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30/05/2013 | FRANCE | N°12LY02929

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 30 mai 2013, 12LY02929


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 29 novembre 2012 et régularisée le 5 décembre 2012, présentée par le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206863, du 30 octobre 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 2 août 2012 obligeant Mme B...A...à quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office, ainsi que sa décision du 26 octobre 2012 assignant à résidence l'in

téressée, et a mis à sa charge la somme de 800 euros à verser au conseil de Mme A... au t...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 29 novembre 2012 et régularisée le 5 décembre 2012, présentée par le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206863, du 30 octobre 2012, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 2 août 2012 obligeant Mme B...A...à quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office, ainsi que sa décision du 26 octobre 2012 assignant à résidence l'intéressée, et a mis à sa charge la somme de 800 euros à verser au conseil de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif ;

Il soutient que MmeA..., qui était présente en France depuis deux mois et demi à la date de l'obligation de quitter le territoire français en litige, multipliait les séjours en France, après avoir bénéficié de l'aide au retour en 2008, ne justifiait ni d'une activité professionnelle ni de ressources, vivait de mendicité, bénéficiait du dispositif d'hébergement social d'urgence ainsi que de l'aide médicale d'Etat, d'un suivi social et de prestations sociales versées mensuellement par le Conseil Général à hauteur de 150 euros environ, tandis que son époux, reconnu travailleur handicapé, avait sollicité le bénéfice de l'allocation adulte handicapé ; qu'elle pouvait donc légalement être regardée comme multipliant des séjours de moins de trois mois sur le territoire français, sans remplir les conditions requises pour un séjour plus long, dans le but de bénéficier du système français d'assistance sociale et de soins et constituant une charge déraisonnable pour la collectivité nationale ; que sa situation était donc bien constitutive d'un abus de droit justifiant l'application des dispositions du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 29 avril 2013, présenté pour Mme B...A..., domiciliée... ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Rhône ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que le préfet du Rhône ne démontre pas qu'elle multiplie les séjours en France de moins de trois mois ; qu'il n'est notamment pas établi que les précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre aient été exécutées ; qu'à la date de la mesure d'éloignement en litige, elle séjournait sur le territoire français depuis le 9 octobre 2011 ; que son époux exerçait l'activité de colporteur de presse pour un revenu mensuel moyen d'environ 400 euros ; que le préfet du Rhône ne prouve pas qu'elle ait perçu des prestations sociales ou utilisé de façon intentionnellement abusive le système d'assistance sociale ; que la circonstance qu'elle ait bénéficié de l'aide au retour volontaire, en 2008, est sans incidence sur sa liberté de circulation dans l'Union européenne ; que le préfet du Rhône établit d'autant moins l'existence d'un abus de droit qu'un séjour en France inférieur à trois mois n'ouvre pas droit au bénéfice de prestations d'assistance sociale et alors que ni l'hébergement d'urgence, qui ne présente aucun caractère de pérennité et qui relève de l'aide sociale, ni l'aide versée par le Conseil Général, n'entrent dans le champ d'application de l'assistance sociale au sens de la directive 2004/38/CE et que son époux, faute de disposer d'une autorisation de séjour, n'a pu percevoir l'allocation adulte handicapé ; qu'ainsi, elle ne saurait être regardée comme constituant une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français ;

Vu la décision du 7 mai 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Petit, avocat de MmeA... ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, les citoyens de l'Union européenne, les ressortissants d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de leur famille tels que définis aux 4° et 5° de l'article L. 121-1, ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français." et qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale ; (...) " ;

