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12/04/2016 | FRANCE | N°14LY02539

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 avril 2016, 14LY02539


Vu la procédure suivante :

La société Distribution Casino France et la société Vaco ont demandé à la commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Isère du 11 décembre 2013 autorisant la société Vézeronce Distribution à réaliser un supermarché à l'enseigne Super U d'une surface de vente de 2 500 m² à Vézeronce-Curtin.

Par une décision n° 2159-T et 2160-T du 23 avril 2014, la commission nationale d'aménagement commercial a admis ce recours et refusé d'autoriser le projet.



Par une requête, enregistrée le 4 août 2014, et un mémoire enregistré le 13 avril 20...

Vu la procédure suivante :

La société Distribution Casino France et la société Vaco ont demandé à la commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Isère du 11 décembre 2013 autorisant la société Vézeronce Distribution à réaliser un supermarché à l'enseigne Super U d'une surface de vente de 2 500 m² à Vézeronce-Curtin.

Par une décision n° 2159-T et 2160-T du 23 avril 2014, la commission nationale d'aménagement commercial a admis ce recours et refusé d'autoriser le projet.

Par une requête, enregistrée le 4 août 2014, et un mémoire enregistré le 13 avril 2015, la société Vézeronce Distribution demande à la cour :

1°) d'annuler cette décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 23 avril 2014 ;

2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale dans un délai de quatre mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge solidaire de la SAS Distribution Casino France et de la SNC Vaco en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours de la société Casino France devant la commission nationale d'aménagement commercial n'était pas recevable, cette société n'ayant pas justifié de son intérêt pour agir ;

- le projet n'engendrera aucun mitage mais sera au contraire intégré au pôle urbain de Vézeronce et Morestel et participera à l'animation de la vie urbaine de ces communes ;

- le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale ;

- le carrefour giratoire prévu au croisement des RD 33 et 60A va permettre d'absorber et de sécuriser les flux de circulation et les flux induits par le projet, de cent cinquante-trois véhicules particuliers par heure, n'ont pas été contestés ;

- contrairement à ce qu'a estimé la commission nationale, le projet inclut plusieurs dispositifs pour limiter l'imperméabilisation des sols : noues paysagères, bassin de rétention, fractionnement de la nappe de parking par des franges vertes, places de stationnement engazonnées aux deux tiers ; la commune s'est engagée à restituer les superficies compensatrices envers la surface imperméabilisée ;

- le projet contient plusieurs autres dispositifs favorables au développement durable et à la préservation de l'environnement ;

- le projet est suffisamment inséré dans les réseaux de transports collectifs et intègre les modes de déplacement doux.

Par des mémoires enregistrés le 19 septembre 2014 et le 9 juin 2015, la société Vaco conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Vézeronce Distribution en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Vézeronce Distribution ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 28 avril 2015 et 11 septembre 2015, la société Distribution Casino France conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Vézeronce Distribution en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Vézeronce Distribution ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la commission nationale d'aménagement commercial qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vaccaro-Planchet,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de MeA..., représentant la SCP Jakubowicz, Mallet-Guy et associés, avocat de la société Vézeronce Distribution, celles de MeB..., représentant la société Sorba Payrau, avocat de la société Distribution Casino France, et celles de MeC..., représentant la Selarl Genesis, avocat de la société Vaco.

Une note en délibéré, présentée pour la société Vézeronce Distribution, a été enregistrée le 25mars 2016 ;

Deux notes en délibéré, présentées pour la société Vaco et pour la société Distribution Casino France, ont été enregistrées le 30 mars 2016 ;

1. Considérant que, par une décision du 23 avril 2014, la commission nationale d'aménagement commercial a admis les recours de la société Distribution Casino France et de la société Vaco contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Isère du 11 décembre 2013 autorisant la société Vézeronce Distribution à réaliser un supermarché à l'enseigne Super U d'une surface de vente de 2 500 m² à Vézeronce-Curtin et a refusé d'autoriser ce projet ; que la société Vézeronce Distribution demande l'annulation de cette décision de la commission nationale d'aménagement commercial ;

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 752-46 du code de commerce : " Sous peine d'irrecevabilité, chaque recours est accompagné de motivations et de la justification de l'intérêt à agir de chaque requérant " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le recours présenté par la société Distribution Casino France devant la commission nationale d'aménagement commercial indiquait, en son point 2, que la société exploite un supermarché et une station de distribution de carburants implantés à Vézeronce-Curtin ; qu'ainsi, la société exploitant un supermarché dans la même commune que l'hypermarché projeté, incluse dans la zone de chalandise, le moyen tiré de ce que la commission nationale d'aménagement commercial n'aurait pas été régulièrement saisie faute de justification de l'intérêt pour agir de la société Distribution Casino France doit, en tout état de cause, être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; b) L'effet du projet sur les flux de transport ; c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet ; b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs " ;

