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06/01/2015 | FRANCE | N°13LY02137

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 06 janvier 2015, 13LY02137


Vu la requête, enregistrée le 5 août 2013, présentée pour M. A... C..., domicilié... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202825 du 28 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 12 septembre 2012 par laquelle le ministre de la défense l'a placé en retrait d'emploi par mesure disciplinaire pour une durée de douze mois ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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l soutient que :

- l'enquête de commandement, si elle n'est pas soumise au principe du ...

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2013, présentée pour M. A... C..., domicilié... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202825 du 28 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 12 septembre 2012 par laquelle le ministre de la défense l'a placé en retrait d'emploi par mesure disciplinaire pour une durée de douze mois ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- l'enquête de commandement, si elle n'est pas soumise au principe du contradictoire, doit respecter les droits de la défense, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, l'enquête de commandement constitue un élément de la procédure disciplinaire, dès lors que c'est sur la base du rapport établi à l'issue de cette enquête qu'a été initiée cette procédure ;

- l'enquête de commandement sur laquelle est fondée la sanction a été conduite dans des conditions irrégulières, son logement ayant été visité hors de sa présence et sans qu'il en soit préalablement avisé, en méconnaissance des prescriptions de la circulaire 11000 du 5 mai 1982 ; l'enquête ne précise pas l'identité des personnes auprès de qui les renseignements qui ont abouti à l'ouverture d'une enquête ont été pris, non plus que le mode opératoire au terme duquel ces renseignements ont été recueillis ;

- l'autorité qui a initié la procédure disciplinaire, qui n'était pas son supérieur hiérarchique, n'était pas compétente, au regard de l'article R. 4137-13 du code de la défense et de l'instruction ministérielle n° 200690 du 30 mai 2006 ;

- la composition du conseil d'enquête ne garantissait pas son impartialité ;

- la retranscription de la séance n'a pas été versée aux débats alors que les questions qu'il a posées audit conseil sont restées sans réponse ; le principe du contradictoire n'a pas été respecté lors de ce conseil ;

- il n'a reçu communication de son dossier individuel complet qu'après la fixation de la date initiale de son audition téléphonique par le commandant de la gendarmerie de la Guadeloupe, prévue le 12 janvier 2012 et qui s'est déroulée le 3 février 2012 ; dans l'intervalle, lui a été notifié, le 1er février 2012, un projet de mutation d'office dans l'intérêt du service avec changement de branche, découlant de la procédure disciplinaire dont il faisait l'objet ; la décision a été prise avant qu'il n'ait fait valoir ses observations dans le cadre de son dossier disciplinaire, en méconnaissance de la procédure et des droits de la défense ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2013, présenté par le ministre de la défense, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'enquête de commandement ne constituait pas un élément de la procédure disciplinaire ; les moyens tirés de l'irrégularité de cette enquête sont, dès lors, inopérants ; en tout état de cause, M. C...a pu faire valoir ses observations écrites et orales au cours de l'enquête ;

- le commandant de la section de recherche de Pointe-à-Pitre, supérieur hiérarchique de M.C..., était compétent pour demander le prononcé d'une sanction disciplinaire à son encontre ;

- la circonstance que les membres du conseil d'enquête aient été des subordonnés du commandant de la gendarmerie de Guadeloupe n'est pas de nature à faire naître un doute sur leur impartialité ; il ne ressort pas du dossier que l'officier-rapporteur aurait fait preuve de partialité à l'égard de M.C... ;

- les droits de la défense n'ont pas été méconnus : M. C...a pris connaissance de son dossier disciplinaire le 20 janvier 2012, a été reçu par l'autorité militaire de premier niveau le 3 février 2012, a été informé qu'il pouvait produire des observations écrites et a été entendu le 20 juin 2012 par l'officier-rapporteur ;

- M. C...a manqué aux obligations qui s'imposaient à lui en qualité de militaire officier de police judiciaire, en application des dispositions de l'article L. 4111-1 du code de la défense ;

Vu l'ordonnance en date du 4 novembre 2014 fixant la clôture d'instruction au 21 novembre 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense ;

Vu l'arrêté du 27 août 2010 portant création d'antennes et de détachements de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;