2. Considérant que, pour annuler l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de MmeA..., le 2 août 2012, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé qu'il n'était démontré, ni que le séjour en France de l'intéressée était inférieur à trois mois à la date de cette mesure d'éloignement, ni qu'il était constitutif d'un abus de droit au sens des dispositions du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la fiche d'examen de situation au regard du droit au séjour établie le 27 juillet 2012 par les services de police, et signée par MmeA..., en présence d'un interprète, que MmeA..., ressortissante roumaine née le 9 mai 1986, a alors affirmé être entrée en France pour la dernière fois deux mois et demi auparavant ; que si elle bénéficiait d'un hébergement social d'urgence avec son époux et leur enfant depuis le 3 février 2012, cette seule circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu'elle ait séjourné en Roumanie durant cette période ; que, par suite, à la date de l'obligation de quitter le territoire français en litige, le préfet du Rhône a pu regarder Mme A... comme séjournant en France depuis moins de trois mois, sans commettre d'erreur de fait ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des mentions de l'arrêté en litige que le préfet du Rhône motive l'application à l'encontre de Mme A...des dispositions du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la circonstance que l'intéressée renouvelle des séjours de moins de trois mois en France sans justifier des conditions requises pour un séjour de plus de trois mois ; que, toutefois, la seule circonstance que Mme A...ait affirmé, le 27 juillet 2012, qu'elle souhaitait " faire un aller-retour en Roumanie mais pas en même temps que son mari pour ne pas perdre la chambre " et qu'elle ait déclaré, le 26 octobre 2012, soit postérieurement à la mesure d'éloignement en litige, être repartie en Roumanie le 24 août 2012, avant de revenir en France le 31 août 2012, ne permet pas de la regarder comme renouvelant en France des séjours de moins de trois mois, en l'absence de pièce ou déclaration confirmant l'existence de plusieurs allers-retours de l'intéressée entre la France et la Roumanie antérieurement au 2 août 2012 et alors que si elle a fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français, les 1er octobre 2008 et 25 septembre 2009, et a bénéficié de l'aide au retour volontaire lors de la première mesure d'éloignement, ces décisions de retour sont toutes deux motivées par la circonstance que Mme A...ne justifiait pas d'une présence en France inférieure à trois mois ; que, par suite, le préfet du Rhône ne pouvait pas légalement faire obligation à Mme A...de quitter le territoire français sur le fondement du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'elle commettait un abus de droit en renouvelant des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois n'étaient pas remplies ;

5. Considérant, toutefois, que les dispositions du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que constitue également un abus de droit le fait pour un ressortissant de l'Union européenne de séjourner en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale, motif que le préfet du Rhône a aussi entendu opposer à Mme A...ainsi que cela ressort des mentions de l'arrêté et de la requête d'appel régulièrement communiquée à MmeA... ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir sollicité un hébergement social d'urgence dès le mois d'octobre 2011, MmeA..., son époux et leur enfant mineur bénéficiaient, depuis au moins six mois à la date de l'arrêté en litige, d'un hébergement social d'urgence pour un coût journalier évalué par le préfet entre 20 € et 34 € par personne, selon les différents établissements ayant successivement accueilli les intéressés depuis le 3 février 2012 ; que, contrairement à ce qui est allégué par Mme A..., en bénéficiant d'un hébergement social d'urgence, l'intéressée doit être regardée comme ayant recours au système d'assistance sociale au sens de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui a transposé les dispositions de la directive 2004/38/CE susvisée ; que, par ailleurs, il ressort des mentions figurant sur la fiche d'examen de situation au regard du droit au séjour établie le 27 juillet 2012 et signée par MmeA..., que cette dernière a alors déclaré qu'elle souhaitait " faire un aller-retour en Roumanie mais pas en même temps que son mari pour ne pas perdre la chambre " ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, à la date de l'arrêté en litige, Mme A...était d'ores et déjà devenue une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale et avait effectivement recours à cette assistance dans des conditions telles que son séjour en France pouvait être regardé comme effectué dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale français et donc comme constitutif, pour ce motif, d'un abus de droit au sens du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour défaut de base légale, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de MmeA... ;

6. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par MmeA..., tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et en particulier de la fiche " d'examen de situation au regard du droit au séjour " établie le 27 juillet 2012, qui relève notamment que MmeA..., ressortissante roumaine, née le 9 mai 1986, est présente en France depuis deux mois et demi, séjourne à l'hôtel Henri IV avec son époux et leur enfant mineur, vit de mendicité et bénéficie de la couverture médicale universelle et est également mère d'un autre enfant mineur résidant en Roumanie auprès de ses grands-parents, ainsi que des mentions de l'arrêté en litige, qui reprend, entre autres, les éléments précités, que le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A...avant de lui faire obligation de quitter le territoire français ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, en prévoyant que ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, y compris à l'encontre d'un ressortissant communautaire qui n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

