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09/12/2010 | FRANCE | N°10LY01030

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 2ème chambre, 09 décembre 2010, 10LY01030


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 5 mai 2010 et régularisée le 10 mai 2010, présentée pour M. Donovan A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001380 du 3 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 31 mars 2010, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du mêm

e jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;
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Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 5 mai 2010 et régularisée le 10 mai 2010, présentée pour M. Donovan A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001380 du 3 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 31 mars 2010, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de procéder à un nouvel examen de sa situation administrative dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 200 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat ( préfet de la Haute-Savoie ) la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Il soutient qu'il n'était pas dans le cas prévu par les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée et entachée d'erreur de fait ; que la décision ordonnant sa reconduite à la frontière a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et entachée d'erreur de fait ; qu'il est en mesure de se prévaloir de la qualité d'apatride et qu'il ne peut donc être renvoyé dans aucun pays ; que la décision fixant le pays de destination a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 1er juin 2010 accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations ;

Vu la note en délibéré, enregistrée par télécopie le 25 novembre 2010 et régularisée le 29 novembre 2010, présentée pour M. A, qui n'a pas été communiquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :

- le rapport de M. Chanel, président ;

- les observations de Me Revol substituant Me Le Ber, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Revol ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 : 1. Les Etats membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux (...). La demande d'asile est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : 1. Le processus de détermination de l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu'une demande d'asile est introduite pour la première fois auprès d'un Etat membre (...) ; qu'aux termes de l'article 16 du même règlement : 1. L'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de : / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 17 à 19, le demandeur d'asile qui a introduit une demande dans un autre Etat membre ; (...) ; qu'aux termes de l'article 17 dudit règlement : 1. L'Etat membre auprès duquel une demande d'asile a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l'introduction de la demande d'asile (... ) ; qu'aux termes de l'article 19 du règlement du 18 février 2003 susmentionné : (...) 3. Le transfert du demandeur de l'Etat membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national du premier Etat membre, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge. (...) Si nécessaire, le demandeur d'asile est muni par l'Etat membre requérant d'un laissez-passer conforme au modèle adopté selon la procédure visée à l'article 27, paragraphe 2. (...) ; qu'enfin, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant que M. A, qui n'a produit aucun document administratif confirmant son identité et sa nationalité, déclare se nommer Donovan A, être né le 31 décembre 1988 en Yougoslavie, être de nationalité bosniaque et être entré en France irrégulièrement en 2002 ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a adressé au cours de l'année 2008 aux services de la préfecture de Saône-et-Loire, d'une part, une demande d'asile, qui n'a pas été enregistrée à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, d'autre part, une demande de titre de séjour liée à la naissance de son enfant, sans que le fondement juridique de celle-ci fût précisé ; que ces demandes n'ont pu faire l'objet d'une instruction complète, l'intéressé étant en prison à compter du 9 mai 2008 et ne s'étant pas présenté aux services de la préfecture en vue de compléter ses demandes après sa sortie de prison le 28 janvier 2009 ; que M. A s'est ensuite rendu en Italie puis en Suisse où il a sollicité l'asile ; qu'en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 précitées, l'intéressé, muni d'un laissez-passer, a été repris en charge par les autorités françaises, à la demande des autorités suisses, le 31 mars 2010 ; qu'il ressort de deux courriers du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, en date des 21 janvier et 25 mars 2010, adressés aux autorités suisses, que M. A, après sa remise aux autorités françaises au poste frontalier de Bardonnex le 31 mars 2010, aurait dû se présenter à la préfecture de Saône-et-Loire en vue de l'examen de son dossier de demande d'asile ; que le préfet de la Haute-Savoie ne pouvait donc pas, le 31 mars 2010, sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de l'intéressé au motif qu'il serait entré irrégulièrement en France en provenance de Suisse ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 31 mars 2010 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de reconduite à la frontière ;

Sur l'injonction demandée :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. et qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue. ;

Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, compétent dès lors que M. A habite dans ce département à la date de la présente décision, de munir celui-ci d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, en vue du réexamen de sa situation administrative dans un délai de 2 mois ; que le document provisoire de séjour remis à l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile n'autorise pas son titulaire à travailler ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative une somme quelconque au profit de M. A ou même de son conseil ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1001380 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble du 3 avril 2010 et les décisions du préfet de la Haute-Savoie en date du 31 mars 2010 décidant la reconduite à la frontière de M. A et fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Saône-et-Loire de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, en vue du réexamen de sa situation administrative dans un délai de 2 mois.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au préfet de Saône-et-Loire.

Lu en audience publique, le 9 décembre 2010.

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N° 10LY01030

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY01030
Date de la décision : 09/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : LE BER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-09;10ly01030 ?
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