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01/12/2015 | FRANCE | N°14LY03687

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 01 décembre 2015, 14LY03687


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de résistance à l'exploitation du Puy-de-Mur et ses environs (ARMURE) ainsi que les communes de Dallet et de Mezel ont demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme en date du 18 juin 2010 autorisant la société du Domaine de Sainte Marcelle à exploiter une carrière de basalte au lieu-dit " Grand Champ de Sainte Marcelle " sur le territoire de la commune de Vertaizon.

Par un jugement n° 1002246 du 4 octobre 2011 le Tribunal administ

ratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 11LY02893 du 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de résistance à l'exploitation du Puy-de-Mur et ses environs (ARMURE) ainsi que les communes de Dallet et de Mezel ont demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme en date du 18 juin 2010 autorisant la société du Domaine de Sainte Marcelle à exploiter une carrière de basalte au lieu-dit " Grand Champ de Sainte Marcelle " sur le territoire de la commune de Vertaizon.

Par un jugement n° 1002246 du 4 octobre 2011 le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 11LY02893 du 28 mars 2013, la Cour a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 18 juin 2010.

Par une décision n° 368785 du 28 novembre 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 28 mars 2013 et renvoyé cette affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 décembre 2011, 30 avril 2012, 4 décembre 2014, 27 janvier et 19 mai 2015, l'association de résistance à l'exploitation du Puy-de-Mur et ses environs et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 octobre 2011 ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de suspendre le fonctionnement de l'exploitation de la carrière et de mettre en demeure la société du Domaine de Sainte Marcelle de remettre en état le site et, subsidiairement, d'enjoindre à la société du Domaine de Sainte Marcelle dans les quinze jours à compter de l'injonction, de suspendre le fonctionnement de l'exploitation et de remettre en état le site ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- le moyen tiré de ce que l'insuffisance de l'étude d'impact aurait été tranché et jugé par la présente Cour dans son arrêt du 30 juillet 2009, et ainsi, était frappé du principe de l'autorité de la chose jugée, est infondé ;

- la Cour ne s'est pas prononcé sur ce moyen ;

- les modifications des éléments du dossier postérieures à l'enquête publique exigeaient qu'une nouvelle enquête publique soit réalisée ; ainsi, depuis la demande initiale, treize années se sont écoulées et, par arrêté en date du 14 juin 2002, le préfet a inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques les vestiges du site archéologique du Puy-de-Mur ; que la parcelle inscrite est directement concernée par l'exploitation ;

- l'exploitation de la carrière détruira une partie du patrimoine protégé dont l'importance a été reconnue dans une décision du Conseil d'Etat du 8 juillet 2009 ;

- le juge de plein contentieux se prononce en fonction des éléments de fait et de droit applicables au jour où il statue ;

- le site est en voie d'être classé ;

- l'existence de l'oppidum n'était pas connue à la date de l'enquête publique de 1997 ;

- aucun document soumis à l'enquête publique ne permet de prévoir l'inscription du site ;

- le diagnostic archéologique met en évidence des structures archéologiques sur la parcelle ZN277 ;

- la superficie de la zone protégée s'élève à 506 262 m² comme le prouve un rapport de géomètre expert ;

- un avis favorable au classement, notamment des parcelles n° 273 et 277, a été émis le 15 septembre 2014 par la commission nationale ;

- le conseil général du Puy-de-Dôme a classé le site en espace naturel sensible ;

- le site a été labellisé comme espace naturel sensible en 2007 ;

- la société n'est pas propriétaire de la parcelle ZN274 et n'a pas produit de document attestant de son droit à l'exploiter ;

- si en 1997 la société bénéficiait d'un droit d'exploitation sur la parcelle ZN135, celui-ci s'est réduit fin 2007 à la parcelle ZN277 ;

- les transferts des propriétés de la famille C...ont eu pour objet d'empêcher le classement du site en espace naturel sensible ;

- la parcelle ZN274 est devenue ZN277 et a fait l'objet d'un bail emphytéotique au bénéfice de la SAS Acacia ; que, dès lors, la SCI les Mines ne peut conférer à la société du Domaine de Sainte Marcelle un contrat de fortage ;

- l'étude d'impact était insuffisante du point de vue de la prise en compte du patrimoine archéologique ;

- le directeur régional des affaires culturelles (DRAC) a émis en avis défavorable sur ce point ;

- le directeur régional de l'environnement (DRE) a relevé les insuffisances de l'étude pour ce qui est de la flore ;

- le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales (DDASS) a souligné que l'étude devait être complétée du point de vue des nuisances sonores et que l'étude sous-estime les risques de poussières ;

- le commissaire enquêteur, comme la DDASS, la DRAC et la direction départementale de l'équipement (DDE), ont émis un avis défavorable ;

- la société a été autorisée à exploiter 21,73 % de la zone inscrite ;

- aucun accès et sortie de carrière ne sont prévus sur la voie publique alors que la société ne justifie pas d'une autorisation de la société " Carrière du Puy-de-Mur SA ".

