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21/03/2024 | FRANCE | N°23DA02354

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 21 mars 2024, 23DA02354


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2104984 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 21 décembre 2023, Mme C... épouse B..., représen

tée par Me Cécile Madeline, membre de la Selarl Eden avocats, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2104984 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2023, Mme C... épouse B..., représentée par Me Cécile Madeline, membre de la Selarl Eden avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 août 2021 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la Selarl Eden avocats sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis des erreurs de fait qui rendent son jugement irrégulier ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'erreurs de fait ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît également l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Mme C... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Par une ordonnance du 1er février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 février 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse B... , ressortissante marocaine née le 14 avril 1969, a sollicité le 15 mars 2021 un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 17 août 2021, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté cette demande. Mme C... épouse B... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Rouen qui a rejeté sa demande par un jugement du 28 septembre 2023. Mme C... épouse B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Si Mme C... épouse B... fait état de l'attestation de dépôt par son époux d'une demande de regroupement familial à son profit le 16 juillet 2015 et reproche au jugement contesté de retenir l'absence d'une telle demande, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que cette demande, dont elle justifie en appel, ait été portée à la connaissance du tribunal. En tout état de cause, les erreurs de fait éventuellement commises dans le jugement n'affectent pas sa régularité mais uniquement son bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 17 août 2021 :

S'agissant du moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de Mme C... épouse B... :

3. Il résulte des termes mêmes de l'arrêté, qui détaille les considérations de fait sur lesquelles elle se fonde, que le préfet s'est livré à un examen approfondi de la situation de Mme C... épouse B....

S'agissant du moyen tiré de l'erreur de fait :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime a interrogé les autorités espagnoles qui ont indiqué, le 18 mars 2021, que Mme C... épouse B... était titulaire d'une autorisation de résidence de longue durée en Espagne valide jusqu'au 22 octobre 2023. Dans ces conditions, l'arrêté en litige qui fait mention de ce titre de séjour ne comporte aucune erreur de fait, contrairement à ce que soutient l'appelante qui ne conteste pas détenir un tel titre.

5. En second lieu, la décision contestée fait mention de la présence en France du mari de l'appelante et de la régularité du séjour de celui-ci mais considère qu'elle " ne justifie pas de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels noués sur le territoire français ". La décision ne se fonde donc pas sur des faits matériellement inexacts mais porte une appréciation sur ceux-ci, soumise au contrôle du juge de l'excès de pouvoir.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. La circonstance qu'un étranger est susceptible de bénéficier d'une procédure de regroupement familial ne le prive pas de la faculté de se prévaloir, le cas échéant, de l'atteinte disproportionnée qu'un refus de titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

8. Pour démontrer que la décision lui refusant un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, Mme C... épouse B... fait principalement état de son mariage à Rouen le 5 juin 2015 avec un compatriote demeurant régulièrement en France, dont la carte de résident est valable jusqu'au 12 novembre 2028. Elle établit également avoir travaillé en France comme saisonnière intermittente entre le 21 juillet et le 20 décembre 2014, avoir suivi des formations d'apprentissage du français entre septembre 2015 et juin 2016 et avoir travaillé comme employée à domicile quelques heures par semaine entre février 2017 et juin 2019. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la demande de regroupement familial formulée par son mari le 16 juillet 2015 à son profit a été implicitement rejetée, sans que ce refus soit contesté, d'autre part, que ses périodes de travail et d'apprentissage du français ont été discontinues et n'étaient plus actuelles à la date de l'arrêté attaqué. Au surplus, le préfet établit qu'elle est titulaire d'une carte de résidente espagnole de longue durée, valable jusqu'au 22 octobre 2023, et qu'elle a déjà bénéficié d'un permis de résidence espagnol du 20 novembre 2013 au 22 octobre 2018. Son admission au séjour sur une période continue de dix ans par les autorités espagnoles contredit les allégations de la requérante selon lesquelles elle aurait fixé en France le centre de ses intérêts. Par suite et en dépit de la présence régulière de son époux sur le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme C... épouse B... en refusant de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ".

S'agissant des moyens tirés de la méconnaissance de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle :

9. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de Mme C... épouse B... doivent être écartés.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

12. Il résulte de ce qui précède qu'en dehors de sa présence sur le territoire français, attestée de manière discontinue entre juillet 2014 et juin 2019, et du séjour régulier de son époux, la situation de Mme C... épouse B... ne répond pas à des considérations humanitaires ni à des motifs exceptionnels. Le préfet de la Seine-Maritime n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation en refusant de l'admettre au séjour.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 août 2021.

En ce qui concerne les autres conclusions :

14. Par suite, ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Cécile Madeline.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 29 février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Isabelle Legrand, présidente assesseure assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la formation de jugement,

Signé : I. LegrandLa greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N° 23DA02354 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02354
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Legrand
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23da02354 ?
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