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27/01/1994 | FRANCE | N°92LY00309

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 27 janvier 1994, 92LY00309


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 20 mars 1992, la requête présentée pour M. et Mme X... demeurant ... (Bouches-du-Rhône) par la société civile professionnelle VIER-BARTHELEMY, avocats au Conseil d'Etat et à la cour de cassation ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête tendant à obtenir la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1980 à 1983 ;
2°) de pron

oncer la décharge des impositions litigieuses ;
les requérants soutiennent que...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 20 mars 1992, la requête présentée pour M. et Mme X... demeurant ... (Bouches-du-Rhône) par la société civile professionnelle VIER-BARTHELEMY, avocats au Conseil d'Etat et à la cour de cassation ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête tendant à obtenir la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1980 à 1983 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
les requérants soutiennent que le jugement attaqué qui ne répond pas à certains moyens de la requête n'est pas suffisamment motivé ; qu'il n'y a pas eu de véritable débat contradictoire ; que les demandes d'éclaircissements n'étaient pas justifiées ; que les notifications de redressements étaient insuffisamment motivées ; que les bases d'imposition sont exagérées en ce qui concerne l'évaluation de leur train de vie et le montant d'un compte-courant ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 1994 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ; - et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requérants contestent le jugement en date du 28 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à obtenir la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1980 à 1983 à la suite de la vérification approfondie de leur situation fiscale d'ensemble ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'examen du dossier de première instance que le jugement attaqué a répondu à chacun des moyens soulevés par les requérants tant dans leur requête introductive d'instance que dans leur mémoire en réplique ; que ce jugement est suffisamment motivé en particulier en ce qui concerne les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition ; que les requérants ne sont en conséquence pas fondés à soutenir qu'il serait entaché d'irrégularité ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'exercice du droit de communication :
Considérant que préalablement à l'engagement de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, l'administration a exercé, auprès des services de police judiciaire et des établissements bancaires, le droit de communication prévu par les articles L.81 et suivants du livre des procédures fiscales et a ainsi obtenu des renseignements sur les mouvements des comptes bancaires des requérants ; que les dispositions de l'article L.47 du livre des procédures fiscales qui imposent l'envoi d'un avis avant l'engagement d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble n'ont ni pour objet, ni pour effet de limiter la possibilité dont dispose l'administration d'exercer, avant, pendant ou après la vérification, son droit de communication auprès des tiers qui n'est assorti d'aucune formalité particulière ; qu'ainsi le moyen tiré par les requérants de ce que, faute d'avoir été précédé de l'envoi d'un avis, l'examen de leurs comptes bancaires était irrégulier, doit être écarté ;
. En ce qui concerne les conditions de mise en oeuvre des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article L.16 du livre des procédures fiscales : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments lui permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ..." ; qu'aux termes de l'article L.69 du même code : " ... sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements et de justifications prévues à l'article L.16" ;
Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à la sanction qui par l'effet des dispositions de l'article L.69 précité du livre des procédures fiscales, est attachée au défaut de production par les contribuables de justifications qui leur sont demandées, l'administration ne peut leur adresser la demande de justifications prévue à l'article L.16 que si elle a au préalable restitué les documents remis à l'occasion de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ;

