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29/02/2024 | FRANCE | N°22DA02511

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 29 février 2024, 22DA02511


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er décembre 2022 et le 20 décembre 2022, la commune de Val de Saâne, la commune de Beauval-en-Caux, M. et Mme B... C... et M. et Mme A... D..., représentés par Me Hélène Colliou, demandent à la cour, dans le dernier état de ses écritures :



1°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société du parc éolien de la Plaine du Tors à exploiter huit éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire

des communes de Belleville-en-Caux, Calleville-les-Deux-Eglises, Saint-Vaast-du-Val et Val de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er décembre 2022 et le 20 décembre 2022, la commune de Val de Saâne, la commune de Beauval-en-Caux, M. et Mme B... C... et M. et Mme A... D..., représentés par Me Hélène Colliou, demandent à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a autorisé la société du parc éolien de la Plaine du Tors à exploiter huit éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Belleville-en-Caux, Calleville-les-Deux-Eglises, Saint-Vaast-du-Val et Val de Saâne, ou à titre subsidiaire d'annuler cet arrêté en tant qu'il autorise les éoliennes E 1, E 2 et E 3 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt pour agir ;

- l'enquête publique est irrégulière, le confinement ayant empêché le public et notamment une association de s'exprimer ;

- l'enquête publique a également été irrégulière en ce qu'aucune réunion publique n'a eu lieu à Calleville-les-Deux-Eglises ;

- le commissaire enquêteur ne s'est pas livré à une analyse des observations ;

- le dossier de demande n'était pas complet en ce qu'il ne précisait pas le modèle d'éolienne retenu ;

- le projet s'implante dans un site plat et ouvert, il est donc très visible et porte atteinte aux paysages comme à la commodité du voisinage ;

- l'autorisation accordée méconnait l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- elle méconnait également l'article R. 111-2 du même code ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable et que les moyens sont non fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2023, la société Parc éolien de la Plaine du Tors, représentée par Me Lou Deldique conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire des requérants de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable et qu'au surplus aucun de ses moyens n'est fondé.

La procédure a été communiquée à la société Seider qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 17 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative,

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Hélène Colliou, représentant la commune de Val-de-Saâne et autres, et de Me Lou Deldique, représentant la société du parc éolien de la Plaine du Tors.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société du parc éolien de la Plaine du Tors a déposé le 26 décembre 2019 une demande d'autorisation environnementale en vue d'exploiter huit aérogénérateurs et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Val-de-Saâne, de Belleville-en-Caux, de Calleville-les-Deux-Eglises et de Saint-Vaast-du-Val. Par un arrêté du 30 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a délivré cette autorisation. Les communes de Val-de-Saâne et de Beauval-en-Caux ainsi que M. et Mme C... et M. et Mme D..., qui sont propriétaires de biens immobiliers dans cette commune, demandent l'annulation de cet arrêté.

Sur le caractère complet du dossier de demande :

2. Aux termes de l'article R. 181-13 du code de l'environnement : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants : / 4° Une description de la nature et du volume de l'activité, l'installation, l'ouvrage ou les travaux envisagés, de ses modalités d'exécution et de fonctionnement, des procédés mis en œuvre (...) ".

3. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

4. Si l'étude d'impact présente trois modèles d'éoliennes qui pourront être installées, ces engins ont des caractéristiques proches. En particulier, leur hauteur totale varie entre 149,4 mètres et 150 mètres et le diamètre du rotor entre 115 mètres et 117 mètres. Dans ces conditions, l'imprécision de l'étude d'impact sur le modèle d'éolienne retenu n'a pu avoir pour effet de nuire à l'information du public, ni n'a été de nature à exercer une influence sur la décision, qui précise le modèle choisi.

5. Si l'étude d'impact présente des photomontages de l'une des trois variantes avec des éoliennes ayant soit une hauteur de 130 mètres de hauteur, soit une hauteur de 150 mètres, elle précise que ces deux séries de photomontages ont été réalisées uniquement pour évaluer l'impact de cette variante. Elle conclut que cette variation n'a que peu d'incidence et précise que le modèle retenu a une hauteur de 150 mètres ou approchante. Dans ces conditions, l'étude d'impact n'a pas induit le public en erreur.

