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09/10/2014 | FRANCE | N°14LY01073

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 octobre 2014, 14LY01073


Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2014, présentée pour le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307794 du 13 février 2014 par lequel, sur la demande de M. D...C..., le Tribunal administratif de Lyon :

- a annulé ses décisions du 17 octobre 2013 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai il serait reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité

ou de tout pays où il établirait être légalement admissible ;

- lui a enjoint de déli...

Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2014, présentée pour le préfet du Rhône ;

Le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307794 du 13 février 2014 par lequel, sur la demande de M. D...C..., le Tribunal administratif de Lyon :

- a annulé ses décisions du 17 octobre 2013 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai il serait reconduit d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il établirait être légalement admissible ;

- lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. C...devant le tribunal administratif ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le refus de titre opposé à M. C... méconnaissait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif d'absence de caractère probant des éléments produits, alors que ces éléments faisaient état de ce que la Géorgie disposait de plusieurs médicaments et de structures susceptibles de traiter les pathologies psychiatriques, alors que le demandeur se bornait à produire des pièces médicales faisant uniquement état d'un anxiolytique et d'un antidépresseur ;

- pour le surplus, il s'en remet aux éléments développés en première instance ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juin 2014, présenté pour M. C...qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu l'absence de caractère probant des documents produits par le préfet du Rhône ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet n'a pas produit l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la présence de ses parents en France et à ses attaches privées ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ; cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, et elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;

Vu la décision du 23 juin 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. C...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 22 novembre 2012, dans l'affaire C 277/11 ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 10 septembre 2013, dans l'affaire C 383/13 PPU ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2014 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que M.C..., ressortissant géorgien, qui indique être entré irrégulièrement en France, le 30 juin 2011 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile et dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du 8 octobre 2012 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 juin 2013, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de son état de santé ; que par une décision du 17 octobre 2013, le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, a assorti ce refus d'une décision portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné ; que le préfet du Rhône fait appel du jugement du 13 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé lesdites décisions du 17 octobre 2013 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...)" ; que selon l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé, au vu d'un " rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. (...) " ;

3. Considérant que, si le préfet n'est pas lié par l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé, dont l'avis n'est que consultatif, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments qui l'ont conduit à considérer, nonobstant cet avis médical, que les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des pièces médicales produites par M. C..., que ce dernier, présent en France depuis le mois de juin 2011, fait l'objet d'un suivi, depuis le début de l'année 2013, par un psychiatre et un psychologue, en raison d'un état réactionnel de stress post traumatique avec syndrome dépressif, pour lequel lui est notamment prescrit un traitement médicamenteux comportant un anxiolytique et un antidépresseur ; que, dans son avis, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire ;

5. Considérant que le préfet du Rhône a toutefois produit devant les premiers juges une lettre du médecin conseil de l'ambassade de France en Géorgie du 13 juin 2013, affirmant que " les soins pour les affections psychologiques existent en Géorgie et répondent aux standards internationaux tels qu'ils sont définis par l'OMS ", et mentionnant les établissements spécialisés dans les affections psychiques et psychiatriques dans lesquels les enfants et les adultes pouvaient être traités tant à Tbilissi que dans des établissements régionaux, ainsi qu'une liste de médicaments essentiels disponibles en Géorgie, établie en 2007 par le ministère géorgien du travail, de la santé et des affaires sociales, mentionnant notamment, sous leur appellation internationale, plusieurs antidépresseurs et anxiolytiques ; qu'aucune des pièces produites par M. C..., à savoir un certificat, rédigé le 12 février 2013 par un médecin du centre " Droit éthique de la santé " de l'hôpital Edouard Herriot de Lyon, une attestation, du 3 avril 2013, d'un psychologue d'une association d'aide aux réfugiés ainsi qu'un certificat médical, rédigé le 13 novembre 2013, soit au demeurant à une date postérieure à celle de la décision en litige, par un psychiatre, qui se borne à indiquer qu'à sa connaissance les soins suivis ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, ne réfutent les éléments produits par le préfet établissant l'existence de soins adaptés et d'un réseau de prise en charge en Géorgie pour les affections dont souffre l'intéressé ; que, dès lors, le préfet, qui comme il a été dit précédemment n'est pas lié par l'avis et l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de la santé, n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre en qualité d'étranger malade du fait de l'existence d'un traitement approprié en Géorgie ; que c'est, par suite, à tort que les premiers juges, pour annuler la décision du préfet du Rhône du 17 octobre 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... sur le fondement de ces dispositions et, par voie de conséquence, ses décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, se sont fondés sur le motif tiré d'une méconnaissance desdites dispositions ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;

