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01/10/2015 | FRANCE | N°15LY00443

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 01 octobre 2015, 15LY00443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2015 par lequel le préfet du Rhône a prononcé son placement en rétention administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2015 par lequel le préfet du Rhône a prononcé son placement en rétention administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour celui-ci de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 1500407 du 23 janvier 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet du Rhône en date du 21 janvier 2015 ordonnant le placement de M. C...en rétention administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 10 février 2015, le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500407 du 23 janvier 2015, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 21 janvier 2015 décidant du placement en rétention administrative de M. C... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que :

- Contrairement à ce qui a été jugé, M. C... n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 24 janvier 2014 ;

- M. C...ne justifie pas d'une adresse stable et effective et de garanties de représentation suffisantes ;

- M.C..., qui n'a pas effectué de démarches en vue de retourner dans son pays d'origine ou dans un pays où il serait légalement admissible, qui ne justifie pas disposer de ressources légales lui permettant d'exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre et qui ne démontre pas qu'il préparait son départ vers son pays d'origine, a l'intention de se soustraire à cette mesure d'éloignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2015, M. C...conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement n° 1500407 du tribunal administratif de Lyon et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la requête du préfet est irrecevable dès lors qu'elle ne contient aucune argumentation distincte de celle opposée en première instance à sa demande devant le tribunal ;

- la requête du préfet est irrecevable dès lors que la copie du jugement attaqué n'était pas jointe ;

- la décision attaquée du préfet du Rhône du 21 janvier 2015 est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît la directive " retour " 2008/11/CE du 16 décembre 2008 et n'est pas justifiée au regard des impératifs relevant de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de fait, de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant M.C.encore exécutoire qui n'a donc pas déjà fait l'objet d'une exécution volontaire de la part de l'intéressé ou d'une exécution d'office de la part de l'administration

1. Considérant que par arrêté du 24 janvier 2014, le préfet de l'Isère a fait obligation à M. C...de quitter le territoire français dans un délai d'un mois ; que par jugement du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation de cette mesure d'éloignement ; qu'interpellé par les services de police dans le département du Rhône, le 21 janvier 2015, M. C...a fait l'objet, le même jour, d'une décision de placement en rétention administrative par le préfet du Rhône en vue de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 24 janvier 2014 ; que M. C... a contesté cette décision de placement en rétention administrative devant le tribunal administratif de Lyon ; que le magistrat désigné par le président de cette juridiction a accueilli sa demande et a annulé la décision du préfet du Rhône du 21 janvier 2015 par jugement du 23 janvier 2015, dont le préfet du Rhône interjette appel ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête du préfet par M.C... :

2. Considérant que si M. C...soutient que l'appel interjeté par le préfet du Rhône est irrecevable dès lors que le préfet se serait contenté de reprendre son argumentation de première instance, il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet du Rhône par sa requête introductive d'appel critique le jugement du tribunal administratif de Lyon du 23 janvier 2015 en ce qu'il a annulé sa décision du 21 janvier 2015 plaçant M. C...en rétention administrative au motif que celui-ci aurait exécuté l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 24 janvier 2014 ; que la requête du préfet du Rhône contient ainsi des arguments nouveaux au soutien des moyens rejetés par le premier juge et répond ainsi aux exigences de motivation des requêtes d'appel ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par M. C...à la requête du préfet du Rhône à laquelle était jointe la copie du jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon du 23 janvier 2015, ne peut être accueillie ;

Sur le moyen d'annulation de la décision du préfet du Rhône retenu par le premier juge :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire français est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ; qu'une décision de placement en rétention administrative prise sur ce fondement ne peut être édictée que pour assurer l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français demeurant... ;

4. Considérant que pour annuler la décision du 21 janvier 2015, par laquelle le préfet du Rhône a décidé du placement en rétention administrative de M. C...en vue de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de l'intéressé le 24 janvier 2014, le premier juge a considéré que cette décision était dépourvue de base légale en raison de l'exécution de cette mesure d'éloignement par M.C..., antérieurement à la décision de placement en rétention administrative ;

5. Considérant que si M. C...fait en effet valoir qu'il a déposé une demande de passeport biométrique auprès du consulat général de la République démocratique du Congo à Anvers, en Belgique, le 17 juin 2014, et qu'il s'est ainsi nécessairement rendu sur le territoire belge à cette occasion, cette sortie ponctuelle du territoire français, à la supposer établie, ne peut néanmoins, dans les circonstances de l'espèce, permettre de regarder l'intéressé comme ayant effectivement satisfait à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 24 janvier 2014 ; que, par suite, l'obligation de quitter le territoire français n'ayant pas fait l'objet d'une exécution volontaire de la part de M. C...et n'ayant pas davantage été exécutée d'office par l'administration, celle-ci conservait son caractère exécutoire à la date de la décision de placement en rétention administrative ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé pour ce motif à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé, pour défaut de base légale, la décision du 21 janvier 2015 ordonnant le placement en rétention administrative de M.C... ;

6. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.C..., tant devant le tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

Sur les autres moyens d'annulation de la décision du préfet du Rhône :

7. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée a été signée par M. D...F..., chef de la section éloignement à la préfecture du Rhône, qui disposait d'une délégation de signature du préfet du Rhône, par arrêté du 19 janvier 2015, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer ce type de décisions en cas d'absence ou d'empêchement de MmeB..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...n'ait pas été absente ou empêchée le 21 janvier 2015 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté comme manquant en fait ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de placement en rétention administrative contestée du préfet du Rhône est régulièrement motivée en droit par le visa du 6° précité de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle doit être regardée comme suffisamment motivée en fait par la mention de l'obligation de quitter le territoire français prononcée par le préfet de l'Isère à l'encontre de M.C..., le 24 janvier 2014, notifiée à l'intéressé le 18 février 2014, et confirmée par le tribunal administratif de Grenoble, le 24 juillet 2014 ainsi que par l'indication selon laquelle l'intéressé, qui ne peut pas justifier de la réalité de ses moyens d'existence, ne justifie pas de garanties de représentation effectives ainsi que de moyens de transport immédiat de nature à permettre son départ sans délai ; que le moyen tiré de la violation des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 doit en conséquence être écarté ;

9. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet " et qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 551-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

10. Considérant qu'eu égard à la nécessité de prendre les mesures qu'exigeait l'organisation matérielle du retour de M. C... dans son pays d'origine et compte tenu de ce que l'intéressé, qui avait fait part, lors de son audition par les services de police le 21 janvier 2015, de sa volonté de ne pas retourner en République démocratique du Congo et qui, hébergé par une relation amicale, ne justifiait notamment pas d'un domicile personnel stable, ne pouvait donc être regardé comme présentant des garanties de représentation suffisantes, le préfet du Rhône a pu sans commettre d'erreur de droit ou de fait décider de placer M. C...en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que son placement en rétention administrative n'était pas nécessaire ou qu'il était disproportionné ; que M.C..., qui ne soutient pas que les dispositions nationales précitées sont incompatibles avec les objectifs de la directive 2008/115/CE, et en particulier celui de respecter le caractère proportionné des mesures coercitives prises pour assurer l'éloignement d'un étranger en situation irrégulière, ne saurait utilement invoquer directement les stipulations de cette directive qui ont été transposées en droit français par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité à l'encontre de l'acte administratif non réglementaire en litige ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 21 janvier 2015 décidant du placement en rétention administrative de M. C... ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500407, rendu le 23 janvier 2015 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2015.

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N° 15LY00443


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00443
Date de la décision : 01/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : MANTIONE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-10-01;15ly00443 ?
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