Par des mémoires enregistrés le 27 mars 2012, les 17 et 27 avril 2015, la société du Domaine de Sainte Marcelle et, dans le dernier état des conclusions, la société Carrière de Vertaizon SAS, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la question du caractère suffisant de l'étude d'impact était en débat devant la Cour qui l'a définitivement tranchée dans son arrêt du 30 juillet 2009, lequel s'impose désormais ;

- à la date à laquelle le dossier de demande a été déposé et l'enquête publique réalisée, l'article 3 du décret n° 77-113 du 21 septembre 1977 qui fixait le contenu de l'étude d'impact n'imposait nullement que celle-ci examine spécifiquement le patrimoine archéologique ;

- l'information sur ce point figurant dans l'étude d'impact était proportionnée à l'enjeu existant en 1997 ;

- il n'y a pas trace sur le site de vestiges présentant un intérêt ;

- l'intérêt archéologique retenu dans le cadre de la décision du Conseil d'Etat du 8 juillet 2009 ne vaut pas pour l'espace concerné par le projet ;

- la protection du site par les services archéologiques est assurée ;

- en dehors de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) et de la DRAC, les autres services administratifs ont émis un avis favorable au projet d'exploitation ; que la commune de Vertaizon n'a pas fait appel du jugement ;

- l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 30 juillet 2009 est définitif ;

- aucun élément nouveau ne justifiait une nouvelle enquête ;

- le projet n'a pas fait l'objet d'une modification substantielle depuis cet arrêt ;

- le préfet a pris en compte tous les éléments évoqués pour prendre une nouvelle décision d'exploitation ; que l'arrêté comporte des prescriptions imposées à l'exploitant ;

- les vestiges étaient connus lors de la demande d'exploitation et sont mentionnés dans l'avis de la DRAC ;

- l'arrêté d'inscription est un acte juridique indépendant qui n'influence pas la procédure d'autorisation ;

- les prescriptions de l'autorisation prennent en compte ces vestiges ; qu'un diagnostic archéologique a été réalisé sur la parcelle ;

- le Puy-de-Mur n'est pas inscrit au rang des espaces naturels sensibles du département ; une telle reconnaissance ne pourrait faire obstacle à l'autorisation d'exploitation inscrite au schéma directeur des carrières et au SCOT ;

- les requérantes n'apportent pas d'éléments nouveaux s'agissant de la flore et de la faune qui n'ont aucun caractère remarquable dans ce secteur ;

- le moyen tiré d'un risque de pollution des eaux est abandonné par les requérantes ;

- il existe des prescriptions dans l'autorisation permettant d'éliminer tout risque dans ce domaine ;

- la parcelle ZN277 appartient à la SCI Les Mines depuis le 23 avril 2010 ; cette dernière a réglé avec le locataire emphytéotique l'abandon de ses droits ; M. A...gérant de la société du Domaine de Sainte Marcelle a également la maitrise de la SCI Les Mines ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact a déjà été soulevé devant la cour administrative d'appel et est donc irrecevable ; de surcroît, aucun élément nouveau n'est intervenu en fait ou en droit depuis l'étude de 1997 ;

- le moyen tiré de la proportion de l'emprise de la carrière sur la superficie inscrite à l'inventaire des monuments historiques est inopérant ;

- ce sont bien les parcelles inscrites qui doivent être prise en compte ;

- les prescriptions permettent de sauvegarder l'intérêt archéologique du site ;

- l'autorisation impose une prospection de l'androsace allongée qui pourra conduire à des mesures de protection.

Par un mémoire enregistré le 6 avril 2012, le ministre de l'écologie, du développement durable des transports et du logement conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il fait siennes les observations produites par le préfet en première instance ; que le projet n'a pas été modifié ; que l'existence de l'oppidum était connue lors de l'enquête réalisée en 1997 puisque dès 1992 la DRAC en faisait état ; que l'inscription à l'inventaire a été prise en compte par le préfet ; que la labellisation " espace naturel sensible " n'est pas opposable à l'autorisation ; qu'un contrat de fortage a été conclu entre la société et la SCI Les Mines le 11 juin 2010 ; que l'étude d'impact a permis une information complète de la population ; que le diagnostic écologique n'a pas confirmé la présence de l'androsace allongée ; que l'inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques porte sur des parcelles entières et non sur l'emprise réelle du site archéologique ; que l'exploitation de la carrière est conforme au SCOT de l'agglomération de Clermont-Ferrand.

