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17/10/2023 | FRANCE | N°22DA00989

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 17 octobre 2023, 22DA00989


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision du 28 novembre 2019 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord, en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychologiques résultant selon lui de l'agression qu'il a subie, le 9 mars 2019, de la part de l'un des jeunes placés dans l'unité éducative d'hébergement collectif de Nogent-sur-Oise où il exerçait les fonctions d'éducateur, que cette

décision fixe la date de la consolidation de son état de santé, à son arti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision du 28 novembre 2019 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord, en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychologiques résultant selon lui de l'agression qu'il a subie, le 9 mars 2019, de la part de l'un des jeunes placés dans l'unité éducative d'hébergement collectif de Nogent-sur-Oise où il exerçait les fonctions d'éducateur, que cette décision fixe la date de la consolidation de son état de santé, à son article 3, au 18 mars 2019 et, à son article 4, au 9 mars 2019, qu'elle le place en congé de maladie ordinaire et refuse de prendre en charge ses frais médicaux à compter du 18 mars 2019, ainsi que la décision du 6 octobre 2020 rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre au ministre de la justice de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychologiques dont il demeure atteint depuis cette agression et de prendre en charge les soins afférents à ces troubles ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et ce, dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une demande distincte, M. B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision du 22 février 2021 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord, en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychologiques résultant selon lui de l'agression subie le 9 mars 2019, qu'elle établit la date de la consolidation de son état de santé au 18 mars 2019, qu'elle le place en congé de maladie ordinaire et refuse de prendre en charge les soins dont il a bénéficié à compter de cette date, d'autre part, d'enjoindre au ministre de la justice de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychologiques dont il demeure atteint depuis cette agression, ainsi que des arrêts de travail dont il a bénéficié à compter du 18 mars 2019, avec prise en charge des soins afférents à ces troubles ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et ce, dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003911 et 2101207 du 9 mars 2022, le tribunal administratif d'Amiens, après les avoir jointes, a rejeté les demandes de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 mai 2022, le 22 mars 2023 et le 18 avril 2023, M. B..., représenté par Me Virginie Stienne-Duwez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 22 juillet 2019 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord, en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychologiques résultant selon lui de l'agression du 22 juillet 2019, qu'elle fixe la date de la consolidation de son état de santé, à son article 3, au 18 mars 2019 et, à son article 4, au 9 mars 2019, qu'elle dit que les arrêts de travail et les soins dont il a bénéficié à compter du 18 mars 2019 relèvent de la maladie ordinaire, ainsi que la décision du 6 octobre 2020 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'annuler la décision du 22 février 2021 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand Nord, en ce qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychologiques résultant selon lui de l'agression du 9 mars 2019, fixe la date de consolidation de son état de santé au 18 mars 2019 et dit que les soins et arrêts de travail dont il a bénéficié à compter de cette date relèvent de la maladie ordinaire ;

4°) d'enjoindre au ministre de la justice de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychologiques dont il souffre, ainsi que des soins et des arrêts de travail dont il a bénéficié à compter du 18 mars 2019 et de prendre en charge les soins en lien avec ces troubles, et ce, dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été informé des réunions de la commission de réforme ou, lorsqu'il en a été informé, n'a pas été mis à même de se faire entendre par la commission ou de faire entendre toute personne de son choix ;

- le médecin du travail n'a pas été informé de la réunion de la commission de réforme ;

- la commission de réforme, lorsqu'elle s'est réunie, était irrégulièrement composée dès lors qu'aucun médecin spécialiste de sa pathologie n'y siégeait ;

- la commission de réforme ne pouvait être régulièrement composée de manière identique lorsqu'elle a examiné sa demande, le 27 novembre 2019, et lorsqu'elle s'est prononcée dans le cadre de son recours gracieux, le 30 septembre 2020 ;

- les troubles psychologiques dont il est atteint sont imputables à l'accident de service du 9 mars 2019.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2023, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de M. B... est insuffisamment motivée et, par suite, irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance 30 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse, a été affecté à l'unité éducative d'hébergement collectif de Nogent-sur-Oise relevant de la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord. Le 9 mars 2019, alors qu'il intervenait pour mettre fin à une altercation entre deux jeunes placés dans ce centre, il a été atteint à la tête par un chargeur de téléphone lancé dans sa direction par l'un des protagonistes. Examiné le jour même par un médecin du service des urgences du centre hospitalier public Sud de l'Oise, il a bénéficié d'un arrêt de travail, prolongé ultérieurement, et a demandé la reconnaissance de ces faits comme accident de service.

