée par Me Gommeaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2021 du préfet du Nord ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'illégalité, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 28 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 avril 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante albanaise née le 11 août 1978 à Bulqizë (Albanie), est entrée en France le 28 décembre 2019, selon ses déclarations, accompagnée de son époux et de leurs trois enfants. Elle a présenté, le 11 février 2020, une demande d'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 12 janvier 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 2 juin 2021. Mme C... a sollicité, le 21 septembre 2020, la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale en raison de l'état de santé de sa fille. Par un avis du 6 mai 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de la fille de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Par un arrêté du 10 juin 2021, le préfet du Nord a refusé de délivrer à Mme C... le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 29 juillet 2022 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que Mme C... avait, par son mémoire introductif d'instance, enregistré au greffe du tribunal administratif de Lille le 7 octobre 2021, soulevé, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 10 juin 2021 du préfet du Nord, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, un moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif, s'il a visé ce moyen, n'y a apporté aucune réponse expresse, alors que celui-ci n'était pas inopérant. Le jugement attaqué est donc entaché d'irrégularité sur ce point. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement, en tant qu'il se prononce sur les conclusions de Mme C... à fin d'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

3. Il suit de là qu'il y a lieu de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Lille en tant qu'elles sont dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de statuer sur les autres conclusions par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9 (...) se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / (...) / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Aux termes de l'article L 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. / La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

5. Il ressort des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article L. 425-9 du même code, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme C..., âgée de seize ans à la date de l'arrêté contesté, est atteinte d'une cardiopathie sévère ayant nécessité une opération chirurgicale en 2006. Une insuffisance aortique demeure, qui devrait justifier à terme une nouvelle intervention. Mlle C... bénéficie en France d'un suivi médical régulier, complété par des examens ponctuels et prend quotidiennement un inhibiteur de l'enzyme de conversion, l'Enalapril. Par un avis du 6 mai 2021, le collège de médecins de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a estimé que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé et peut voyager sans risque vers son pays. Mme C... produit plusieurs certificats médicaux établis par deux cardiologues et un médecin généraliste, indiquant que le suivi médical nécessité par l'état de santé de sa fille ne peut lui être dispensé en Albanie et qu'il doit donc être poursuivi en France. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces praticiens, dont les écrits sont au demeurant peu circonstanciés sur ce point, auraient une connaissance particulière du système de santé albanais. Le certificat établi par le chef du service pédiatrique général de Tirana, lui aussi peu circonstancié, ne permet pas d'établir, à lui seul, que, contrairement à l'avis émis le 6 mai 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, la fille de Mme C... ne pourrait bénéficier effectivement d'un suivi médical approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. En ce qui concerne la disponibilité de l'Enalapril en Albanie, les pièces versées au dossier par la requérante, à savoir une capture d'écran non datée d'un site non identifié faisant état d'une rupture de stock de ce médicament et l'attestation, non datée, du gérant, dont le nom n'est d'ailleurs pas précisé, d'une pharmacie albanaise non localisée indiquant que ce médicament n'est pas disponible en Albanie ne sont pas de nature à établir que, contrairement aux indications de la liste des médicaments remboursables en Albanie, produite par le préfet du Nord, et sur laquelle est mentionné l'Enalapril, ce médicament ne serait pas disponible en Albanie. En outre, les articles de presse, produits par Mme C..., relatifs à la situation du système médical en Albanie, ne permettent pas d'établir, par eux-mêmes, que sa fille ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Enfin, la requérante ne produit aucun élément de nature à établir que ses capacités financières ne lui permettraient pas, compte tenu du système social en Albanie, d'assurer l'accès de sa fille aux soins ou traitement médicamenteux nécessités par son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté aurait pour effet de faire obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Albanie alors que l'époux de Mme C... a également fait l'objet, le 10 juin 2021, d'un arrêté du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les enfants de A... C..., qui sont entrés récemment sur le territoire français en compagnie de leurs deux parents, ne pourraient poursuivre leur scolarité en Albanie. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, que la fille de Mme C... ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme portant atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de A... C.... Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

10. En premier lieu, en vertu des dispositions du second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement. Or, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet du Nord a énoncé de manière suffisamment précise les motifs de droit et les considérations de fait sur lesquels il s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme C.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français, qui précise notamment que l'intéressée ne justifie pas se trouver dans l'un des cas dans lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 9 que Mme C..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

13. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

14. D'une part, si Mme C... fait valoir qu'elle présente une pathologie cardiaque et une hypertension artérielle pour lesquelles elle est soignée par la prise quotidienne de Triplixam, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait déposé une demande de titre de séjour pour soins ni davantage qu'elle aurait porté à la connaissance du préfet du Nord des éléments précis relatifs à son état de santé. Par suite, le préfet du Nord n'était pas tenu, en application des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de faire obligation à Mme C... de quitter le territoire français.

15. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que des médicaments contenant les mêmes substances actives ou appartenant à la même classe thérapeutique que le Triplixam, qui est prescrit à Mme C..., ne seraient pas disponibles en Albanie. Par ailleurs, la requérante ne produit aucun élément de nature à établir que ses capacités financières ne lui permettraient pas, compte tenu du système social en Albanie, d'accéder aux soins ou traitement médicamenteux nécessités par son état de santé. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier, à supposer même que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que celle-ci ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

16. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté par les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9.

17. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant dès lors que cette décision n'a pas pour objet de fixer le pays à destination duquel l'intéressée serait renvoyée.

18. En sixième lieu, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté, compte tenu de ce qui a été dit, notamment, aux points 7, 9 et 15.

Sur la décision fixant le pays de destination :

19. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

20. Mme C... soutient que l'arrêté contesté, en ce qu'il fixe l'Albanie au nombre des pays de renvoi, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, en l'absence d'élément permettant d'établir, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la requérante ou sa fille ne pourraient accéder effectivement à un traitement approprié en cas de retour dans leur pays d'origine, et alors, en outre, que l'intéressée, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle serait susceptible de faire l'objet d'une atteinte à sa vie ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet du Nord, en désignant l'Albanie au nombre des pays à destination desquels Mme C... pourra être reconduite d'office, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré la violation des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2021 du préfet du Nord en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des autres décisions, contenues dans cet arrêté, par lesquelles le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a fixé le pays de renvoi. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Enfin, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2107947, 2107948 du 29 juillet 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 10 juin 2021, par laquelle le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Lille aux fins d'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 10 juin 2021, par laquelle le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Gommeaux.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

Le premier vice-président,

président de chambre, rapporteur,

Signé : C. Heu

L'assesseur le plus ancien,

Signé : M. D...

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Nathalie Roméro

N°22DA02428 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02428
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christian Heu
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GOMMEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-17;22da02428 ?
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