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2015, la société Carrière de Vertaizon SAS conclut à ce qu'il lui soit donné acte de son intervention à l'appui des conclusions présentées pour la société du Domaine de Sainte Marcelle.

Elle soutient que, par arrêté du 5 novembre 2012, le Préfet du Puy-de-Dôme lui a transféré les droits d'exploitation de la carrière.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant l'Association de résistance à l'exploitation du Puy-de-Mur et ses environs (ARMURE), la commune de Dallet et la commune de Mezel, et celles de Me Nicolaÿ, avocat de la société du Domaine de Sainte Marcelle et de la société Carrière de Vertaizon.

1. Considérant que par une décision du 19 mars 1998, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé à la société du Domaine de Sainte Marcelle l'autorisation d'exploiter une carrière de basalte avec unité de concassage criblage située sur le site dit du Puy-de-Mur, sur le territoire de la commune de Vertaizon ; que, à la suite de l'arrêt du 30 juillet 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Lyon a annulé cette décision et enjoint au préfet du Puy-de-Dôme d'instruire à nouveau la demande présentée par la société du Domaine de Sainte Marcelle, ce dernier, par un arrêté du 18 juin 2010, a accordé l'autorisation d'exploitation sollicitée ; que la Cour, par un arrêt du 28 mars 2013, a annulé le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 octobre 2011 portant rejet de la demande présentée par l'association de résistance à l'exploitation du Puy-de-Mur et ses environs ainsi que les communes de Dallet et de Mezel à l'encontre de l'arrêté du 18 juin 2010 et annulé cet arrêté ; que par une décision du 28 novembre 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi de cet arrêt par la société du Domaine de Sainte Marcelle, en a prononcé l'annulation au motif que la Cour a omis de répondre au moyen invoqué en défense par cette société, tiré de ce que " l'arrêt du 30 juillet 2009 de la Cour administrative d'appel de Lyon confirmant l'annulation du refus du préfet du Puy-de-Dôme de faire droit à la précédente demande d'autorisation de la carrière faisait obstacle à ce que la Cour se prononce à nouveau sur la régularité de l'étude d'impact du projet d'exploitation litigieux ", et lui a renvoyé l'affaire ;

2. Considérant que, par un arrêté du 5 novembre 2012, le préfet du Puy-de-Dôme a transféré les droits d'exploitation de la carrière à la société Carrière de Vertaizon, qui est venue aux droits de la société du Domaine de Sainte Marcelle ; que la société Carrière de Vertaizon a donc la qualité de partie à la présente instance ; que, dès lors, l'intervention dont cette société a saisi la Cour n'est pas recevable ;

3. Considérant qu'il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce ; que les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, applicable à la date de l'autorisation contestée : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles 1er et 4 du code minier. " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 512-8 du même code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II. - Elle présente successivement : (...) 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'agriculture, l'hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau (...) ";

6. Considérant qu'il résulte notamment de ces dispositions que la protection du patrimoine archéologique figure au nombre des intérêts que doit prendre en compte, le cas échéant, l'étude d'impact ;

7. Considérant que, dans l'arrêt rendu le 30 juillet 2009, la Cour n'a pas examiné, pour l'écarter, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact au regard de la présence de vestiges archéologiques ; que, dès lors, et contrairement à ce que prétend la société intimée, la Cour, par cet arrêt, n'a pas validé l'intégralité de la procédure, dont tout examen se heurterait désormais à l'autorité de la chose jugée ;

8. Considérant que le projet dont la société du Domaine de Sainte Marcelle a saisi l'administration le 30 avril 1997, qui portait initialement sur une superficie totale d'environ 55 ha, dont 17 ha consacrés à l'extraction, est implanté sur le plateau du Puy-de-Mur ; que, malgré la présence de vestiges archéologiques répartis sur ce plateau, dont témoignent plusieurs publications antérieures à 1997, notamment un ouvrage de 1933, qui fait état de deux sites protohistorique et médiéval, un document du service régional d'archéologie de 1992, qui mentionne des " vestiges importants " sur le site du Puy-de-Mur à Vertaizon, couvrant le néolithique et les âges des métaux entre 4 500 et 2 100 ans ou encore la " Carte archéologique de la Gaule ", publiée en 1994, qui regroupe l'ensemble des découvertes réalisées sur ce site de 1971 à 1994, sans compter les prospections et campagnes de fouilles qui s'y sont succédé depuis 1935 au moins, l'étude d'impact réalisée par la société intimée, figurant au dossier de l'enquête publique qui s'est déroulée du 14 octobre au 12 novembre 1997, bien que mentionnant l'existence de la " Carte archéologique de la Gaule ", se borne à affirmer qu'" aucun élément intéressant n'a été répertorié sur les terrains concernés par le projet " ; que, dans ce contexte, cette étude, dont le contenu n'est pas en relation avec les incidences prévisibles du projet sur l'environnement, et plus spécialement sur le patrimoine archéologique, est insuffisante ;

9. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant un dossier de demande d'autorisation d'une installation classée ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ; qu'en outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ;

10. Considérant qu'eu égard au nombre, à la répartition et à la diversité des éléments de patrimoine archéologique recensés ou soupçonnés sur le plateau du Puy-de-Mur, et malgré la connaissance diffuse que pouvait en avoir le public, l'insuffisance de l'étude d'impact, que ne pallie aucun autre document joint à la demande d'autorisation d'exploitation, a eu pour effet, compte tenu en particulier de la superficie du projet, de nuire à l'information complète de la population lors de l'enquête publique ; que rien ne permet de dire que, à la date du présent arrêt, et alors que, pour la délivrance de l'autorisation en litige, le périmètre d'exploitation avait été réduit, la population aurait davantage été informée sur ce point ; que, par suite, et même si, postérieurement à cette enquête, le conservateur régional de l'archéologie a, par un avis du 13 août 2009, levé l'hypothèque archéologique pesant sur le terrain de la carrière et si le diagnostic archéologique prescrit par arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 25 octobre 2010 n'a pas conclu à une présence importante de vestiges, l'autorisation contestée du 18 juin 2010 a été accordée à l'issue d'une procédure irrégulière ;

11. Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du code minier " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral (...) " ;

12. Considérant que si l'arrêté en litige, pour tenir compte de la présence d'un mur d'enceinte protohistorique, a ramené la superficie d'exploitation de la carrière à 11 ha au total, pour une surface en extraction de 8,4 ha, et imposé à la société bénéficiaire de procéder à un diagnostic archéologique avant chacune des phases d'exploitation, il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis de la commission nationale des monuments historiques du 15 septembre 2014, que le terrain d'assiette de l'installation, en particulier la parcelle désormais cadastrée sous le n° 277, sur laquelle s'exercent les activités d'extraction, présente, compte tenu, spécialement, d'une " certaine densité " et " variété d'occupation ", un intérêt archéologique important, non dissociable des autres composantes du site du Puy-de-Mur, dont la valeur patrimoniale, appréciée globalement, paraît remarquable ; que, dans ce contexte, en dépit des prescriptions techniques dont elle a fait l'objet, qui ne garantissent pas la préservation des vestiges qu'est susceptible de renfermer son terrain d'assiette, dont rien ne permet de dire qu'ils seraient dénués de tout intérêt notable, il n'apparaît pas que, malgré l'enjeu qu'elle présente pour l'alimentation en granulats des activités du bâtiment et des travaux publics du bassin clermontois, l'installation en cause, pourrait être exploitée sans inconvénient ou nuisance grave pour la conservation du patrimoine archéologique du Puy-de-Mur ; que, dans ces conditions, l'arrêté en litige est également illégal pour ce motif ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que ces dispositions s'opposent à ce que la Cour enjoigne à la société du Domaine de Sainte Marcelle de cesser son activité et de remettre en état le site dès lors que la société n'a ni la qualité de personne de droit public, ni la qualité d'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public ; que l'annulation prononcée n'implique pas d'enjoindre au préfet de prescrire des mesures ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association de résistance à l'exploitation du Puy-de-Mur et ses environs et autres sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ;

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement aux requérantes d'une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées à ce même titre par la société du Domaine de Sainte Marcelle ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Carrière de Vertaizon n'est pas admise.

Article 2 : Le jugement n° 1002246 du 4 octobre 2011 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 3 : L'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 18 juin 2010 autorisant la société du Domaine de Sainte Marcelle à exploiter une carrière de basalte au lieu-dit " Grand Champ de Sainte Marcelle " sur le territoire de la commune de Vertaizon est annulé.

Article 4 : L'Etat versera à l'association de résistance à l'exploitation du Puy-de-Mur et ses environs, à la commune de Dallet et à la commune de Mezel une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de résistance à l'exploitation du Puy-de-Mur et ses environs (ARMURE), à la commune de Dallet, à la commune de Mezel, à la société du Domaine de Sainte Marcelle, à la société Carrière de Vertaizon et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Levy Ben Cheton, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er décembre 2015.

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N° 14LY03687

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03687
Date de la décision : 01/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : PERRAUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-12-01;14ly03687 ?
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