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23/06/1994 | FRANCE | N°93LY00608

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 23 juin 1994, 93LY00608


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 26 avril 1993, la requête présentée par Me GAUDIN, avocat au barreau de Paris pour la société MERX dont le siège social est ..., la société Bernard X... Sélection et M. Bernard X... également domiciliés ... ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que la ville de Draguignan soit condamnée à leur payer les sommes correspondant outre intérêts de retard contractuels au coût des études qu'elle leur

avait commandés ainsi qu'à chacun d'entre eux 15 000 francs de dommages et in...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 26 avril 1993, la requête présentée par Me GAUDIN, avocat au barreau de Paris pour la société MERX dont le siège social est ..., la société Bernard X... Sélection et M. Bernard X... également domiciliés ... ;
Les requérants demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 2 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que la ville de Draguignan soit condamnée à leur payer les sommes correspondant outre intérêts de retard contractuels au coût des études qu'elle leur avait commandés ainsi qu'à chacun d'entre eux 15 000 francs de dommages et intérêts ;
2°) de condamner la ville de Draguignan à payer : a) à la société MERX :
- les sommes de 84 087,40 F TTC en principal et 32 794,08 F en intérêts contractuels de retard arrêtés au 15 avril 1987 ;
- les sommes de 71 160 F TTC en principal et 21 348 F en intérêts contractuels de retard arrêtés au 15 avril 1987 ;
- les sommes de 3 012,44 F TTC en principal et 994,10 F en intérêts contractuels de retard arrêtés au 15 avril 1987 ;
- les sommes de 7 605,42 F TTC en principal et 2 395,70 F en intérêts contractuels de retard arrêts au 15 avril 1987 ;
- la somme de 3 100 F TTC avec intérêts à compter du jour de la mise en demeure en date du 14 février 1986 ;
b) à la société BERNARD X... SELECTION :
- les sommes de 106 740 F en principal et 32 022 francs TTC en intérêts contractuels de retard arrêtés au 15 avril 1987 ;
c) à M. Bernard X... :
- les sommes de 142 320 francs TTC en principal et 42 696 francs en intérêts contractuels de retard arrêtés au 15 avril 1987 ;
3°) de condamner la ville de Draguignan à leur payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudice commercial ;
4°) de condamner la ville de Draguignan à payer à chacun d'eux la somme de 20 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code des marchés publics ; Vu le décret n° 85-42 du 8 janvier 1985 ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 1994 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ; - les observations de la SCP DURAND- CHATEAURAYNAUD-ANDREANI-DURAND-BOZZO, avocats de la commune de Draguignan ; - et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société MERX, la société BERNARD X... SELECTION et l'entreprise individuelle BERNARD X... CONSULTANTS, contestent le jugement en date du 2 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Draguignan soit condamnée à leur payer, outre intérêts de retard et dommages et intérêts, les sommes correspondant à l'exécution de prestations d' études et de conseil ;
Sur le fond :
Considérant que par trois lettres en date du 20 décembre 1984 le maire de Draguignan a passé commande à la société MERX, à la société BERNARD X... SELECTION et à l'entreprise individuelle Bernard X... CONSULTANTS pour des montants hors taxes de 60 000 francs, 90 000 francs et 120 000 francs de prestations consistant respectivement en une étude sur la communication et la promotion en matière de tourisme, en une étude économique et sociale sur l'emploi et une mission de conseil en relations avec la presse nationale et internationale pour promouvoir l'économie et le tourisme ; que par lettre en date du 14 février 1985 le maire de Draguignan a passé commande à M. Bernard X... d'une étude sur la structure de la population pour un montant de 70 000 francs hors taxe ;
Considérant qu'aux termes de l'article 321 du code des marchés publics dans sa rédaction en vigueur en décembre 1984 et résultant du décret du 7 janvier 1982 : "Il peut être traité en dehors des conditions fixées par le présent titre : 1°) pour les travaux, les fournitures ou les services dont le montant annuel présumé, toutes taxes comprises, n'excède pas la somme de 150 000 francs ..." ; que ledit seuil de 150 000 francs a été porté à 180 000 francs par le décret n° 85-42 du 8 janvier 1985 modifiant les dispositions précitées de l'article 321 du code des marchés publics ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier et en particulier des documents versés au dossier par les requérants aux fins de justifier de la réalité de l'exécution de leurs missions, que les quatre prestations commandées par la commune avaient, bien que désignées sous des libellés différents, en réalité le même objet ; qu'il n'est pas contesté que les 3 entreprises contractantes de la commune appartenaient au même groupe de sociétés ; que dans ces conditions sous l'apparence de quatre contrats conclus avec 3 entreprises juridiquement distinctes, il s'agissait de la réalisation d'une même opération dont le montant global s'élevait à 340 000 francs hors taxes dépassant ainsi le seuil prévu par l'article 321 du code des marchés publics ;