2. Le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a fait examiner M. B... par un médecin généraliste et un médecin psychiatre agréés, qui ont rendu leur rapport le 9 juillet 2019 et le 29 juillet 2019. Par une première décision, en date du 4 novembre 2019, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord, suivant le sens de l'avis rendu par la commission de réforme le 30 octobre 2019, a accepté de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 9 mars 2019, ainsi que du traumatisme somatique alors subi par l'intéressé en fixant, à ce titre, la date de consolidation de son état de santé au 18 mars 2019. Par la même décision, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxieux résultant selon, M. B..., du même accident. Toutefois, constatant que ce dernier n'avait pas reçu le courrier l'informant de la réunion de la commission de réforme, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a engagé une nouvelle procédure de consultation de cette commission. Par un courrier du 15 novembre 2019, M. B... a été informé que celle-ci examinerait sa situation le 27 novembre 2019. A la suite du nouvel avis de cet organisme consultatif, semblable au précédent, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a pris, le 28 novembre 2019, une nouvelle décision annulant celle du 4 novembre 2019 tout en en reprenant la teneur. M. B... a formé, le 20 janvier 2020, un recours gracieux à la suite duquel le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a, par un courrier du 28 janvier 2020, accepté de réexaminer sa situation après avoir fait réaliser par un médecin psychiatre agréé une nouvelle expertise, qui a eu lieu le 19 mai 2020. La commission de réforme, réunie à nouveau le 30 septembre 2020, a rendu un avis similaire à ses deux avis précédents. En conséquence, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a, par un courrier du 6 octobre 2020, rejeté le recours gracieux de M. B....

3. M. B... a saisi le tribunal administratif d'Amiens de deux recours tendant, l'un, à l'annulation de la décision du 28 novembre 2019, en tant que celle-ci lui est défavorable, et de la décision du 6 octobre 2020 rejetant son recours gracieux, et l'autre, à la suspension de l'exécution de la décision du 28 novembre 2019. Par une ordonnance du 18 décembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a prononcé la suspension de l'exécution de la décision du 28 novembre 2019, au motif que plusieurs moyens tirés de l'irrégularité de la procédure de consultation de la commission de réforme paraissaient, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation de cette décision, et a enjoint à l'administration de réexaminer dans un délai de deux mois la situation de M. B.... Par une décision du 22 février 2021, dont M. B... a également demandé l'annulation au tribunal administratif d'Amiens, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a confirmé sa décision du 28 novembre 2019.

4. M. B... relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, respectivement, des décisions du 28 novembre 2019 et du 6 octobre 2020 et de celle du 22 février 2021 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord, en tant que celles-ci lui font grief.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la justice à la requête d'appel :

5. La requête d'appel, si elle reprend, dans des termes semblables, certains des moyens développés par M. B... en première instance, ne constitue pas une simple reproduction des demandes formées par l'intéressé devant le tribunal et, en particulier, contrairement à ce que soutient le ministre de la justice, comporte une critique du jugement attaqué. La fin de non-recevoir tirée de l'insuffisance de motivation de cette requête doit donc être écartée.

Sur les fins de non-recevoir opposées par le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord en première instance :

6. Pour fixer, par ses décisions contestées, au 18 mars 2019 la date de consolidation de l'état de santé de M. B... et prévoir, dans les mêmes décision, que celui-ci devrait " fournir un certificat médical final de consolidation fixée au 9 mars 2019 pour la lésion somatique ", le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a tiré les conséquences de ce que seul le traumatisme somatique subi par M. B... lors de l'accident de service, consolidé à la date du 9 ou du 18 mars 2019 selon le rapport du médecin généraliste agréé et l'avis de la commission de réforme du 27 novembre 2019, devait être retenu comme en lien avec l'accident. Ainsi, les moyens par lesquels M. B... faisait valoir, dans ses demandes de première instance, que le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord avait illégalement refusé de reconnaître l'existence d'un lien direct et certain entre les troubles psychologiques dont il est atteint et l'accident de service du 9 mars 2019 doivent être regardés comme également dirigés contre les décisions contestées, en tant qu'elles fixent la date de consolidation. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord en première instance, selon lesquelles les demandes de M. B... ne comportaient aucun moyen sur ce point manquent en fait.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le défaut d'information de l'intéressé :

7. Aux termes de l'article 18, alors en vigueur, du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) / Le fonctionnaire intéressé et l'administration peuvent (...) faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical ou la commission de réforme ". Aux termes de l'article 19, alors en vigueur, de ce même décret : " Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme. / (...) / Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix ".

8. En premier lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il n'a pas reçu le courrier, prévu par les dispositions citées au point précédent, l'informant de ce que la commission de réforme se réunirait le 30 octobre 2019 dès lors que, précisément pour ce motif, le directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord a annulé la décision du 4 novembre 2019 prise à la suite de l'avis de la commission du 30 octobre 2019, a provoqué une nouvelle réunion de la commission de réforme, le 27 novembre 2019, dont l'intéressé a été informé par un courrier du 15 novembre 2019, et a pris à la suite de ce nouvel avis, le 28 novembre 2019, une nouvelle décision.