Sur la régularité de l'enquête publique :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-13 du code de l'environnement : " Pendant la durée de l'enquête, le public peut consigner ses observations, propositions et contre-propositions sur le registre d'enquête, établi sur feuillets non mobiles, coté et paraphé par le commissaire enquêteur ou un membre de la commission d'enquête, tenu à leur disposition dans chaque lieu où est déposé un dossier. / Les observations, propositions et contre-propositions peuvent également être adressées par correspondance au commissaire enquêteur ou au président de la commission d'enquête au siège de l'enquête, et le cas échéant, selon les moyens de communication électronique indiqués dans l'arrêté d'ouverture de l'enquête. Elles sont tenues à la disposition du public au siège de l'enquête dans les meilleurs délais. / En outre, les observations écrites et orales du public sont également reçues par le commissaire enquêteur ou par un membre de la commission d'enquête, aux lieux, jours et heures qui auront été fixés et annoncés dans les conditions prévues aux articles R. 123-9 à R. 123-11. ".

7. Les irrégularités dans le déroulement de l'enquête publique ne sont de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elles n'ont pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

8. L'enquête publique relative à la demande d'autorisation environnementale de la société du parc éolien de la Plaine du Tors s'est déroulée du 19 octobre 2020 au 20 novembre 2020. Si le confinement national pour raison sanitaire a été décidé du 30 octobre 2020 au 20 novembre 2020, les mairies sont restées accessibles en vertu de l'article 28 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Par voie de conséquence, la consultation du dossier d'enquête et la possibilité de noter des observations écrites au registre d'enquête comme les permanences du commissaire enquêteur ont pu se dérouler normalement. Par ailleurs, la consultation du dossier comme le dépôt d'observations étaient possibles par voie dématérialisées et cinq permanences téléphoniques du commissaire enquêteur ont également été organisées. Le commissaire enquêteur note d'ailleurs dans son rapport avoir reçu 37 personnes lors de ses permanences en mairie, avoir recueilli 21 contributions sur des registres papier et 117 sur des registres numériques.

9. Si le président de l'association Cervantes a demandé au préfet de surseoir à l'enquête publique au motif que son association ne pouvait pas organiser de réunions sur le projet pendant la période de confinement, il ne démontre ni qu'il ne pouvait pas organiser de telles réunions de manière dématérialisée, l'absence de réseaux électroniques de communication qu'il allègue notamment à Belleville-en-Caux n'étant pas établie, ni qu'il ne pouvait pas faire valoir le point de vue de son association soit par courrier, soit par voie électronique à défaut d'une présence physique. Au contraire, il ressort des pièces du dossier que le préfet a demandé au commissaire enquêteur de recevoir l'association, ce qu'il a fait le 23 novembre 2020. Il ressort également de ces pièces que l'association a pu faire valoir ses observations.

10. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le confinement n'a pas permis une bonne information du public ou a exercé une influence sur les résultats de l'enquête ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 123-17 du code de l'environnement : " Sans préjudice des cas prévus par des législations particulières, lorsqu'il estime que l'importance ou la nature du projet, plan ou programme ou les conditions de déroulement de l'enquête publique rendent nécessaire l'organisation d'une réunion d'information et d'échange avec le public, le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête en informe l'autorité en charge de l'ouverture et de l'organisation de l'enquête ainsi que le responsable du projet, plan ou programme en leur indiquant les modalités qu'il propose pour l'organisation de cette réunion. / (...) ". Si aucune réunion publique n'a été organisée à la mairie de Calleville-les-Deux-Eglises, il ne résulte pas des dispositions précitées qu'une telle modalité d'enquête s'imposait. Par ailleurs, des permanences ont été organisées dans huit communes dont trois limitrophes de Calleville-les-Deux-Eglises. Le registre d'observations de cette commune de 333 habitants est d'ailleurs vierge de toute observation. Il n'est donc pas démontré que cette absence de réunion publique ait nui à l'information et à la participation du public.

Sur le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur :

12. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. ".

13. Il ressort du rapport du commissaire enquêteur que celui-ci, après avoir recensé et classé chacune des observations recueillies par thèmes et selon qu'elle est défavorable ou favorable, a procédé à une analyse détaillée sur plus de soixante-dix pages des quinze thèmes regroupant les observations. Si les requérants soutiennent que le commissaire enquêteur ne s'est pas prononcé sur certains des thèmes sur lesquels portaient les observations, il ressort au contraire du rapport que le commissaire enquêteur, qui n'était pas tenu de répondre à chacune des observations, a analysé l'ensemble des contributions, notamment contrairement à ce que soutiennent les requérants, celles relative à la proximité des villages, un chapitre entier étant consacré à la proximité des habitations, celles relatives à l'impact sur la faune et la flore, au démantèlement de l'installation ou aux effets sur la santé. Si, sur certains de ces thèmes, il n'a pas apporté d'autres commentaires que ceux faits par la société pétitionnaire en réponse aux observations du public, il a néanmoins rendu compte des observations du public sur ces points et a en outre exprimé son point de vue dans ses conclusions motivées. Le moyen tiré de l'absence d'analyse des observations par le commissaire enquêteur doit donc être écarté.