Considérant qu'il n'est pas allégué que la nature particulière des prestations en cause aurait, au sens des dispositions des articles 312 et 312 bis du code des marchés publics, imposé qu'elles soient réalisées par des entreprises déterminées ; que dès lors le recours à cette procédure de conclusion de marchés négociés distincts constitue une méconnaissance volontaire des dispositions du livre III du code des marchés publics relatives aux marchés passés au nom des collectivités locales qui faisaient obligation à la commune de procéder à une mise en concurrence préalable ; que par suite les contrats passés entre la commune et les entreprises requérantes sont nuls et n'ont pu faire naître aucune obligation à la charge de la commune de Draguignan ; que les requérants ne sont en conséquence pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes présentées sur le seul fondement contractuel ; que leur requête doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les demandes des requérants ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'ils sont la partie perdante ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu également de rejeter la demande de la commune ;
Sur le caractère abusif de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R.88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans le cas de requête jugée abusive, son auteur encourt une amende qui ne peut excéder 20 000 francs." ; qu'en l'espèce, la requête présente un caractère abusif ; qu'il y a lieu de condamner les requérants à payer solidairement une amende de 10 000 francs ;
Article 1er : La requête de la société MERX, de la société BERNARD X... SELECTION et de l'entreprise individuelle BERNARD X... CONSULTANTS est rejetée.
Article 2 : La société BERNARD X... SELECTION, la société MERX et l'entreprise individuelle BERNARD X... CONSULTANTS sont solidairement condamnées à payer une amende de 10 000 francs.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 93LY00608
Date de la décision : 23/06/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-05-02,RJ1 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORMATION DES CONTRATS ET MARCHES - MODE DE PASSATION DES CONTRATS - MARCHE NEGOCIE - CONTRATS NE REVETANT PAS CE CARACTERE -Fractionnement entre des entreprises juridiquement distinctes mais appartenant au même groupe pour éviter l'appel à la concurrence - Nullité des contrats (1).

39-02-02-05-02 La commande par marchés négociés de prestations ayant le même objet à trois entreprises juridiquement distinctes mais appartenant au même groupe, constitue sous l'apparence de contrats distincts la réalisation d'une même opération dont le montant global dépasse le seuil au-delà duquel le code des marchés publics prévoit un appel à la concurrence. Ce fractionnement constitue une méconnaissance volontaire du code des marchés publics pour éviter l'appel à la concurrence. Les contrats passés entre la collectivité locale et les entreprises sont nuls et n'ont pu faire naître sur le fondement contractuel, aucune obligation à la charge de la collectivité locale.


Références :

Code des marchés publics 321, 312, 312 bis
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1, R88
Décret 82-8 du 07 janvier 1982
Décret 85-42 du 08 janvier 1985

1.

Rappr. CE, Section, 1982-01-29, Martin, p. 44


Composition du Tribunal
Président : M. Bonifait
Rapporteur ?: M. Fontbonne
Rapporteur public ?: Mme Haelvoet, du g.

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1994-06-23;93ly00608 ?
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