1. Considérant que M.C..., adjudant de la gendarmerie nationale, a été détaché auprès de l'office central de répression du trafic illicite de stupéfiants de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin à compter du 1er octobre 2009 ; qu'à la suite d'une dénonciation faisant état de ce que M. C...avait, entre janvier et octobre 2011, sous-loué à des civils une partie du logement qui lui avait été affecté, une enquête de commandement a été diligentée ; que le rapport remis au chef d'escadron de M. C...le 11 novembre 2011 propose sa mutation ; que, par lettre du 20 décembre 2011, le commandant de la section de recherche de Pointe-à-Pitre a demandé le prononcé d'une sanction ; que M. C...a été entendu le 20 juin 2012 par l'officier rapporteur, lequel a remis son rapport le 3 juillet 2012, puis par le conseil d'enquête le 19 juillet 2012 ; que, par la décision contestée du 12 septembre 2012 notifiée le 21, le ministre de la défense, suivant la proposition du conseil d'enquête, a prononcé un retrait d'emploi par mise en non-activité pour une durée de douze mois ; que, par jugement du 28 mai 2013, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation de cette décision ; qu'il relève appel de ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, que tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté ; qu'il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir ; que, toutefois, et d'une part, le devoir de loyauté de l'employeur public à l'égard de son agent ne saurait avoir pour effet d'exiger la mise en oeuvre du principe du contradictoire au cours de l'enquête de commandement, qui, préalable à une éventuelle procédure disciplinaire, ne constitue pas un élément de cette procédure ; que, d'autre part, le moyen soulevé par M.C..., tiré de ce que l'enquête de commandement serait irrégulière aux motifs que son logement aurait été visité hors de sa présence et que l'identité de l'auteur de la dénonciation n'a pas été dévoilée, non plus que les modalités selon lesquelles les informations ainsi fournies ont été recueillies, n'établit pas que l'autorité administrative aurait manqué à cette obligation ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 4137-13 du code de la défense : " Tout supérieur a le droit et le devoir de demander à ce que les militaires placés au-dessous de lui dans l'ordre hiérarchique soient sanctionnés pour les fautes ou les manquements qu'ils commettent. (...). " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que toute autorité militaire a le devoir de demander que les militaires placés au-dessous d'elle dans l'ordre hiérarchique fassent l'objet de sanctions s'ils commettent des fautes ; que, par suite, M.C..., lequel, au demeurant, ne démontre pas qu'il n'était pas soumis à l'autorité hiérarchique du commandant de la gendarmerie de Guadeloupe, qui a déclenché la procédure disciplinaire, n'est pas fondé à soutenir que la procédure disciplinaire a été initiée par une autorité incompétente ;

5. Considérant, en troisième lieu, et d'une part, que la composition des conseils d'enquête est fixée par les dispositions de l'article L. 4137-3 du code de la défense, dont M. C... n'allègue ni ne démontre qu'elles n'auraient pas été respectées ; que, d'autre part, la circonstance que des subordonnés du commandant de la gendarmerie de Guadeloupe siègent au conseil de discipline n'est pas de nature à remettre en cause le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire, qui ne fait pas obstacle à ce que l'autorité poursuivante soit l'autorité qui propose la sanction ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres du conseil d'enquête ou certains d'entre eux aient manqué d'impartialité ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort du procès verbal du conseil d'enquête produit par le défendeur à la suite d'une mesure d'instruction, que seule la question relative à l'identité de l'auteur de la dénonciation, posée par M. C...au cours du conseil d'enquête, est restée sans réponse ; que l'absence de réponse à cette question, laquelle est dépourvue de lien avec les faits reprochés à M.C..., n'est pas constitutive d'un manquement au respect du principe du contradictoire ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de l'officier enquêteur, que M. C...a reçu communication de son dossier individuel complet avant la réunion du conseil d'enquête, le 19 juillet 2012, et qu'il a été entendu par le rapporteur le 18 juin 2012 ;

8. Considérant, en sixième et dernier lieu, que M. C...ne saurait utilement soutenir que le projet de mutation d'office qui lui a été notifié le 1er février 2012 et l'ordre de mutation d'office dans l'intérêt du service dont il a fait l'objet le 25 mai 2012 auraient été pris en méconnaissance de la procédure et des droits de la défense faute d'avoir été précédés du recueil de ses observations dans le cadre de la procédure disciplinaire, dès lors qu'il s'agit de décisions distinctes de la décision litigieuse, n'ayant, au demeurant, pas le caractère d'une sanction ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 septembre 2012 prononçant un retrait d'emploi par mise en non-activité pour une durée de douze mois ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de la défense.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2014, à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme B...et Mme Peuvrel, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 6 janvier 2015.

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N° 13LY02137

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02137
Date de la décision : 06/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-05 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SELARL ESPACE JURIDIQUE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-01-06;13ly02137 ?
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