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17/03/2016 | FRANCE | N°15LY01988

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 15LY01988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A..., épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 octobre 2014 par lesquelles le préfet de Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination, ainsi que celle du 18 mai 2015 par laquelle le préfet de l'Ain a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n°1504534-1504597 du 22 mai 2015, le magistrat dé

légué du tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé la décision du 18 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A..., épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 octobre 2014 par lesquelles le préfet de Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination, ainsi que celle du 18 mai 2015 par laquelle le préfet de l'Ain a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n°1504534-1504597 du 22 mai 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé la décision du 18 mai 2015 du préfet de l'Ain par laquelle celui-ci a ordonné son placement en rétention administrative, a, d'autre part, décidé que les conclusions aux fins d'annulation de la décision en date du 23 octobre 2014 par laquelle le préfet de Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire et les conclusions accessoires à cette demande seraient renvoyées devant la formation collégiale du tribunal administratif de Lyon, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de MmeD....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2015 et un mémoire en réplique enregistré le 11 août 2015, le préfet de l'Ain demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que :

- le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit en considérant qu'il aurait dû prendre en compte l'état de santé de Mme D...avant de prendre à l'encontre de cette dernière une mesure privative de liberté ;

- Mme D...ne présentait pas les garanties de représentation suffisantes lors de son interpellation le 18 mai 2015 et il y avait, dès lors, nécessité de la maintenir dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 juillet et le 17 août 2015, Mme C...A..., épouseD..., représentée par MeE..., demande à être admise à l'aide juridictionnelle provisoire, conclut au rejet de l'ensemble des prétentions du préfet de l'Ain, à la confirmation du jugement du magistrat délégué du tribunal administratif du 22 mai 2015 et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et subsidiairement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de placement en rétention administrative du préfet de l'Ain du 18 mai 2015 est entachée d'illégalité faute d'être suffisamment motivée ;

- cette décision a été prise en violation des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle est de nature à entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'erreur de droit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- et les observations de MeE..., représentant Mme A...épouseD....

1. Considérant que le préfet de l'Ain relève appel du jugement du 22 mai 2015 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 18 mai 2015 ordonnant le placement en rétention administrative de Mme C...D... ;

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Considérant qu'en raison de l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête susvisée, il y a lieu d'admettre MmeD... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ;

Sur la légalité de la décision :

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : [...] 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; [...] " ;

4. Considérant que le préfet de l'Ain a visé dans sa décision du 18 mai 2015, l'arrêté du 23 octobre 2014 par lequel le préfet de Haute-Savoie a refusé de délivrer à Mme D...un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire, lequel arrêté faisait état de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 26 septembre 2014 qui indiquait que l'état de santé de Mme D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existait un traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par cet état de santé présentaient un caractère de longue durée ; que, tenant compte du fait que l'étranger placé en centre de rétention administrative conserve la possibilité de faire valoir à tout instant la situation médicale qui est la sienne ainsi que celle de demander à bénéficier des soins médicaux que cette situation pourrait rendre nécessaires, le préfet de l'Ain, quelles que puissent avoir été les déclarations orales de son représentant lors de l'audience du 22 mai 2015, a pu, ainsi qu'il le soutient, vérifier avant de prendre la mesure de placement en rétention administrative attaquée, la compatibilité de cette dernière avec la situation médicale de Mme D...;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le défaut d'examen particulier de la situation de Mme D...avant que ne soit prise à son encontre une mesure privative de liberté pour annuler la décision du 18 mai 2015 par laquelle le préfet de l'Ain a ordonné le placement en rétention administrative de celle-ci ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...devant le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon et devant la cour à l'encontre de cette décision du 18 mai 2015 ;

7. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du préfet de l'Ain du 18 mai 2015 vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers dont il est fait application ainsi que l'arrêté du 23 octobre 2014 du préfet de Haute-Savoie portant refus de délivrance à

Mme D...d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", obligation pour celle-ci de quitter le territoire et fixant le pays à destination duquel elle devra se rendre ; que ledit arrêté mentionne le fait que Mme D...ne justifie pas d'un domicile personnel stable en France ainsi que de la possession d'un passeport en cours de validité et qu'elle ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté porte la signature de Mme B..., qui dispose, par arrêté du 24 juillet 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Ain, spécial n° 65 d'août 2014, d'une délégation aux fins de signer en cas d'absence ou d'empêchement du directeur de la réglementation et des libertés publiques, les actes établis par la direction ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée, manquant en fait, doit être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ; qu'il résulte du II de l'article L. 511-1 du même code que le risque qu'un ressortissant étranger se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français doit être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, lorsque l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, en application du f), notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 du même code ;

10. Considérant, d'une part, qu'il résulte des pièces du dossier que MmeD..., ressortissante kosovare entrée de manière irrégulière sur le territoire français le 21 septembre 2009, a fait l'objet, le 23 octobre 2014, d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français qu'elle n'a pas exécutée et que, lors de son interpellation par les services de la direction centrale de la police aux frontières, le 18 mai 2015, elle était dépourvue d'un passeport en cours de validité et n'a pu attester disposer d'un domicile personnel stable en France ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'Ain de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit être écarté ;

11. Considérant, d'autre part, qu'en estimant que MmeD..., qui, ainsi qu'il vient d'être dit, était dépourvue lors de son interpellation d'un passeport en cours de validité et qui n'a pu attester disposer d'un domicile personnel stable en France, ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes le préfet de l'Ain a pu décider, sans commettre d'erreur d'appréciation, le placement de l'intéressée en rétention administrative ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que préfet de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 18 mai 2015 par laquelle il a ordonné le placement en rétention administrative de MmeD... ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur ce fondement par Mme D...doivent, par suite, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Mme D...est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Les articles 2 et 4 du jugement du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon du 22 mai 2015 sont annulés.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Lyon dirigées contre la décision du 18 mai 2015 du préfet de l'Ain et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sur ce fondement sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain et au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 18 février 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mars 2016.

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N° 15LY01988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01988
Date de la décision : 17/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : MANTIONE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-03-17;15ly01988 ?
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