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21/03/2024 | FRANCE | N°22DA01664

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 21 mars 2024, 22DA01664


Vu la procédure suivante :



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, et des mémoires enregistrés le 2 mars 2023 et le 16 mars 2023, la société Eolis Noroît, représentée par Me Lou Deldique, demande à la cour :



1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet du Nord a fixé des prescriptions complémentaires à l'exploitation des éoliennes E3, E4, E6 et E7 en tant qu'il prévoit un plan de bridage disproportionné et la décision implicite de rej

et de son recours gracieux ;



2°) de réformer cet arrêté pour tenir compte du plan de bridage qu'...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, et des mémoires enregistrés le 2 mars 2023 et le 16 mars 2023, la société Eolis Noroît, représentée par Me Lou Deldique, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet du Nord a fixé des prescriptions complémentaires à l'exploitation des éoliennes E3, E4, E6 et E7 en tant qu'il prévoit un plan de bridage disproportionné et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) de réformer cet arrêté pour tenir compte du plan de bridage qu'elle a proposé dans son étude d'impact ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Nord de statuer à nouveau sur la mesure de bridage en tenant compte du dossier de porter à connaissance qu'elle a déposé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- les prescriptions sont inutiles et inadaptées au regard de leur coût économique et de l'impact du projet sur les chiroptères.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Lou Deldique, représentant la société Eolis Noroît.

Considérant ce qui suit :

1. La société Eolis Noroît a demandé, le 21 décembre 2016, une autorisation unique pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien de sept aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Clary et de Maretz dans le département du Nord. Par un arrêté du 6 décembre 2019, le préfet du Nord a autorisé trois éoliennes, à savoir E 1, E 2 et E 5 et a rejeté la demande pour le surplus. Par un arrêt n°20DA00247 du 26 octobre 2021, la cour a annulé cet arrêté en tant qu'il refusait d'autoriser les éoliennes E 3, E 4, E 6 et E 7, a délivré l'autorisation pour ces quatre éoliennes et a enjoint au préfet de fixer les prescriptions complémentaires pour celles-ci. Par un arrêté du 4 mars 2022, le préfet du Nord a édicté ces prescriptions et fixé notamment un plan de bridage destiné à réduire à un niveau acceptable les atteintes aux chiroptères. La société Eolis Noiroît a formé en vain un recours gracieux contre cet arrêté. Par la présente requête, elle demande à la cour d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 et la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté du 4 mars 2022 :

2. L'arrêté attaqué vise l'ensemble des textes dont il fait application, notamment le code de l'environnement et l'arrêt de la cour du 26 octobre 2021, et relève que la cour a, par cet arrêt, jugé nécessaire de renforcer le plan de bridage proposé par la société pétitionnaire. Il comporte ainsi les considérations de doit et de fait qui en constituent le fondement. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 4 mars 2022 doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur d'appréciation entachant les prescriptions fixées par l'arrêté du 4 mars 2022 :

3. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I.-L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". L'article L. 511-1 du même code dispose : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.(...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que des prescriptions complémentaires relatives au fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement peuvent être édictées par le préfet lorsqu'elles sont nécessaires pour garantir la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

5. Il résulte de l'étude d'impact que si l'activité des chiroptères est globalement modérée, la présence de plusieurs espèces a été relevée sur la zone d'implantation du projet. Par ailleurs, l'éolienne E 3 est implantée à 75 mètres d'un îlot arbustif, l'éolienne E 7 se situe, à bout de pale, à 80 mètres d'une zone boisée comportant un plan d'eau et à 115 mètres d'une zone boisée, l'éolienne E 6 se situe à 100 mètres d'un alignement d'arbres, à 115 mètres d'un bosquet, à 140 mètres d'une haie et à 155 mètres d'une zone boisée et enfin l'éolienne E4 se situe à 145 mètres d'une haie et à 190 mètres d'une zone boisée. Si la mission régionale de l'Autorité environnementale avait en conséquence préconisé un déplacement de ces éoliennes, il résulte de l'étude d'impact qu'afin de minimiser les impacts paysagers, un tel éloignement des sites à enjeux chiroptérologiques n'a pu être envisagé.

