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15/05/2014 | FRANCE | N°13LY02546

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 15 mai 2014, 13LY02546


Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2013, présentée par le préfet de la Savoie qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon n° 1306070 du 29 août 2013 en tant qu'il a annulé ses décisions du 26 août 2013 par lesquelles il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à Mme A... B... et a prescrit son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter les conclusions susmentionnées de la demande de Mme B...devant le tribunal administratif ;

Il soutient que Mme B

...a été interpellée alors qu'elle était dépourvue de tout document de voyage, qu'elle ...

Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2013, présentée par le préfet de la Savoie qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon n° 1306070 du 29 août 2013 en tant qu'il a annulé ses décisions du 26 août 2013 par lesquelles il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à Mme A... B... et a prescrit son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter les conclusions susmentionnées de la demande de Mme B...devant le tribunal administratif ;

Il soutient que Mme B...a été interpellée alors qu'elle était dépourvue de tout document de voyage, qu'elle ne justifie d'aucune résidence effective sur le territoire français et qu'elle a déclaré ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine ; qu'elle ne justifiait d'aucune circonstance particulière au sens des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, c'est à tort que le premier juge a annulé la décision refusant à Mme B...l'octroi d'un délai de départ volontaire ; que, pour les mêmes motifs, Mme B...ne pouvait être regardée comme justifiant de garanties de représentation suffisantes ; que, par suite, c'est à tort que le premier juge a annulé sa décision de placement en rétention administrative de l'intéressée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 décembre 2013, présenté par Mme A...B..., qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation du jugement du 29 août 2013 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 août 2013 lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que sa situation ne permettait pas au préfet de caractériser un risque de soustraction à la mesure d'éloignement ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal a annulé la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et la plaçant en rétention administrative ; que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2014, le rapport de M. Clot, président ;

1. Considérant que Mme B..., de nationalité turque, née le 4 février 1994, a été interpellée le 26 août 2013 par les services de la police aux frontières à Modane (Savoie) alors qu'elle arrivait d'Italie ; que le même jour, le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a ordonné son placement en rétention administrative ; que le préfet fait appel du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon ayant annulé ses décisions refusant d'accorder un délai de départ volontaire à Mme B...et prescrivant son placement en rétention administrative ; que par la voie de l'appel incident, Mme B...demande l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ; que Mme B..., ressortissante turque, entrée irrégulièrement en France le 26 août 2013, se trouvait ainsi, à cette date, dans le cas prévu par ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

4. Considérant que Mme B...a déclaré aux fonctionnaires de police qui l'ont interrogée avoir quitté la Turquie dans l'intention de s'installer chez sa soeur en France, sa mère âgée ne pouvant plus s'occuper d'elle dans son pays d'origine ; qu'elle soutient par ailleurs, sans l'établir, qu'elle subissait des pressions pour contracter un mariage forcé ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, la mesure d'éloignement prise à son encontre n'a pas, eu égard aux buts poursuivis, porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité des décisions refusant un délai de départ volontaire et portant placement en rétention administrative :

5. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) /3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a été interpellée le 26 août 2013 à la sortie du tunnel routier du Fréjus à l'occasion de son entrée en France, à bord d'un véhicule dans lequel se trouvaient sa soeur, le mari de cette dernière et leurs trois enfants ; que Mme B...a déclaré aux agents de police ayant procédé à son audition qu'elle avait quitté la Turquie dans l'intention de s'installer chez sa soeur, titulaire d'un titre de séjour en France valable jusqu'en 2017, qui a attesté avoir l'intention de l'héberger à son domicile à Saint-Priest (Rhône) ; que Mme B...a présenté, dès son interpellation, une carte d'identité turque en cours de validité et ne s'est jamais soustraite à une précédente mesure d'éloignement ; que, dès lors, compte tenu du jeune âge de la requérante et de la présence en France de plusieurs membres de sa famille proche, elle ne représentait pas un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, les décisions du 26 août 2013 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et l'a placée en rétention administrative sont entachées d'excès de pouvoir ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le préfet de la Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 26 août 2013 refusant d'accorder à Mme B...un délai de départ volontaire et la plaçant en rétention administrative ; que, d'autre part, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, ce magistrat a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme B...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Savoie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme B...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Il en sera adressé copie au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

MM. C...etD..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 15 mai 2014.

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N° 13LY02546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02546
Date de la décision : 15/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : HASSID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-15;13ly02546 ?
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