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29/09/2015 | FRANCE | N°13LY03455

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 29 septembre 2015, 13LY03455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 19 novembre 2013 lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et le plaçant en rétention administrative.

Par un jugement n° 1307923 du 22 novembre 2013, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 20

13, le préfet de l'Isère demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2013 du magi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 19 novembre 2013 lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et le plaçant en rétention administrative.

Par un jugement n° 1307923 du 22 novembre 2013, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2013, le préfet de l'Isère demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2013 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter les conclusions de M. B...devant le Tribunal administratif.

Il soutient que le premier juge a commis une erreur en estimant que sa décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée de détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président.

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, est entré en France le 29 décembre 2011 muni d'un visa valable trente jours et s'y est maintenu irrégulièrement ; qu'à l'occasion de l'enquête liée à son projet de mariage avec une ressortissante française, l'irrégularité de sa situation a été signalée au préfet de l'Isère qui, le 19 novembre 2013, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et l'a placé en rétention administrative pour une durée maximale de cinq jours ; que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions par jugement du 22 novembre 2013, dont le préfet de l'Isère interjette appel ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., arrivé sur le territoire français le 29 décembre 2011, n'a effectué aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative avant l'intervention de la décision en litige lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que le préfet de l'Isère n'a appris le caractère irrégulier de son séjour en France qu'au vu du procès-verbal dressé, le 19 novembre 2013, par les services de police, auprès desquels M. B...avait été convoqué à la demande du Parquet, pour " enquête mariage et étude de [sa] situation administrative sur le territoire français " ; que, nonobstant l'existence d'un projet de mariage du requérant avec une ressortissante française, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français aurait eu pour motif déterminant de faire obstacle à ce mariage, dont la célébration était, au demeurant, soumise à une absence d'opposition du procureur de la République de Grenoble au terme de l'enquête diligentée, et dont la date ne pouvait être déjà fixée, en raison de l'enquête en cours lorsqu'est intervenue la décision en litige ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler cette mesure d'éloignement et, par voie de conséquence, les décisions refusant un délai de départ volontaire et portant placement en rétention administrative, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'elle serait entachée de détournement de pouvoir ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, que M.B..., de nationalité algérienne, est entré en France le 29 décembre 2011, muni d'un visa valable jusqu'au 24 janvier 2012, et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de cette date ; qu'ainsi, le 19 novembre 2013, il se trouvait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée a été signée par M. Frédéric Perisssat, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, qui disposait d'une délégation du préfet de l'Isère, par arrêté du 18 octobre 2013, publié le même mois au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer notamment tous actes, arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Isère, à l'exception de certains cas parmi lesquels ne figurent ni les obligations de quitter le territoire français, ni les décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ou les décisions décidant du placement d'étrangers en rétention administrative ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, que M. B...est entré en France moins de deux ans avant la décision en litige, après avoir vécu et travaillé jusqu'à l'âge de trente-trois ans en Algérie, où résident toujours ses parents ainsi que son frère et ses cinq soeurs ; que, célibataire et sans enfant à charge, il ne justifie pas d'attaches familiales en France autres que des cousins et n'établit pas davantage être inséré socialement et professionnellement ; que s'il se prévaut d'une relation avec une ressortissante française qu'il projetait d'épouser, il avait rencontré cette personne moins d'un an avant la décision contestée et la communauté de vie entre les intéressés, à la supposer établie, était récente au jour de l'édiction de la mesure d'éloignement ; qu'enfin, les intéressés ne pouvaient pas ignorer que leurs perspectives de vie commune en France étaient incertaines, en l'absence de droit au séjour détenu par M. B... ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en faisant obligation à celui-ci de quitter le territoire français, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que cette mesure est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

8. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que le refus d'accorder à M. B...un délai de départ volontaire est suffisamment motivé, en droit, par le visa du b) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en fait, par l'indication, notamment, de ce que l'intéressé, qui se maintient irrégulièrement en France depuis 2011 sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour et déclare être hébergé dans un foyer Adoma sans y être autorisé, présente un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relatif au " départ volontaire " : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 transposant la directive n° 2008/115/CE : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

11. Considérant que les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent à l'autorité administrative de refuser à un étranger tout délai pour quitter volontairement le territoire français dans les cas de risque de fuite qu'elles énumèrent, sauf prise en compte d'une circonstance particulière, après examen de la situation propre à chaque cas d'espèce, ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

12. Considérant, en quatrième lieu, que M. B...fait valoir qu'en retenant qu'il résidait dans un foyer avec sa compagne française, alors qu'il a toujours disposé d'un hébergement au sein de sa famille résidant à Grenoble, le préfet de l'Isère a commis une erreur de fait ; qu'il ne produit toutefois aucun justificatif à l'appui de son affirmation quant à la réalité de son hébergement familial, alors qu'il a déclaré aux services de police, lors de son audition du 19 novembre 2013, qu'il était alors domicilié ...; que, par suite, la décision querellée n'est pas entachée d'erreur de fait ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, que M. B..., arrivé en France le 29 décembre 2011, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; que, d'autre part, s'il détient un passeport en cours de validité, il a déclaré aux services de police, lors de son audition précédant l'édiction de la décision contestée, être hébergé à titre gratuit par une personne résidant dans un foyer Adoma, sans y être autorisé ; que, dès lors, il ne pouvait être regardé comme disposant de garanties de représentation suffisantes ; qu'en estimant qu'il présentait un risque de fuite et en décidant, pour ce motif, de lui refuser tout délai pour quitter volontairement le territoire français, le préfet de l'Isère n'a, par suite, pas méconnu les dispositions précitées du b) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

14. Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité administrative s'est, à tort, considérée comme étant en situation de compétence liée ; que, par suite, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur de droit ;

15. Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que cette décision est de nature à entraîner des conséquences graves sur la situation personnelle de M. B... n'est pas assorti des précisions permettant d'en d'apprécier le bien-fondé ;

Sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative :

16. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté ;

17. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. (...) " ;

18. Considérant que la décision du 19 novembre 2013 décidant du placement en rétention administrative de M. B...est suffisamment motivée, en droit, par le visa des dispositions du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en fait, par l'indication que M.B..., qui se maintient irrégulièrement en France depuis 2011 et a affirmé être hébergé gratuitement par une personne résidant dans un foyer Adoma tout en précisant ne pas y être autorisé par le directeur de cet établissement, ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes ;

19. Considérant, en troisième lieu, que M. B...fait valoir que le préfet de l'Isère n'a pas recherché si une mesure d'assignation à résidence pouvait être décidée en l'espèce, alors qu'il disposait de garanties de représentation du fait qu'il détient un passeport et qu'il était hébergé au sein de sa famille ; qu'il soutient également que le préfet n'a pas fait diligence pour que la mesure de rétention administrative soit la plus brève possible ; qu'il ressort toutefois des termes de la décision contestée que l'autorité administrative a examiné si l'intéressé offrait des garanties de représentation suffisantes, susceptibles de justifier une mesure moins coercitive, et qu'elle a pris en compte les délais nécessaires à la réservation de moyens de transport adaptés ; que si M. B... fait valoir qu'il détient un passeport et qu'il est hébergé par sa famille, il a affirmé lors de son audition par les services de police précédant la mesure contestée, être hébergé gratuitement et clandestinement par une personne résidant dans un foyer Adoma ; qu'il ne saurait, par suite, être regardé comme présentant des garanties effectives, propres à prévenir un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions susmentionnées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon du 22 novembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.

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N° 13LY03455

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03455
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-29;13ly03455 ?
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