Considérant que les requérants ne contestent pas qu'ils n'ont au cours de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, directement remis aucun document au vérificateur qui a uniquement exploité les pièces qu'il avait obtenus par l'exercice de son droit de communication auprès des établissements bancaires et des services de police ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration n'était pas tenu de leur communiquer d'elle-même lesdites pièces en l'absence de toute demande de leur part ;
Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que l'administration n'établit pas qu'elle avait réuni des éléments permettant de présumer qu'ils auraient disposé de revenus plus importants que ceux déclarés et qu'elle était en droit de recourir à la procédure de demande de justifications ;
Considérant que, si à défaut d'établir qu'un patrimoine a été acquis au cours de l'année d'imposition litigieuse, sa simple détention ne signifie pas nécessairement que le contribuable a disposé de revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, il résulte de l'instruction que, même en excluant les bijoux et les bons de caisse nantis découverts dans le coffre bancaire des requérants lors de la perquisition effectuée par les services de police, les balances de trésorerie établies pour chaque années d'imposition laissent apparaître des soldes inexpliqués ; que pour les années 1980 et 1981 le vérificateur a notamment relevé l'utilisation de disponibilités pour des achats de bons de caisse, la réalisation de travaux immobiliers, l'octroi d'un prêt et des apports en compte-courant à la S.C.I. Les Basses Fenouillères conduisant à des soldes inexpliqués de 1 053 940 francs en 1980 et 772 726 francs en 1981 ; que si, pour les années 1982 et 1983 les soldes inexpliqués s'élèvent respectivement à 71 114 francs et 146 188 francs en incluant des dépenses de train de vie payées en espèces pour chaque année un montant de 200 000 francs, il résulte de l'instruction que ce poste de la balance de trésorerie ne procède pas d'une simple estimation effectuée par le vérificateur mais a été fixé après analyse des retraits en espèces effectués mensuellement par les requérants sur leurs comptes bancaires ; que les requérants qui ne contestent pas la réalité de ces retraits, n'allèguent pas qu'ils auraient servi à financer d'autres opérations déjà intégrées dans les balances de trésorerie ; que dans ces conditions l'administration apporte pour les 4 années en cause, la preuve qu'elle avait réuni les éléments nécessaires pour présumer que les requérants pouvaient avoir des revenus plus importants que ceux déclarés ; que les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que l'administration n'était pas en droit de leur adresser une demande de justifications ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la demande modèle 2172 adressée le 20 juin 1984 aux requérants, comportait tous les éléments ayant concouru à l'établissement des balances de trésorerie et à la détermination des soldes inexpliqués ; que par suite le moyen tiré par les requérants de ce que la demande de justifications n'aurait mentionné que des montants totaux annuels et aurait ainsi été insuffisamment précise manque en fait ;
. En ce qui concerne la régularité de la notification de redressements :
Considérant qu'aux termes de l'article L.76 du livre des procédures fiscales : "Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable ... au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ..." ;
Considérant que les deux notifications de redressements adressées aux requérants en date du 4 septembre 1984 et relatives respectivement aux années 1980 et 1981 et, 1982 et 1983, font référence aux soldes inexpliqués des balances de trésorerie mentionnés dans la demande d'éclaircissements et de justifications du 20 juin 1984 et indiquent les éléments admis en soustraction à la suite des explications données par les contribuables dans leur réponse du 7 août 1984 ; que par le rapprochement de ces documents tous en leur possession, les requérants étaient ainsi parfaitement à même de connaître les éléments de détermination des bases d'imposition et de les contester utilement ; que lesdites notifications précisaient en outre les raisons pour lesquelles d'autres éléments étaient maintenus dans les bases d'imposition ; qu'elles satisfaisaient ainsi pleinement aux dispositions précitées de l'article L.76 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que les requérants ne sont en conséquence pas fondées à soutenir que les impositions litigieuses auxquelles ils ont été assujettis par voie de taxation d'office en application de l'article L.69 du livre des procédures fiscales, ont été établies au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que les requérants qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ont été régulièrement taxés d'office, ont la charge d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition qui leur ont été assignées ;
Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent qu'il n'est pas établi qu'ils soient les souscripteurs des 10 bons de caisse de 10 000 francs se trouvant dans leur coffre bancaire lors de la perquisition opérée par le service régional de police judiciaire et en outre que ces bons auraient été acquis en 1980 ; qu'ils n'apportent à l'appui de ces allégations aucune justification ni commencement de preuve et ne contestent ainsi pas sérieusement les affirmations de l'administration indiquant que les mentions portées sur ces bons font apparaître leur émission le 31 octobre 1980 et que Mme X... a déclaré aux services de police avoir elle-même acquis ces bons au moyen d'espèces ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que la somme de 620 000 francs apparaissant au crédit de leur compte courant dans les écritures de la SCI Les Basses Fenouillères, a, à hauteur de 570 000 francs été apportée au cours de l'année 1979 ; qu'ils n'apportent toutefois aucune justification à l'appui de cette allégation alors que l'administration indique avoir relevé dans la comptabilité de la société, deux versements de 570 000 francs et 50 000 francs à la date du 31 décembre 1980 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'examen de la notification de redressements du 4 septembre 1984 relative à l'année 1983 que les bons de caisse d'une valeur de 374 000 francs nantis pour garantir le découvert de la société Le Krypton également découverts dans le coffre bancaire des requérants par les services de police et figurant dans les éléments ayant concouru à l'établissement de la balance de trésorerie, n'ont en définitive pas été retenus dans la détermination des bases d'imposition de l'année 1983 ; que les requérants ne peuvent en conséquence utilement soutenir que l'administration n'établit pas que ces bons auraient été souscrits au cours de l'année 1983 ;
Considérant, en quatrième lieu, que l'administration a, pour chaque année d'imposition évalué pour l'établissement de la balance de trésorerie à 200 000 francs les dépenses de vie courante payées en espèces en se référant aux montants des retraits effectués mensuellement par les requérants sur leurs comptes bancaires ; que les requérants qui ne contestent pas la réalité de ces retraits d'espèces n'allèguent pas qu'ils auraient servi à d'autres opérations déjà intégrées dans les balances de trésorerie ; que, par suite, alors que dès la notification de redressements l'administration a fait connaître sa méthode d'évaluation et ainsi mis les requérants à même de la contester utilement, ils n'apportent aucun élément de nature à apporter la preuve dont ils ont la charge ; que le vérificateur a pu régulièrement dans sa réponse aux observations du contribuable se référer à titre de comparaison aux rubriques du barème de l'article 168 du code général des impôts alors même que cet article n'était pas appliqué ; qu'à la suite de cette comparaison qui a d'ailleurs corroboré l'évaluation précédente, l'administration a pu régulièrement lors de l'établissement des bases d'imposition fixer pour chaque année d'imposition à 155 400 francs le montant des dépenses de train de vie payées en espèces ;
Considérant que les requérants n'apportent pas la preuve de l'exagération des bases d'imposition qui leur ont été assignées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ; que leur requête doit être rejetée ;
Article 1er : La requête de M. et Mme X... est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 92LY00309
Date de la décision : 27/01/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ARTICLES L.16 ET L.69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES) -Notification des bases de l'imposition d'office - Motivation suffisante - Référence à un document en la possession du contribuable.

19-04-01-02-05-02-02 Une notification de redressement établie dans le cadre d'une procédure d'imposition d'office, faisant expressément référence aux soldes inexpliqués des balances de trésorerie mentionnés dans la demande d'éclaircissements et de justifications précédemment adressée au contribuable, satisfait aux dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dès lors que le rapprochement des documents en sa possession met le contribuable parfaitement à même de connaître les éléments de détermination des bases d'imposition et de les contester utilement.


Références :

CGI 168
CGI Livre des procédures fiscales L81, L47, L16, L69, L76


Composition du Tribunal
Président : M. Bonifait
Rapporteur ?: M. Fontbonne
Rapporteur public ?: Mme Haelvoet

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1994-01-27;92ly00309 ?
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