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31/10/2023 | FRANCE | N°22DA00937

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 31 octobre 2023, 22DA00937


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) " Global Sécurité Prévention Incendie " a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 7 janvier 2021 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a prononcé à son encontre un blâme et une pénalité financière de 10 000 euros.

M. B... G..., gérant de la SARL " Global Sécurité Prévention Incendie ", a demandé au tribunal administrat

if de Lille d'annuler la décision du même jour par laquelle la CNAC du CNAPS a prononcé à son e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) " Global Sécurité Prévention Incendie " a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 7 janvier 2021 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a prononcé à son encontre un blâme et une pénalité financière de 10 000 euros.

M. B... G..., gérant de la SARL " Global Sécurité Prévention Incendie ", a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du même jour par laquelle la CNAC du CNAPS a prononcé à son encontre une interdiction temporaire d'exercice de trois mois et une pénalité financière de 10 000 euros.

Par un jugement n° 2100209-2009332 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2022, M. G... et la SARL " Global Sécurité Prévention Incendie ", représentés par Me Vincent Speder, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les deux décisions du 7 janvier 2021 de la commission nationale d'agrément et de contrôle du CNAPS ;

3°) de mettre à la charge du CNAPS le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le manquement aux dispositions de l'article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure n'est pas avéré dès lors que les agréments ont été délivrés aux quatorze agents considérés entre le 27 janvier 2020 et le 31 janvier 2020, soit antérieurement aux décisions attaquées, et que cette procédure particulière d'agrément a de toute façon été supprimée en raison de son caractère surabondant en mai 2021 ;

- le manquement aux dispositions de l'article R. 631-23 du code de la sécurité intérieure n'est pas avéré dès lors que le sous-traitant dont il leur est reproché de ne pas s'être assurés de la capacité n'a pas été recruté pour des missions de sécurité privée mais pour des missions de sécurité incendie ; son affectation sur des missions de sécurité privée a été décidée par un de leur préposé, qui était animé par la seule volonté de leur nuire ;

- le manquement aux dispositions des articles L. 612-20 et R. 631-15 du code de la sécurité intérieure au moment du recrutement de M. A... n'est pas avéré dès lors qu'il n'est pas établi qu'il lui ait été confié une activité de sécurité privée, qu'il avait produit une carte professionnelle au moment de son embauche et que la plateforme Dracar présente des dysfonctionnements répétés ;

- le manquement aux stipulations de l'article 6.01 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 janvier 1985, en raison de l'absence de la conclusion de contrats de travail avec MM. E... et Roehring, n'est pas avéré alors que le CNAPS a lui-même retenu, dans les décisions attaquées, qu'il avait été régularisé ;

- le manquement aux dispositions de l'article L. 1221-10 du code du travail, du fait de l'absence de déclarations préalables à l'embauche, n'est pas avéré dès lors que les déclarations ont été régularisées, qu'ils se sont acquittés de l'ensemble des cotisations sociales afférentes et qu'ils ont réorganisé les services administratifs pour que d'autres irrégularités de ce type ne se reproduisent pas ;

- le manquement aux stipulations de l'article 7.08 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 janvier 1985, en raison du dépassement de la durée de travail journalière maximale, n'est pas avéré dès lors que chaque dépassement n'a jamais excédé une heure et qu'ils ont réorganisé les services administratifs pour que d'autres irrégularités de ce type ne se reproduisent pas ;

- les sanctions prononcées présentent un caractère disproportionné ; en effet, plusieurs des manquements invoqués doivent être regardés comme ayant été régularisés ; il n'a pas été tenu compte de la nature des manquements reprochés ; il n'a pas été tenu compte de l'absence d'antécédents disciplinaires ; le montant de la sanction pécuniaire prononcée à l'encontre de M. G... est supérieur à celui de ses revenus annuels alors qu'il n'a tiré aucun avantage pécuniaire des manquements qui lui sont reprochés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, le CNAPS, représenté par Me Yves Claisse, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que le paiement d'une somme de 500 euros soit mis à la charge de M. G... et de la SARL " Global Sécurité Prévention Incendie " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 30 mai 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 16 juin 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 ;

- la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, étendue par arrêté du 25 juillet 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sabrina Colleoni, représentant M. G... et la SARL " Global Sécurité Prévention Incendie ".