Sur l'atteinte aux paysages et à la commodité du voisinage :

14. D'une part, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".

15. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation environnementale, l'autorité préfectorale est tenue, sous le contrôle du juge, de délivrer l'autorisation sollicitée si les dangers ou inconvénients que présente cette installation peuvent être prévenus par les prescriptions particulières spécifiées par un arrêté d'autorisation.

16. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

17. Le projet s'implante sur la plaine du Tors, occupée par de grandes cultures de plein champ, site ne faisant l'objet d'aucune protection et ne présentant pas d'intérêt particulier.

18. Les requérants font état de la très grande visibilité du parc autorisé compte tenu de son implantation. Toutefois, ils ne citent précisément aucun point de vue où le projet porterait atteinte à un paysage remarquable ou à la commodité du voisinage. Ce projet prend place dans un paysage marqué par la présence de deux parcs éoliens en fonctionnement à proximité et de deux autres autorisés à respectivement 1,4 kilomètres et 3,8 kilomètres de la zone d'implantation du projet. La mission régionale de l'Autorité environnementale a indiqué dans son avis du 20 août 2020 que " l'identité du paysage ne sera pas profondément modifiée ", que " le choix des implantations s'est appuyé sur la volonté d'éviter tout effet d'encerclement ou de barrière visuelle depuis certains points de vue " même si " l'altération du paysage pourra être localement forte ". Le projet recherche une implantation homogène avec les parcs existants en suivant l'axe d'orientation constitué par la vallée de la Vienne au nord et par celle de la Saâne au sud, afin d'éviter tout effet de mitage. Il respecte l'interdiction d'implantation à moins de cinq cent mètres des habitations. Il ressort également de l'étude d'impact que les vues sur le projet seront très limitées depuis le centre des parties habitées des communes proches, notamment Val-de-Saâne, compte tenu de l'existence de haies et de rideaux d'arbres à leur périphérie. L'étude d'impact démontre que le projet n'est pas visible depuis les principaux lieux de vie de la commune de Val-de-Saâne, située à 1,8 kilomètres du projet, que ce soit depuis la médiathèque, la mairie, ou l'aire de jeux pour enfants. Elle établit également que le projet est très peu visible depuis les sorties de la commune ou depuis les chemins de randonnée la traversant. De même, s'agissant de la commune de Beauval-en-Caux, le projet n'est pas visible depuis les parties habitées des hameaux anciens de cette commune, comme depuis la mairie. Le projet n'est pas non plus visible depuis les vallées en particulier depuis la vallée de la Vienne, inscrite et classée au titre de la protection des sites même s'il est visible depuis des secteurs de plateaux également protégés à ce titre situés entre 3 et 4 kilomètres du projet, sans que cette atteinte soit significative compte tenu de l'existence de haies et de rideaux d'arbres. Enfin si le projet est visible depuis quelques habitations isolées ou implantées récemment, la société pétitionnaire propose d'aider à la création de masques végétaux afin d'atténuer fortement cet impact. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'atteinte aux paysages est de nature à justifier un refus du projet.

Sur le respect des règles d'urbanisme :

19. Aux termes de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un projet d'installation d'éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, cette autorisation dispense du permis de construire. " et aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) / 12° Pour les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent : / a) Sauf dans le cas prévu au 13°, un document établi par le pétitionnaire justifiant que le projet est conforme, selon le cas, au règlement national d'urbanisme, au plan local d'urbanisme ou au document en tenant lieu ou à la carte communale en vigueur au moment de l'instruction ; / (...) ".