Sur la légalité de la décision préfectorale portant refus de titre de séjour :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision portant refus de titre en litige a été signée par Mme B...A..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Rhône, qui a reçu délégation, par arrêté du préfet du Rhône, en date du 14 janvier 2013, publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture n° 9 du 15 janvier 2013, à l'effet de signer les actes administratifs établis par sa direction, dont relève l'application de la réglementation relative au séjour et à l'éloignement des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme A...manque en fait ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas contesté que le médecin de l'agence régionale de santé a émis un avis selon lequel l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; que si M. C... fait valoir qu'il appartenait au préfet du Rhône de produire l'avis ainsi émis par ledit médecin, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui imposait de le communiquer de lui-même à l'intéressé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait fondée sur un avis irrégulier du médecin de l'agence régionale de santé doit être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la décision en litige énonce les éléments de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, nonobstant la circonstance qu'elle ne mentionne pas la présence des parents de M. C... sur le territoire français ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. C... ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire sur le fondement desdites dispositions ; que le préfet du Rhône n'était, dès lors, pas tenu de soumettre le cas de M. C... à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

13. Considérant que M. C..., né en Géorgie et d'origine arménienne, soutient qu'il ne peut pas mener une vie privée et familiale normale dans ce pays où il ne dispose plus d'attaches familiales depuis le décès de son frère, alors que ses parents résident en France et étaient titulaires, à la date de la décision en litige, de titres de séjour en cours de validité ou dont ils avaient sollicité le renouvellement, et qu'ils ont été victimes de persécutions graves, du fait de leur appartenance à la communauté arménienne, qu'il est bien intégré au sein de la société française depuis son arrivée ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, M. C..., entré irrégulièrement en France en juin 2011, selon ses déclarations, ne résidait sur le territoire français que depuis un peu plus de deux années ; qu'il n'est pas établi par les pièces produites, et alors au demeurant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA, qu'il serait soumis, en Géorgie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans et où il conserve nécessairement des attaches familiales et privées, à des menaces qui feraient obstacle à ce qu'il puisse y mener une vie privée et familiale normale ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C... ;

Sur la légalité de la décision préfectorale portant obligation de quitter le territoire français :

14. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

15. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être exposé, le préfet du Rhône a refusé le 17 octobre 2013 la délivrance d'un titre de séjour à M. C... ; qu'ainsi, à la date de la décision litigieuse, celui-ci était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

16. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

18. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, que les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

19. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

20. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

21. Considérant que la seule circonstance que le préfet du Rhône, qui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité par M. C... en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé l'intéressé qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder M. C... comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône aurait méconnu le droit de M. C... d'être entendu doit être écarté ;

22. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 13 que M. C... ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

23. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

24. Considérant que, comme il a été dit au point 4, il ressort des pièces du dossier qu'il existe pour M. C... un traitement approprié dans son pays ; que, dès lors, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

25. Considérant, en dernier lieu, qu'il convient d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux précédemment indiqués dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, et tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

26. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 25 que M. C... ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination ;

27. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

28. Considérant que M. C... soutient qu'appartenant à la communauté des membres de l'église arménienne, l'église Norashen, il aurait fait l'objet de persécutions, qu'il aurait été enrôlé de force dans l'armée et que son frère aurait été battu à mort par des mafieux ; que toutefois, l'intéressé, dont au demeurant la demande d'asile a été rejetée, ainsi qu'il a été dit, ne démontre pas, par des documents probants, la réalité des persécutions dont il prétend avoir été victime en Géorgie, où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait bénéficier d'un suivi psychologique adapté à son état de santé ; que, dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en désignant la Géorgie comme pays à destination duquel il serait reconduit, le préfet du Rhône a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales ;

29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 17 octobre 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. C..., portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. C... aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1307794 du 13 février 2014 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Lyon et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... C.... Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2014.

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N° 14LY01073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01073
Date de la décision : 09/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : CLAISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-10-09;14ly01073 ?
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