Considérant ce qui suit :

1. La société " Global Sécurité Prévention Incendie " (GSPI) est une société de sécurité privée, surveillance humaine et sécurité incendie. Elle est titulaire d'une autorisation d'exercer délivrée, le 15 juin 2018, par la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) du Nord du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). M. G..., exerçant alors les fonctions de gérant, est titulaire d'un agrément de dirigeant d'une société exerçant des activités de sécurité privées délivré par la CLAC du Nord le 11 août 2017. La société a fait l'objet de contrôles sur place les 30 juin 2018 et 13 septembre 2019 et d'un contrôle de ses locaux le 10 octobre 2019 prolongé par un contrôle sur pièces. Sur saisine du directeur du CNAPS, la CLAC du Nord, par deux délibérations du 23 juillet 2020, a prononcé, à l'encontre de la société " GSPI ", un blâme et une pénalité financière de 20 000 euros et, à l'encontre de M. G..., une interdiction temporaire d'exercice de trois mois et une pénalité financière de 20 000 euros. Par deux délibérations du 7 janvier 2023, la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du CNAPS, saisie par les intéressés de recours administratifs préalables obligatoires, a confirmé les sanctions prononcées à l'encontre de la société " GSPI " et M. G... et ramené seulement le montant des deux pénalités financières à 10 000 euros chacune. La société " GSPI " et M. G... relèvent appel du jugement n° 2100209-2009332 du 1er avril 2022 du tribunal administratif de Lille rejetant leurs demandes d'annulation des sanctions prononcées à leur encontre.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 632-1 du code de la sécurité intérieure : " Le Conseil national des activités privées de sécurité, personne morale de droit public, est chargé : / (...) / 2° D'une mission disciplinaire. Il assure la discipline de la profession et prépare un code de déontologie de la profession approuvé par décret en Conseil d'Etat. Ce code s'applique à l'ensemble des activités mentionnées aux titres Ier, II et II bis ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 634-4 du même code : " Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire. Le Conseil national des activités privées de sécurité ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. / Les sanctions disciplinaires applicables aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres Ier, II et II bis sont, compte tenu de la gravité des faits reprochés : l'avertissement, le blâme et l'interdiction d'exercice de l'activité privée de sécurité ou de l'activité mentionnée à l'article L. 625-1 à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. En outre, les personnes morales et les personnes physiques non salariées peuvent se voir infliger des pénalités financières. Le montant des pénalités financières est fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense ". Il résulte de ces dispositions que le CNAPS exerce le pouvoir disciplinaire sur les acteurs de la sécurité privée. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à l'acteur de la sécurité privée ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'accès aux enceintes dans lesquelles est organisée une manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 300 spectateurs, les personnes physiques exerçant l'activité mentionnée au 1° de l'article L. 611-1, agréées par la commission d'agrément et de contrôle territorialement compétente dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, ainsi que celles, membres du service d'ordre affecté par l'organisateur à la sécurité de la manifestation sportive, récréative ou culturelle en application des dispositions de l'article L. 211-11, titulaires d'une qualification reconnue par l'Etat et agréées par la commission d'agrément et de contrôle territorialement compétente, peuvent procéder, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire et avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation doit être effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet. / Elles peuvent procéder à l'inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille ". Aux termes de l'article R. 613-6 du même code : " (...) / Pour procéder aux palpations de sécurité ainsi qu'à l'inspection visuelle des bagages à main et à leur fouille dans les conditions prévues à l'article L. 613-3, [les employés exerçant une activité de surveillance ou de gardiennage mentionnée au 1° de l'article L. 611-1 dans une entreprise ou dans un service interne d'entreprise mentionné à l'article L. 612-25] doivent avoir été habilités par leur employeur et agréés par la commission locale d'agrément et de contrôle ". Aux termes de son article R. 613-7 : " L'employeur constitue, pour chaque employé qu'il a habilité et qu'il présente en vue de l'agrément, un dossier comprenant : / 1° Un extrait du registre du commerce mentionnant la raison sociale de l'entreprise ; / 2° L'autorisation délivrée en application de l'article L. 612-9 ; / 3° L'identité de l'employé, sa nationalité et son domicile ; / 4° La liste et la description des postes occupés par l'employé, son expérience professionnelle ainsi que la formation qu'il a reçue pour exercer des activités de surveillance et de gardiennage ".