20. Il résulte des dispositions précitées que les projets d'installation d'éoliennes terrestres soumis, depuis le 1er mars 2017, à autorisation environnementale sont dispensés de l'obtention d'un permis de construire ce qui n'a, toutefois, ni pour objet ni pour effet de dispenser de tels projets du respect des règles d'urbanisme qui leurs sont applicables, les dispositions de ces articles mettant à la charge de l'autorité administrative, à l'occasion de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, l'examen de la conformité des projets d'installation d'éoliennes aux documents d'urbanisme applicables.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :

21. Aux termes de cet article : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

22. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le site d'implantation du projet ne présente pas de qualité particulière et que si le parc est très visible depuis certains points de vue, il le sera peu depuis les lieux de vie et parties habitées des cœurs de hameaux situés à proximité.

23. En deuxième lieu, si le plan local d'urbanisme de la commune de Val-de-Saâne a identifié comme élément du patrimoine à préserver un ancien relais de poste, propriété de M. C..., situé à 900 mètres de l'éolienne E 2, les requérants ne précisent pas en quoi les dispositions du plan local d'urbanisme ou du code de l'urbanisme seraient méconnues. Au contraire, il résulte de l'instruction que si le projet est visible depuis le jardin de cette habitation, il se situe de manière perpendiculaire par rapport à l'axe d'orientation de cette habitation. Enfin, la société pétitionnaire a proposé la constitution de masques végétaux à proximité des habitations isolées ayant une vue sur les éoliennes.

24. En troisième lieu, si le projet se situe à 2,2 kilomètres du site classé de la vallée de la Vienne et à 4,4 kilomètres des autres parties du grand site inscrit de la même vallée, il ne résulte pas de l'instruction que le parc sera visible depuis les vallées et, ainsi qu'il a été dit, s'il est visible depuis les plateaux faisant partie de ces sites, il ne leur porte pas une atteinte significative.

25. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet autorisé méconnait les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

26. Aux termes de cet article : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

27. En premier lieu, si les requérants font état d'un risque lié aux cavités souterraines, l'article II.1.d de l'arrêté du 30 septembre 2022 prescrit la réalisation d'études géotechnique pour chaque fondation d'aérogénérateur et la mise en œuvre de mesures en fonction du résultat de ces études. Au demeurant, le dossier de demande a écarté l'existence d'un tel risque pour les éoliennes E 3 et E 5 et la société pétitionnaire s'est engagée à combler la cavité au droit des éoliennes E 4 et E 8.

28. En deuxième lieu, les risques de ruissellement ont été pris en compte par le projet et l'arrêté impose que l'aménagement des zones d'accès, de travaux et d'implantation du projet ne crée pas de ruissellement supplémentaire.

29. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'intensité du phénomène de chute d'éléments de l'éolienne est nulle en dehors de la zone survolée par les pales et les analyses rétrospectives démontrent une très faible probabilité de survenance de telles chutes. Enfin, le dossier d'autorisation comprend une étude qui évalue l'acceptabilité de ce risque comme de celui de l'effondrement du mat en fonction de la fréquentation de la zone d'implantation du projet. Ces risques sont analysés comme acceptables. Par ailleurs, les aérogénérateurs sont soumis à des contrôles de conformité et à des contrôles réguliers en application de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent. Le risque qu'un effondrement ou une chute d'une partie d'éolienne atteigne une autre éolienne est donc très peu probable, outre que sa gravité pour les tiers n'est pas démontrée. Enfin, si les requérants indiquent que l'éventualité d'actes de malveillance n'a pas été prise en compte, ils n'établissent pas que le projet soit soumis à un risque particulier en la matière, alors qu'ainsi qu'il a été dit, l'impact pour les tiers d'un tel acte serait particulièrement restreint.

30. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

31. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de recevoir opposées en défense, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 30 septembre 2022 portant autorisation environnementale délivrée à la société Parc éolien de la Plaine du Tors pour exploiter huit éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Val-de-Saâne, de Belleville-en-Caux, de Calleville-les-Deux-Eglises et de Saint Vaast du Val.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants réclament au titre des frais liés au litige.

33. Il y a lieu, en revanche, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge solidaire des requérants une somme globale de 2 000 euros à verser à la société Parc éolien de la Plaine du Tors au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Val-de-Saâne et autres est rejetée.

Article 2 : Les requérants verseront une somme globale de 2 000 euros à la société Parc éolien de la Plaine du Tors au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux communes de Val-de-Saâne et de Beauval-en-Caux ainsi qu'à M. et Mme C... et à M. et Mme D..., à la société Parc éolien de la Plaine du Tors, à la société Seider et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 15 février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. PerrinLa présidente de la cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA02511 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02511
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GREENLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;22da02511 ?
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