6. La société pétitionnaire proposait initialement, pour les éoliennes E3, E4, E6 et E7, un plan de bridage couvrant la période allant de début avril à fin octobre, limité aux quatre heures suivant le coucher du soleil, lorsque les vents soufflent à une vitesse inférieure à 5 m/s et que la température est supérieure à 10°C en l'absence de précipitations.

7. Dans son arrêté du 4 mars 2022, le préfet a imposé un plan couvrant la même période mais l'a étendu aux huit heures suivant le coucher du soleil, lorsque la vitesse du vent est inférieure à 7 m/s et que la température est supérieure à 7°C. Il a, ce faisant, strictement repris les prescriptions recommandées par la cour dans son arrêt du 26 octobre 2021.

8. La société pétitionnaire a transmis le 20 décembre 2022 un porter à connaissance au préfet du Nord dans lequel elle propose la suppression de l'éolienne E 7 et demande la limitation du plan de bridage à la période allant de début mai à fin octobre, pendant les huit heures suivant le coucher du soleil, lorsque la vitesse du vent est inférieure à 6 m/s et que la température est supérieure à 7°C.

9. D'une part, il résulte de l'étude d'impact que 99,80 % des contacts avec des espèces de chauves-souris ont lieu avec des vents inférieurs à 7 mètres par seconde, que 99,75 % de ces contacts se déroulent lorsque les températures sont supérieures à 7° C et qu'enfin 95 % des contacts ont lieu entre avril et octobre. En retenant ces valeurs dans ses prescriptions pour le plan de bridage, le préfet a donc garanti que le risque pour les chiroptères soit négligeable. En sens inverse, le plan de bridage initialement proposé par la société ne couvrait que 91,25 % de l'activité des chiroptères et celui qu'elle a proposé dans le dernier état de ses écritures aboutit à couvrir 96,30 % de l'activité des chauves-souris, certes au-delà de sa proposition initiale mais en-deçà du plan de bridage du préfet. La société ne se prévaut d'aucun changement de circonstances de droit ou de fait pour justifier la baisse de protection des chiroptères et ne s'appuie en particulier sur aucune donnée nouvelle par rapport à l'étude d'impact.

10. Dès lors que le plan de bridage retenu par le préfet permet une meilleure protection des chauves-souris que les plans successivement proposés par la société, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que les prescriptions contenues dans l'arrêté du 4 mars 2022 sont inutiles et inadaptées à la protection des chiroptères.

11. D'autre part, le plan de bridage constitue une mesure prise en vue de réduire à un niveau négligeable les atteintes portées aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, notamment, en l'espèce, à la préservation des chiroptères, qui constituent des espèces protégées. La société pétitionnaire ne peut donc utilement se prévaloir de ce que l'article L. 110-1 du code de l'environnement pose un " principe d'action préventive et de correction par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable " pour revendiquer la prise en compte du coût financier du plan de bridage. Au demeurant, le ministre souligne que d'après les calculs de la société, les prescriptions édictées dans l'arrêté du 4 mars 2022 n'auraient une incidence que de 1,70 % tant sur son chiffre d'affaires que sur la production d'électricité du parc.

12. Dans ces conditions, la société Eolis Noroît n'est pas fondée à soutenir que les prescriptions édictées par le préfet du Nord dans l'arrêté du 4 mars 2022 sont entachées d'erreur d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société requérante tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2022 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux doivent être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Eolis Noroît demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Eolis Noroît est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eolis Noroît et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 29 février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Isabelle Legrand, présidente assesseure assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024

Le rapporteur,

Signé : D. PerrinLa présidente de la formation de jugement,

Signé : I. Legrand

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA01664 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01664
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Legrand
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GREENLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;22da01664 ?
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