9. En deuxième lieu, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des termes de la lettre du 15 novembre 2019 avisant M. B... de l'examen de son dossier lors de la séance de la commission de réforme prévue le 27 novembre suivant, que l'intéressé ait été informé, notamment, de la possibilité dont il disposait, en vertu des dispositions citées au point 7, de se faire entendre par cette commission, si celle-ci le jugeait utile, ainsi que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. B... ait été informé de la réunion de la commission de réforme qui s'est tenue le 30 septembre 2020, dans le cadre de l'examen de son recours gracieux et alors que la seconde expertise psychiatrique demandée par l'administration, concluant à l'existence d'un lien direct entre les troubles psychologiques présentés par l'intéressé et l'accident de service du 28 novembre 2019, en contradiction avec le premier rapport établi par un médecin psychiatre agréé, constituait une circonstance de fait nouvelle. Enfin, il résulte des termes mêmes de la décision du 22 février 2021, confirmant les précédentes, que celle-ci était fondée sur l'avis du 27 novembre 2019 de la commission de réforme. Ainsi, les décisions du 28 novembre 2019, du 6 octobre 2020 et du 22 février 2021 sont intervenues alors que l'intéressé avait été privé des garanties prévues par les dispositions, citées au point 7, des articles 18 et 19 du décret du 14 mars 1986 et sont, par suite, entachées d'illégalité.

En ce qui concerne le défaut d'information du médecin du travail :

10. Aux termes du premier alinéa de l'article 18, alors en vigueur, du décret du 14 mars 1986, le médecin chargé de la prévention ou, à compter du 30 mai 2020, le médecin du travail, attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme " est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 34, 43 et 47-7 ".

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué par l'administration, que le médecin chargé de la prévention, puis le médecin du travail aient été informés des réunions de la commission de réforme du 27 novembre 2019 et du 30 septembre 2020 conformément à ce que prévoient les dispositions citées au point précédent. Les décisions contestées sont ainsi entachées d'un vice de procédure. Alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces médecins auraient néanmoins été présents ou auraient éventuellement adressé des observations écrites, quand bien même ils n'étaient pas tenus de le faire dès lors que la situation de l'intéressé ne relevait pas des dispositions des articles 34, 43 ou 47-7 du décret du 14 mars 1986, le vice ayant affecté la procédure suivie devant la commission de réforme a effectivement privé M. B... d'une garantie consistant en la possibilité offerte au médecin de prévention ou du travail d'apporter d'éventuels compléments sur sa situation. Les décisions contestées sont, par suite, également pour ce deuxième motif, entachées d'illégalité.

En ce qui concerne l'absence de participation d'un médecin spécialiste à la commission de réforme :

12. Aux termes de l'article 12 du décret du 14 mars 1986, alors en vigueur : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : / (...) / 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. / (...) ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Dans chaque département, un comité médical départemental compétent à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15 ci-après est constitué auprès du préfet. / La composition de ce comité est semblable à celle du comité médical ministériel prévu à l'article 5 (...) / (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel un comité médical ministériel compétent à l'égard des personnels mentionnés au 1er alinéa de l'article 14 ci-après. / Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / (...) ". Enfin, l'article 19 de ce même décret précise : " (...) / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote. / (...) ".

13. Il résulte des dispositions citées au point précédent que lorsqu'une commission de réforme statue sur la demande d'un fonctionnaire de la fonction publique d'Etat, elle doit comporter un spécialiste compétent pour l'affection principale dont il est atteint et au titre de laquelle est formulée cette demande. En l'espèce il ressort des comptes rendus des réunions du 27 novembre 2019 et du 30 septembre 2020 de la commission de réforme qu'aucun de ses membres n'était un médecin psychiatre, alors que M. B... faisait valoir qu'à la suite des événements survenus le 9 mars 2019, il était atteint d'un syndrome anxieux réactionnel qui perdurait après la consolidation, fixée au 18 mars 2019, du traumatisme somatique. Dans ces conditions, alors même que la commission de réforme a eu connaissance des rapports rédigés par les médecins psychiatres agréés, M. B... a été privé de la garantie tenant à la présence du " spécialiste compétent pour l'affection considérée " prévue par les dispositions de l'article 19 du décret du 14 mars 1986. Les décisions contestées sont, par suite, également pour ce troisième motif, entachées d'illégalité.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :

15. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement que l'administration procède à un nouvel examen de la situation de M. B..., après avoir procédé à la consultation de la commission de réforme dans des conditions régulières. Il y a lieu de prescrire, au directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord, une injonction en ce sens et de lui impartir, pour ce faire, un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003911 et 2101207 du 9 mars 2022 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Les décisions du 28 novembre 2019, du 6 octobre 2020 et du 22 février 2021 du directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord sont annulées en tant qu'elles refusent de reconnaître l'imputabilité au service des troubles psychologiques résultant selon M. B... de l'agression du 22 juillet 2019, qu'elles fixent la date de la consolidation de son état de santé au 9 ou au 18 mars 2019 et prévoient que les arrêts de travail et les soins dont M. B... a bénéficié à compter de cette dernière date relèvent de la maladie ordinaire.

Article 3 : Il est enjoint au directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B... et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au directeur interrégional de la protection judiciaire de la jeunesse Grand-Nord et au ministre de la justice.

Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé : D. Bureau

La présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Marécalle

La République mande et ordonne au ministre de la justice ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

C. Marécalle

2

N°22DA00989


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00989
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : STIENNE-DUWEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-17;22da00989 ?
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