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16/05/2013 | FRANCE | N°12LY01368

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 16 mai 2013, 12LY01368


Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2012, présentée pour la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay, dont le siège est 16 place de la Libération au Puy-en-Velay (43 000), représentée par son président ; la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901702-0901872 du 29 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à verser à la société Somival la somme de 21 232, 60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2009 ;

2°) de rejeter la demande de la soci

été Somival, de la décharger des sommes qui lui ont été réclamées et d'établir le déc...

Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2012, présentée pour la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay, dont le siège est 16 place de la Libération au Puy-en-Velay (43 000), représentée par son président ; la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901702-0901872 du 29 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à verser à la société Somival la somme de 21 232, 60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2009 ;

2°) de rejeter la demande de la société Somival, de la décharger des sommes qui lui ont été réclamées et d'établir le décompte général définitif ;

3°) de mettre à la charge de la société Somival la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas répondu aux moyens mettant en cause la validité des stipulations de l'article 11.3 de la convention de mandat de maîtrise d'ouvrage, en méconnaissance des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant application de cette clause alors qu'elle est affectée d'un vice d'une particulière gravité, car elle élude l'application des règles du code des marchés publics qui renvoient au cahier des clauses administratives générales, s'agissant des indemnités de résiliation et des règles de publicité et de mise en concurrence et méconnaît le principe d'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités ;

- elle n'était susceptible d'être condamnée à indemniser que le préjudice réellement subi par la société Somival ; à supposer même la clause en litige applicable, les premiers juges auraient dû apprécier la réalité du préjudice invoqué par la société Somival et vérifier qu'il n'existait pas de disproportion manifeste entre l'indemnité conventionnelle et le montant du préjudice effectivement subi ; le préjudice effectif n'est pas établi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2012, présenté pour la société Somival ; la société Somival conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué répond au moyen contestant la disproportion de l'indemnisation prévue par la clause conventionnelle ;

- la communauté d'agglomération, qui a toujours indiqué dans ses écritures qu'elle ne contestait pas tout droit à indemnisation de son cocontractant, ne peut revenir sur ce point ;

- la collectivité ne peut contester l'application de l'article 11-3 de la convention de mandat, qu'elle a librement signée, sauf à commettre un abus de droit ; l'illicéité de la convention n'est pas démontrée, aucun vice du consentement n'est établi, ni même invoqué ; il n'existe pas de disproportion entre l'indemnisation résultant de l'application de cette clause et le droit à indemnisation traditionnellement admis en cas de résiliation pour motif d'intérêt général ;

- la résiliation l'a privée de la partie la plus importante du gain qu'elle espérait réaliser ; l'indemnisation résultant de la clause en litige représente 17% du montant des prestations restant à facturer, ce qui correspond à une marge qui n'est pas excessive ; des modalités identiques étaient prévues au bénéfice de la collectivité ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 26 octobre 2012, présenté pour la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre :

- que les conditions dans lesquelles a été conclue la convention de mandat sont contraires à tous les principes de passation des marchés, puisqu'elle a échappé à toutes les règles de publicité et de mise en concurrence prescrites tant par le droit communautaire que par le droit interne ;

- que, compte tenu des sommes déjà perçues par la société Somival, celle-ci percevrait 60% de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir si le contrat avait été totalement exécuté, alors qu'elle n'a accompli qu'une faible partie des missions à réaliser ;

- qu'au regard des conditions très particulières dans lesquelles a été passée la convention litigieuse, elle s'est vue imposer, alors qu'elle ne disposait d'aucune cellule juridique, des clauses non librement consenties, à son détriment ;

Vu l'ordonnance en date du 26 mars 2013 fixant la clôture de l'instruction au 12 avril 2013 ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 avril 2013, présenté pour la société Somival, non communiqué, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que la collectivité ne peut utilement se prévaloir de l'irrégularité des conditions de passation du contrat, qui bénéficie de la validation législative résultant de l'article 77 de la loi n° 2003-590 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des marchés publics ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 avril 2013:

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public,

- les observations de Me B...C..., représentant la société Somival ;