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu final du contrôle de la société " GSPI " établi le 27 décembre 2019 par l'agent de contrôle du CNAPS, que, lors du contrôle effectué le 13 septembre 2019 au stade " La Licorne " à Amiens, dont la sécurité était assurée par la société " GSPI ", il a été constaté que quatorze agents procédaient à des palpations de sécurité sans être agrémentés à cet effet. Au cours de son audition administrative du 9 décembre 2019, M. B... G... a déclaré que les demandes d'agrément n'avaient pas été faites en raison d'un oubli du responsable de l'opération et parce que la secrétaire n'était pas informée de cette procédure. Dès lors qu'il résulte des textes cités au point précédent que l'agrément n'est jamais de droit et que son obtention est un préalable obligatoire à la réalisation des palpations, la circonstance que les demandes auraient été adressées à la CLAC du Nord dans le mois suivant la manifestation et que les agréments aient été obtenus entre les 27 et 31 janvier 2020 est sans incidence sur l'exactitude matérielle des faits non plus que sur leur qualification en faute disciplinaire justifiant le prononcé d'une sanction. Il en va de même de la circonstance, postérieure à la date des faits reprochés, que la procédure d'agrément a été supprimée au 27 mai 2021 par la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021. Dès lors, les faits reprochés à la société " GSPI " et à M. G..., consistant à avoir confié à quatorze de leurs agents des palpations de sécurité sans avoir préalablement sollicité des agréments à cet effet, en méconnaissance de l'article L. 613-3 du code de la sécurité intérieure, sont établis et sont constitutifs d'une faute disciplinaire qui justifiait le prononcé d'une sanction.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 631-23 du code de la sécurité intérieure relatif à la " transparence sur la sous-traitance " : " (...) / Tout contrat de sous-traitance ou de collaboration libérale ne peut intervenir qu'après vérification par l'entreprise de sécurité privée donneuse d'ordre de la validité de l'autorisation de l'entreprise sous-traitante, des agréments de ses dirigeants et associés et des cartes professionnelles de ses salariés qui seront amenés à exécuter les prestations dans le cadre de ce contrat ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la société " GSPI " a sous-traité, au premier semestre 2019, des prestations de sécurité privée à M. F... C..., auto-entrepreneur, alors que ce dernier n'était détenteur d'aucune autorisation d'exercer depuis un refus de la CLAC du Nord en novembre 2018. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, conformément à l'article R. 631-23 cité au point précédent, M. G... se serait préalablement assuré des capacités de son sous-traitant. S'il invoque avoir adressé un courriel à son employé chargé du suivi des relations avec ce sous-traitant afin d'obtenir les " documents à jour " de celui-ci, ce courriel est daté du 28 décembre 2018, soit postérieurement à la signature du contrat litigieux. Si M. G... et la société " GSPI " soutiennent aussi que l'intéressé avait initialement été recruté uniquement pour des missions de sécurité incendie, pour lesquelles aucun agrément n'est nécessaire, leurs déclarations sont démenties par les termes mêmes du contrat conclu avec l'intéressé le 27 décembre 2018 qui prévoyait de lui confier l'exécution de " prestations d'accueil, de surveillance, de gardiennage et de sécurisation événementielle " et qui fixait ses conditions de rémunération pour les activités qu'il accomplirait, entre autres, comme " agent de sécurité " et " agent de sécurité cynophile ". Également, s'ils soutiennent que l'affectation de ce sous-traitant sur des missions de sécurité privée résulte de la seule initiative d'un de leurs employés, alors chargé du suivi de la relation avec ce sous-traitant et qui aurait été animé par une volonté manifeste de leur nuire, ils ne l'établissent pas, la seule circonstance que cet ancien employé ait, depuis lors, créé une entreprise concurrente à la leur et qu'il ait été poursuivi pour des faits commis dans le cadre de ses nouvelles fonctions étant à cet égard insuffisante. Enfin, la circonstance que le sous-traitant en question aurait depuis récupéré une carte professionnelle est également sans incidence sur l'exactitude matérielle des faits reprochés et sur leur qualification en faute disciplinaire à la date à laquelle ils ont été commis. Dès lors, les faits reprochés à la société " GSPI " et à M. G..., consistant à avoir sous-traité des prestations de sécurité privée sans s'assurer que leur cocontractant détenait les autorisations nécessaires à cet effet, en méconnaissance de l'article R. 631-23 du code de la sécurité intérieure, sont établis et sont constitutifs d'une faute disciplinaire qui justifiait le prononcé d'une sanction.

