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09/12/2010 | FRANCE | N°10LY01079

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 2ème chambre, 09 décembre 2010, 10LY01079


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 mai 2010 et régularisée le 11 mai 2010, présentée pour Mlle Djamila A, domiciliée chez M. Chetouane et Mme Djani 4 rue Emile Romanet à Saint Clair du Rhône (38370) ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002236 du 9 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2010, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la fr

ontière, et des décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de l...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 mai 2010 et régularisée le 11 mai 2010, présentée pour Mlle Djamila A, domiciliée chez M. Chetouane et Mme Djani 4 rue Emile Romanet à Saint Clair du Rhône (38370) ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002236 du 9 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2010, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière, et des décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale et l'autorisant à travailler, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'examiner à nouveau sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 965,64 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale lorsqu'il a décidé sa reconduite à la frontière et n'a pas suffisamment motivé sa décision ; que cette dernière décision n'a pas de base légale dès lors que le préfet n'a pas justifié qu'elle se trouvait dans le cas, prévu au 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où il pouvait décider sa reconduite à la frontière ; qu'elle avait droit à un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de celles du 5° de l'article 6 du même texte ; que la décision de reconduite à la frontière est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale et a violé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la mesure de reconduite à la frontière sur laquelle elle se fonde ; que la décision ordonnant son placement en rétention administrative est illégale du fait de l'illégalité de la mesure de reconduite à la frontière sur laquelle elle se fonde ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 juillet 2010, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de Mlle A est suffisamment motivé et a été pris après un examen particulier et circonstancié de la situation personnelle et familiale de l'intéressée ; que la requérante a sollicité le bénéfice de l'asile territorial le 16 mai 2002, postérieurement à l'expiration de la validité de son visa, et se trouvait alors dans le cas, prévu au 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où il pouvait décider sa reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de ce que Mlle A avait droit à un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, présenté pour la première fois en appel, est irrecevable ; que l'intéressée n'a pas présenté de demande de titre sur le fondement des stipulations précitées et ne remplissait pas les conditions de délivrance de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement des mêmes stipulations ; que Mlle A n'a pas présenté de demande de titre sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et ne justifie pas que la décision de reconduite à la frontière prise à son encontre a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; que cette mesure d'éloignement n'a donc pas violé les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision de reconduite à la frontière n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la vie privée et familiale de la requérante ; que la décision de reconduite à la frontière n'étant pas illégale, Mlle A n'est pas fondée à invoquer l'exception d'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ; que la décision de reconduite à la frontière et celle fixant le pays de renvoi n'étant pas illégales, la requérante n'est pas fondée à invoquer l'exception d'illégalité de ces décisions à l'encontre de la décision ordonnant son placement en rétention administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :

- le rapport de M. Chanel, président ;

- les observations de Me Praliaud, avocat de Mlle A ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Praliaud ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière du 7 avril 2010 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, d'une part, que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lequel il se fonde, est suffisamment motivé ;

Considérant, d'autre part, que, contrairement aux affirmations de Mlle A, il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale, notamment au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2º Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France le 12 avril 2002, sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 29 avril 2002 ; que si, le 16 mai 2002, elle a rempli un questionnaire relatif à une demande d'asile territorial, produit par le préfet du Rhône, elle s'était maintenue irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 7 avril 2010, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, née le 14 mai 1977, a rejoint en France son père, de nationalité française, ainsi que sa mère, titulaire d'un certificat de résidence algérien d'une durée de validité de dix ans ; que si elle soutient qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins en Algérie et qu'elle est à la charge de ses parents, elle ne produit aucun document ou élément permettant d'apprécier si elle dispose de ressources insuffisantes pour subvenir à ses besoins dans son pays d'origine et si ses parents ont des ressources suffisantes pour la prendre en charge, alors qu' elle a affirmé au cours de son audition par les services de police le 6 avril 2010 qu'elle travaillait sans être déclarée ; que, par suite, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les stipulations précitées du b) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien susvisé en décidant sa reconduite à la frontière ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si Mlle A fait valoir qu'elle séjourne depuis huit années en France où résident ses parents, deux de ses soeurs dont l'une est française et l'autre en séjour régulier, ainsi que leurs enfants de nationalité française, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est âgée de 33 ans, célibataire et sans enfant, et a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 24 ans, que sa troisième soeur fait l'objet d'une mesure d'éloignement du même jour à destination de l'Algérie où résident notamment deux frères de la requérante ; que si elle fait valoir qu'elle s'occupe de ses parents âgés de 72 et 69 ans chez qui elle vit, elle n'établit pas que leur état de santé nécessiterait sa présence auprès d'eux ni que ses soeurs aînées, domiciliées dans le Nord de la France, ne pourraient pas, le cas échéant, les recueillir ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de l'intéressée, qui s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire en dépit des décisions prises à son encontre, la décision de reconduite à la frontière du 7 avril 2010 n'a pas porté au droit de Mlle A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il en résulte que le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations susvisées, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de la requérante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que s'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2010 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi du 7 avril 2010 :

Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision fixant le pays de renvoi de la requérante serait illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de reconduite à la frontière sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant qu'il s'ensuit que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2010 fixant le pays de destination de la reconduite ;

Sur la légalité de la décision ordonnant le placement en rétention administrative du 7 avril 2010 :

Considérant que compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision ordonnant le placement en rétention administrative de la requérante serait illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de reconduite à la frontière sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant qu'il s'ensuit que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2010 ordonnant son placement en rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requérante aux fins d'injonction et aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mlle Djamila A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Djamila A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Lu en audience publique, le 9 décembre 2010.

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N° 10LY01079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY01079
Date de la décision : 09/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : UROZ PRALIAUD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-09;10ly01079 ?
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