9. Considérant, en troisième lieu, que, lorsqu'il oblige un ressortissant communautaire à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision défavorable est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a été entendue par les services de police, le 27 juillet 2012, en particulier en ce qui concerne, son âge, sa nationalité, sa situation de famille, ses attaches avec son pays d'origine, sa date d'entrée en France et ses conditions de ressources ; qu'il résulte de ce qui précède que MmeA..., qui avait par ailleurs déjà fait l'objet de deux précédentes obligations de quitter le territoire français, en 2008 et 2009, doit être regardée, d'une part, comme n'ignorant pas que son maintien en France ne reposait pas sur un droit au séjour reconnu et insusceptible d'être remis en cause par l'édiction d'une décision de retour et, d'autre part, comme ayant eu la possibilité, lors de cet entretien du 27 juillet 2012, de faire valoir tout élément utile susceptible d'influer sur la reconnaissance d'un droit au séjour en France ainsi que sur la prise à son encontre d'une mesure d'éloignement et sur ses modalités d'exécution ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que MmeA..., qui se borne à soutenir que son droit d'être entendue a été méconnu, sans autre précision, disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle, qu'elle a été empêchée de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français, alors que cette mesure d'éloignement a été prise six jours après cet entretien et qu'elle aurait pu, durant ce laps de temps, formuler d'éventuelles observations complémentaires, écrites ou orales, auprès des services préfectoraux ; que, par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A...ait été privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union européenne ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi qu'il a déjà été dit, que le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur de fait en estimant que Mme A...séjournait en France depuis moins de trois mois à la date de la mesure d'éloignement en litige ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que, pour les motifs précédemment énoncés, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'est pas entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du 2° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

13. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'époux de MmeA..., de même nationalité qu'elle, ne disposait pas d'un droit au séjour sur le territoire français ; que tous deux avaient déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement et se trouvaient en situation de grande précarité en France, où ils bénéficiaient d'un hébergement social d'urgence, où Mme A... pratiquait la mendicité, n'établissait pas que son époux, titulaire d'un contrat de vendeur colporteur du journal " sans abri ", tirait des ressources suffisantes de cette activité, et où le couple ne justifiait donc pas d'une quelconque insertion sociale ou professionnelle, alors que Mme A...disposait d'attaches familiales proches en Roumanie, où résidait notamment l'un de ses enfants mineurs âgé de neuf ans, confié à ses grands-parents ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme A...en France, et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision en litige n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

15. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " et qu'aux termes de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. / 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. " ;

16. Considérant que si Mme A...séjournait en France avec son époux et l'un de leurs deux enfants mineurs, né en 2005, pour lequel il est produit deux certificats de scolarité, établis respectivement les 19 septembre 2011 et 6 septembre 2012, rien ne faisait obstacle à ce que l'enfant accompagnât ses parents en Roumanie, pays dont tous trois avaient la nationalité, où il pouvait retrouver son frère âgé de neuf ans et où il n'est pas établi qu'il n'était pas en mesure de poursuivre sa scolarité ; que, par suite, en faisant obligation de quitter le territoire français à MmeA..., le 2 août 2012, le préfet du Rhône n'a pas porté à l'intérêt supérieur de son enfant séjournant en France une atteinte contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant ou aux dispositions de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

17. Considérant, en huitième lieu, que, pour les motifs énoncés ci-avant, l'obligation de quitter le territoire français en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de MmeA... ;

18. Considérant, en neuvième lieu, que Mme A...ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant qui crée seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits à leurs ressortissants ;

Sur la décision désignant le pays de renvoi :

19. Considérant qu'il résulte de l'examen ci-avant de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office ;

Sur la décision d'assignation à résidence :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " et qu'aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ;

21. Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme A...a exécuté volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, le 2 août 2012, en se rendant en Roumanie, le 24 août 2012, avant de revenir sur le territoire français, le 31 du même mois ; qu'ainsi, le 26 octobre 2012, date à laquelle le préfet du Rhône l'a assignée à résidence en vue de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français susmentionnée, cette mesure d'éloignement, qui avait été exécutée, avait cessé de produire ses effets et n'était plus susceptible de servir de base légale à cette mesure d'assignation à résidence ; que, par suite, la décision d'assignation à résidence prononcée le 26 octobre 2012 est dépourvue de base légale et doit être annulée ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, des mesures d'astreinte décidées par le préfet du Rhône durant cette assignation ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 2 août 2012 obligeant Mme B...A...à quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office et a mis à sa charge la somme de 800 euros à verser au conseil de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de Mme A...tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au profit du conseil de MmeA..., quelque somme que ce soit, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au titre des frais exposés devant la Cour et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1206863, rendu le 30 octobre 2012, par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a annulé les décisions du 2 août 2012 par lesquelles le préfet du Rhône a obligé Mme B...A...à quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser au conseil de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A...devant le Tribunal administratif et tendant à l'annulation des décisions du 2 août 2012 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligée à quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office ainsi que celles présentées, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour, et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le surplus de la requête du préfet du Rhône est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Rhône, à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2013 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Moutte, président de chambre,

M. Bézard, président.

Lu en audience publique, le 30 mai 2013,

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N° 12LY002929


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02929
Date de la décision : 30/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-01 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-05-30;12ly02929 ?
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