7. En troisième lieu, nul ne peut exercer des activités de sécurité privées s'il ne satisfait aux conditions énumérées à l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. Le septième alinéa de cet article dispose que : " Le respect de ces conditions est attesté par la détention d'une carte professionnelle délivrée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 631-15 du même code, relatif à la " vérification de la capacité d'exercer " : " Les entreprises et leurs dirigeants s'interdisent d'employer ou de commander, même pour une courte durée, des personnels de sécurité et de recherches ne satisfaisant pas aux conditions de qualification professionnelle ou ne possédant pas les autorisations valides requises pour exercer leurs missions. / Ils s'assurent de l'adéquation des compétences aux missions confiées ". Il résulte de ces dispositions que toute entreprise exerçant des activités de sécurité privées doit s'assurer que ses personnels détiennent les autorisations à cet effet.

8. Il ressort des pièces du dossier que le contrôle sur pièces de la société " GSPI ", effectué par les agents de contrôle du CNAPS, a mis en évidence qu'elle avait notamment recruté M. H... A... sur un poste d'agent de sécurité du 1er mai au 20 juin 2019 alors que celui-ci était dépourvu de toute carte professionnelle. Si la société et M. G... affirment dans leurs écritures devant la cour qu'il n'est pas établi que l'intéressé aurait été affecté sur des missions de sécurité privée et qu'il avait présenté une carte professionnelle lors de son embauche, leurs assertions ne sont étayées par aucun élément, qu'ils sont pourtant les seuls à pouvoir fournir en qualité d'employeurs de l'intéressé. Par ailleurs, lors des échanges qu'ils ont eus avec le CNAPS au cours du contrôle sur pièces, M. G... avait, dans un courriel du 12 décembre 2019, admis l'exactitude matérielle des faits. Également, il ressort des pièces produites par les appelants que, pour justifier la fin de leur relation de travail avec leur employé ayant assuré ce recrutement, ils se sont justement fondés sur ce motif. Il s'ensuit que l'exactitude matérielle des faits est établie. M. G... et la société " GSPI " ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité en se prévalant de la faute commise par le salarié ayant assuré le recrutement litigieux alors qu'il leur revient, en tant que dirigeants d'une entreprise de sécurité privée, de s'assurer à tout moment que les procédures de recrutement en vigueur au sein de leurs services permettent de satisfaire à l'obligation de contrôler préalablement la capacité d'exercer des candidats à l'embauche, d'autant que ce contrôle s'effectue très simplement en sollicitant la production de la carte professionnelle des intéressés. Dès lors, les faits reprochés à la société " GSPI " et à M. G..., consistant à avoir recruté un salarié comme agent de sécurité privée sans s'assurer qu'il détenait les autorisations nécessaires à cet effet, en méconnaissance des articles L. 612-20 et R. 631-15 du code de la sécurité intérieure, sont établis et sont constitutifs d'une faute disciplinaire qui justifiait le prononcé d'une sanction.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 631-4 du code de la sécurité intérieure, relatif au " respect des lois " : " Dans le cadre de leurs fonctions, les acteurs de la sécurité privée respectent strictement la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la Constitution et les principes constitutionnels, l'ensemble des lois et règlements en vigueur, notamment le code de la route et la législation professionnelle et sociale qui leur est applicable ". Au nombre des dispositions de la législation professionnelle et sociale que les acteurs de la sécurité privée sont tenus de respecter strictement figurent notamment celles de l'article L. 1221-10 du code du travail aux termes desquelles : " L'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative accomplie par l'employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet. / L'employeur accomplit cette déclaration dans tous les lieux de travail où sont employés des salariés ". Il en va de même des stipulations de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, notamment son article 6.01.4 aux termes desquelles : " Chaque embauchage sera