6. Considérant que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

7. Considérant qu'il ressort des termes de la décision contestée que pour refuser d'accorder l'autorisation demandée, la commission nationale s'est fondée sur deux motifs, tenant à ce que le projet entraînerait un mitage du territoire, l'hypermarché projeté devant être implanté " en dehors du tissu urbain de la commune de Morestel ", et à l'importance de l'imperméabilisation des sols, notamment par la présence d'un parking de deux cent trente places ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies des lieux, des photomontages intégrant le magasin Super U ainsi que des vues aériennes produites, que l'hypermarché projeté est situé à 1,5 km à l'est de la commune de Morestel, à 1 km environ à l'ouest d'une zone industrielle et à 3,3 km au nord du centre de la commune de Vézeronce-Curtin ; qu'il doit être implanté au coeur d'une vaste zone naturelle et agricole et ne se situe à proximité d'aucune construction ; que si les communes de Morestel et de Vézeronce-Curtin envisagent de créer une zone industrielle et artisanale à l'entrée est de la commune de Morestel, ce projet n'est mentionné que dans un courrier du maire de Morestel du 4 avril 2014 qui souligne son intérêt ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, le projet ne sera pas intégré au pôle urbain de Vézeronce-Curtin et Morestel et ne participera pas à l'animation de la vie urbaine de ces communes ; que, dès lors, l'hypermarché projeté étant, à la date de la décision contestée, isolé, la commission nationale a pu légalement, au terme de son appréciation des effets du projet en matière d'aménagement du territoire, refuser l'autorisation d'exploitation commerciale au motif qu'il entraînerait un mitage du territoire ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'hypermarché projeté doit être implanté sur un terrain situé en zone humide de type 2 au sein de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de la Plaine des Avenières ; que la réalisation du projet litigieux impliquerait une imperméabilisation des sols de 13 823 m² ; que si le projet de la société Vézeronce Distribution inclut plusieurs dispositifs pour limiter l'imperméabilisation des sols, notamment des noues paysagères, un bassin de rétention, le fractionnement de la nappe de parking par des franges vertes, et l'engazonnement aux deux tiers de certaines places de stationnement, le projet implique également, compte tenu de l'importance de l'imperméabilisation des sols qu'il engendre, des mesures de compensation ; que si le dossier de demande comporte une attestation du maire de Vézeronce-Curtin du 13 novembre 2013 indiquant que la commune s'engage à prendre en charge cette compensation en aménageant des zones communales selon les préconisations de la direction départementale des territoires, ce document se borne à évoquer un rendez-vous pris avec ce service " pour en évoquer les possibilités " ; que, dans ces conditions, et compte tenu en particulier de l'imprécision des compensations à mettre en place, la commission nationale d'aménagement commercial a pu légalement, à l'issue de son appréciation des effets du projet en matière de développement durable, refuser l'autorisation d'exploitation commerciale au motif qu'il entraînerait une imperméabilisation trop importante des sols ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commission nationale n'a pas fait une inexacte application des dispositions mentionnées ci-dessus en estimant que le projet était de nature à méconnaître les objectifs fixés par le législateur ;

11. Considérant que la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale, de ce que le carrefour giratoire prévu au croisement des RD 33 et 60A va permettre d'absorber et de sécuriser les flux de circulation, de ce que le projet contient plusieurs autres dispositifs favorables au développement durable et à la préservation de l'environnement et de ce que le projet est suffisamment inséré dans les réseaux de transports collectifs et intègre les modes de déplacement doux, dès lors que le refus contesté ne repose pas sur ces motifs ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la société Vézeronce Distribution n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 23 avril 2014 ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la société Vézeronce Distribution soit mise à la charge de la SAS Distribution Casino France et de la SNC Vaco, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de la société Vézeronce Distribution au titre des frais exposés par chacune des sociétés Distribution Casino France et Vaco à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Vézeronce Distribution est rejetée.

Article 2 : La société Vézeronce Distribution versera la somme de 1 500 euros à la SAS Distribution Casino France et la même somme à la SNC Vaco au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vézeronce Distribution, à la SAS Distribution Casino France, à la SNC Vaco et à la commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2016, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2016.

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