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08/02/2007 | FRANCE | N°06LY01396

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 5ème chambre, 08 février 2007, 06LY01396


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 juin 2006, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 062946 du 21 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé son arrêté du 9 juin 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Senad X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer une a

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Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 30 juin 2006, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 062946 du 21 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé son arrêté du 9 juin 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Senad X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé et de statuer à nouveau sur son droit au séjour ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble par M. X ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2007 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- et les conclusions de M. Raisson, commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...). » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant de la République de Bosnie-Herzégovine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 27 avril 2006, de la décision du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE en date du 24 avril 2006 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire, confirmée le 22 mai 2006 par rejet du recours gracieux ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions, précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, né en 1974, entré en France en janvier 2005, s'est vu refuser l'asile politique par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 juin 2005, confirmée par décision de la commission des recours des réfugiés du 6 mars 2006 ; que, le 25 février 2006, il a épousé à Annecy une compatriote avec laquelle il vivait et à qui l'office français de protection des réfugiés et apatrides a reconnu la qualité de réfugiée le 27 février 2004 ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu notamment des conditions de séjour de l'intéressé, du caractère récent de son mariage, de ce qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, de l'absence de justifications de ce que sa qualité de conjoint de réfugié politique lui ferait courir des risques pour sa vie et sa liberté en cas de retour dans son pays et eu égard, tant aux effets limités d'une décision de reconduite à la frontière, qu'à la faculté dont dispose son épouse de solliciter à son bénéfice le regroupement familial, et aux possibilités dont il dispose lui-même de solliciter un visa de long séjour ou de travailleur étranger, l'arrêté attaqué n'a pas porté au respect dû à la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant ainsi que le PREFET DE HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 21 juin 2006 le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la méconnaissance desdites stipulations pour annuler l'arrêté du 9 juin 2006 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Grenoble et en appel ;

Considérant que l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est par suite suffisamment motivé ;

Considérant qu'à la date à laquelle a été pris l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux, le préfet avait déjà, par décision du 22 mai 2006, notifiée le 9 juin, rejeté le recours gracieux formé le 15 mai 2006 contre sa précédente décision en date du 24 avril 2006 rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. X ; que ce dernier ne peut donc valablement soutenir que la mesure d'éloignement aurait été prise alors que le refus de séjour n'aurait pas été définitif ; que si le libellé de cette deuxième décision est sommaire, sa motivation, tirée du fait que la demande gracieuse ne comportait pas d'éléments de droit ou de fait nouveaux, est dans les circonstances de l'espèce, satisfaisante, et, contrairement à ce que soutient l'intéressé, ne démontre pas que le préfet n'aurait pas, quant au fond, procédé à un examen suffisant des données invoquées ; que, par ailleurs, compte tenu des circonstances déjà indiquées plus haut, et notamment des conditions de séjour de l'intéressé, du caractère récent de son mariage, de ce qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine et de l'absence de justifications de ce que sa qualité de conjoint de réfugié politique lui ferait courir des risques pour sa vie et sa liberté en cas de retour dans son pays, le refus de séjour qui lui a été opposé ne saurait être regardé comme illégal en ce qu'il aurait porté au respect dû à la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux finalités d'un tel refus ;
Considérant que l'intéressé, dont il est constant qu'il ne remplissait pas à l'époque la condition de durée de mariage d'une année pour bénéficier des dispositions du 9ème alinéa de l'article L. 314-11 du CESADA, soutient qu'il ne pourra mener une vie familiale normale en Bosnie-Herzégovine ; que, toutefois, il est constant que des membres de sa famille proche résident encore en Bosnie, pays dont il a la nationalité ; qu'eu égard au caractère très récent de son arrivée en France, comme du mariage qu'il invoque, et en l'absence d'indication sur l'éventuelle durée d'un concubinage antérieur, la mesure d'éloignement reprochée ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie familiale et ne viole ainsi ni, ainsi qu'il a été déjà dit, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du CESADA, ni aucun principe général du droit applicable en l'espèce ;
Considérant, enfin, que M. X n'apporte aucune justification de ce que sa qualité de conjoint de réfugié politique lui ferait courir des risques pour sa vie et sa liberté en cas de retour en Bosnie ; que le moyen qu'il entend tirer, à la fois contre l'arrêté de reconduite et contre la décision fixant la Bosnie comme pays de destination, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit donc être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à demander l'annulation du jugement en date du 21 juin 2006 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière du 9 juin 2006 et la décision du même jour fixant la Bosnie-Herzégovine comme pays de destination et a enjoint de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation, et à demander le rejet de la demande présentée par M. X au Tribunal administratif de Grenoble ;

Considérant que la présente décision n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a donc lieu de rejeter les conclusions présentées en appel par M. X et tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour et de statuer à nouveau sur son droit au séjour dans un délai d'un mois ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme de 1 000 euros que M. X demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble du 21 juin 2006 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées devant la Cour par M. X et tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de statuer à nouveau sur son droit au séjour dans le délai d'un mois sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées devant la Cour par M. X et tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 06LY01396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06LY01396
Date de la décision : 08/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : BLANC MICHELE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2007-02-08;06ly01396 ?
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