confirmé par écrit dans les conditions déterminées par les annexes relatives à chaque catégorie de personnel et fera l'objet d'un contrat de travail, précisant la durée de la période d'essai, signé des deux parties, avec remise d'un exemplaire original à chaque signataire " ainsi que celles de son article 7.08 selon lesquelles : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 212-1, la durée quotidienne de travail effectif ne peut dépasser 12 heures pour les services englobant un temps de présence vigilante ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le contrôle sur pièces de la société " GSPI ", effectué par les agents de contrôle du CNAPS, a mis en évidence que deux de ses salariés, Mme E... et M. D..., avaient été recrutés sans signer leurs contrats de travail, en méconnaissance de l'article 6.01.4 de la convention collective. Également, le contrôle sur pièces a mis en évidence quatre-vingt dépassements de la durée maximale journalière de 12 heures de travail autorisée par l'article 7.08 de la convention collective. Enfin, il a été constaté que trois-cent-vingt-deux salariés de la société ont été déclarés postérieurement à leur embauche effective, en méconnaissance de l'article L. 1221-10 du code du travail. La répétition de ces manquements traduit ainsi une défaillance structurelle dans l'application des textes précités, particulièrement l'obligation de déclaration préalable et de respect des horaires légaux de travail, ce que M. G... et la société " GSPI " ne contestent d'ailleurs pas puisqu'ils admettent qu'ils ont été conduits à réorganiser leurs services pour que de tels manquements ne se reproduisent pas. Dès lors, ces manquements reprochés à la société " GSPI " et à M. G... doivent être tenus pour établis et pouvaient être regardés comme une faute disciplinaire au regard de l'obligation renforcée de respect des lois prévue par l'article R. 631-4 du code de la sécurité intérieure, justifiant le prononcé d'une sanction.

11. En cinquième lieu, les fautes disciplinaires commises par la société " GSPI " et M. G..., mentionnées aux points 2 à 10, traduisent, par leur nombre et leur répétition, une grande légèreté dans le respect des lois et règlements. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le CNAPS n'aurait pas tenu compte des régularisations a posteriori effectuées par la société et son gérant ou de l'absence d'antécédent disciplinaire. Au contraire, il a seulement infligé un blâme à la société et non une interdiction d'exercer, l'interdiction d'exercer prononcée à l'encontre de M. G... a été limitée à une durée de trois mois alors que l'article L. 634-4 cité au point 2 prévoit un maximum de 5 ans et les pénalités financières ont été limitées à 10 000 euros quand la loi prévoit un maximum de 150 000 euros. En outre, les incidences des sanctions prononcées à l'encontre de M. G... sur sa situation matérielle et financière personnelle sont sans effet sur l'appréciation de la proportionnalité des sanctions. Dès lors, les sanctions prononcées à l'encontre de la société " GSPI " et de M. G... ne sont pas disproportionnées et le moyen en ce sens doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que la société " GSPI " et M. G... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des délibérations du 7 janvier 2021 de la CNAC du CNAPS.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CNAPS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que la société " GSPI " et M. G... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à leur charge le paiement de la somme de 500 euros que le CNAPS demande au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société " GSPI " et de M. G... est rejetée.

Article 2 : La société " GSPI " et M. G... verseront au CNAPS une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée " Global Sécurité Prévention Incendie ", à M. B... G... et au conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l'audience publique du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA00937


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00937
Date de la décision : 31/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SCP SPEDER DUSART FIEVET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-31;22da00937 ?
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