1. Considérant que la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay a conclu le 26 février 2003 avec la société Somival, une convention de mandat de maîtrise d'ouvrage pour une opération de rénovation et d'extension d'un centre de formation d'apprentis à Bains ; que ce contrat a fait l'objet d'un avenant le 13 octobre 2003 ; que le président de la communauté d'agglomération a résilié ce contrat par courrier du 22 janvier 2009 ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay à verser à la société Somival la somme de 21 632,60 euros, au titre du solde du marché ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges ont indiqué que l'indemnité de résiliation fixée contractuellement était justifiée et qu'elle n'était pas manifestement disproportionnée par rapport au préjudice subi par la société Somival ; qu'ils ont précisé en outre que cette indemnisation correspondait à un taux de marge de 17 %, non utilement contesté par la collectivité et que la circonstance que ce taux diffère de ce que prévoit le cahier des clauses administratives générales relatif aux prestations intellectuelles (CCAG-PI) ne permettait pas d'établir une disproportion manifeste ; qu'au regard des moyens de défense développés par la communauté d'agglomération, qui ne soulevait expressément en première instance aucun moyen mettant en cause la régularité de la convention à un autre titre qu'en ce qui concerne le caractère excessif de l'indemnité de résiliation, le jugement est suffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, d'une part, que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ;

4. Considérant que la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay fait valoir, pour la première fois en appel, que le contrat de mandat de maîtrise d'ouvrage est irrégulier car il a été passé sous l'empire du code des marchés publics de 2001, aux termes d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence prescrites notamment par le droit communautaire ; que, cependant, compte tenu des circonstances dans lesquelles cette irrégularité a été commise, et alors qu'il résulte de l'instruction qu'il y a eu une mise en concurrence entre quatre candidats, ce vice ne faisait pas obstacle à ce que le litige soit réglé sur le fondement du contrat ; que, de même, la seule circonstance que la communauté d'agglomération ne disposait pas, à la date de la conclusion de la convention, d'une cellule juridique, ne permet pas d'établir que son consentement aurait été vicié ;

5. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, une personne publique peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier un contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant ; que l'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour l'attributaire, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé ;

6. Considérant que l'article 11.31 de la convention de mandat stipule qu'en cas de rupture à l'initiative du maître de l'ouvrage, le cocontractant a droit, lorsque la résiliation intervient avant la remise du projet, à 10 % de la rémunération de mandat fixée à l'article 6 ; que cette rémunération totale a été fixée, par l'avenant conclu le 17 octobre 2003, à 319 220 euros hors taxe ; qu'il résulte de ces stipulations que l'indemnité de résiliation a vocation à s'ajouter à la rémunération déjà versée selon l'échéancier prévu par le contrat ;

7. Considérant que le contrat pouvait légalement déroger au cahier administratif des clauses générales applicables aux prestations intellectuelles (CCAG-PI) ; qu'il est constant que la résiliation ne découle pas d'une faute de la société Somival mais est motivée par des considérations d'intérêt général ; que l'indemnité de résiliation résultant de l'application de la convention équivaut à 17% du montant des rémunérations qui restaient à percevoir par la société Somival si son mandat n'avait pas été résilié ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce montant de 31 922 euros, alors même qu'il est supérieur à celui qui aurait résulté de l'application du CCAG-PI, serait manifestement disproportionné par rapport à son préjudice, tenant à la perte de son manque à gagner, dont la collectivité ne démontre pas qu'il serait négligeable compte tenu des sommes déjà versées au regard des missions précédemment exécutées ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que la société Somival avait droit à une indemnité de résiliation de 31 922 euros et condamné la collectivité à lui verser une somme de 21 232,60 euros au titre du solde du marché ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay doivent être rejetées ; que, d'autre part, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par la société Somival et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 12LY01368 de la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay est rejetée.

Article 2 : La communauté d'agglomération du Puy-en-Velay versera à la société Somival une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Puy-en-Velay, à la société Somival et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2013, où siégeaient :

- M. du Besset, président de chambre,

- M. A...et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 16 mai 2013.

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N° 12LY01368

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01368
Date de la décision : 16/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation. Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : DEVES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-05-16;12ly01368 ?
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