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19/04/1994 | FRANCE | N°93LY01262

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 19 avril 1994, 93LY01262


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 août 1993, présentée par le préfet du département de la Corse du Sud ; il demande que la Cour :
- annule un jugement en date du 16 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté son déféré dirigé contre l'arrêté du maire de Serra di Ferro du 24 septembre 1991 portant délivrance d'un permis de construire à M. et Mme X... pour la reconstruction d'une ruine sur un terrain situé au lieu-dit Pratarella ;
- annule ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;


Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 août 1993, présentée par le préfet du département de la Corse du Sud ; il demande que la Cour :
- annule un jugement en date du 16 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté son déféré dirigé contre l'arrêté du maire de Serra di Ferro du 24 septembre 1991 portant délivrance d'un permis de construire à M. et Mme X... pour la reconstruction d'une ruine sur un terrain situé au lieu-dit Pratarella ;
- annule ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 1994 :
- le rapport de M. VESLIN, conseiller ;
- les observations de Me GUIN, avocat de la commune de Serra di Ferro, et de M. X... ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.146-6 du code de l'urbanisme : "Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, ... les forêts et zones boisées côtières ... Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements ..." ; qu'aux termes de l'article R.146-1 dudit code : "En application du premier alinéa de l'article L.146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : .....b) les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer ..." ; qu'enfin aux termes de l'article R.146-2 de ce même code : "En application du deuxième alinéa de l'article L.146-6, peuvent être implantés dans les espaces et milieux mentionnés à l'article R.146-1, ... les aménagements légers suivants : a) les chemins piétonniers et les objets mobiliers destinés à l'accueil ou à l'information du public, lorsqu'ils sont nécessaires à la gestion ou à l'ouverture au public de ces espaces ou milieux ; b) les aménagements nécessaires à l'exercice des activités agricoles, de pêche et cultures marines, ou lacustres, conchylicoles, pastorales et forestières ne créant pas de surface hors-oeuvre nette au sens de l'article R.112-2 et dont la localisation dans ces espaces ou milieux ne dénature pas le caractère des lieux et est rendue indispensable par des nécessités techniques." ;
Considérant, d'une part, que le terrain situé au lieudit Pratarella, sur lequel le maire de Serra di Ferro a délivré à M. et Mme X... le 24 septembre 1991 un permis de construire en vue d'autoriser la reconstruction d'un bâtiment en ruine, est compris dans un vaste espace naturel surplombant le littoral rocheux de la commune qui est occupé sur près de 300 ha par un peuplement de genévriers de Phénicie ; qu'il ressort des pièces du dossier, dont l'exactitude matérielle n'a pas été contestée dans la procédure écrite, que cette juniperaie constitue en raison de sa superficie, de la densité, la taille et la forme des arbres qui la composent, l'un des ensembles les plus représentatifs de ce type de végétation méditerranéenne en Corse ; qu'ainsi, alors même que ce secteur boisé n'aurait pas été inscrit dans le schéma d'aménagement de l'île, d'ailleurs adopté postérieurement au permis litigieux, il doit être regardé, au sens des dispositions précitées, comme une zone boisée côtière à préserver ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées, que la protection dont bénéficient les zones de ce type est directement assurée à l'occasion de l'examen des demandes de permis de construire ; que la reconstruction d'un bâtiment en ruines anciennement à usage de bergerie, à l'effet de l'occuper comme habitation secondaire, ne correspond à aucun de ces aménagements légers limitativement énumérés par l'article R.146-2 précité ; que, par suite, nonobstant les dispositions du plan d'occupation des sols de Serra di Ferro qui permettent la reconstruction des bâtiments à l'état de ruines dans la zone naturelle NDa où se situe le terrain en question, le préfet de la Corse du Sud est fondé à soutenir que le maire de la commune était tenu de refuser la demande de permis de construire présentée par M. et Mme X... et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté son déféré dirigé contre l'arrêté du 24 septembre 1991 ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, il y a lieu de prononcer l'annulation tant dudit jugement que de l'arrêté dont il s'agit ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que l'Etat, qui ne constitue pas la partie perdante dans la présente instance, ne peut être condamné à verser à la commune de Serra di Ferro la somme qu'elle réclame à ce titre ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 juillet 1993 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du maire de Serra di Ferro du 24 septembre 1991 portant délivrance d'un permis de construire à M. et Mme X... est annulé.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Serra di Ferro au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 93LY01262
Date de la décision : 19/04/1994
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

NATURE ET ENVIRONNEMENT - AUTRES MESURES PROTECTRICES DE L'ENVIRONNEMENT - PROTECTION DU LITTORAL (LOI 86-2 DU 3 JANVIER 1986) - Préservation des espaces - sites - paysages et milieux du littoral (article L - 146-6 du code de l'urbanisme) - Notion de zone boisée caractéristique du patrimoine naturel - Juniperaie de 300 ha en Corse.

44-05-04, 68-001-01-02-03 Une forêt de genévriers de Phénicie s'étendant sur près de 300 ha, composée d'arbres denses et de taille importante qui constitue, en raison de ces caractéristiques, un des ensembles les plus représentatifs de ce type de végétation méditerranéenne en Corse doit être regardée comme une zone boisée côtière à préserver au sens des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - REGLES GENERALES D'UTILISATION DU SOL - REGLES GENERALES DE L'URBANISME - PRESCRIPTIONS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - LOI DU 3 JANVIER 1986 SUR LE LITTORAL - Espaces - sites ou paysages à préserver (article L - 146-6 du code de l'urbanisme) - Notion - Zone boisée caractéristique du patrimoine naturel - Notion - Juniperaie de 300 ha en Corse.


Références :

Code de l'urbanisme L146-6, R146-1, R146-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Lopez
Rapporteur ?: M. Veslin
Rapporteur public ?: M. Chanel

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1994-04-19;93ly01262 ?
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