La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2016 | FRANCE | N°15LY01121

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 20 octobre 2016, 15LY01121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision en date du 10 octobre 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon a rejeté le recours administratif préalable formé contre la sanction disciplinaire prise à son encontre le 17 septembre 2012 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral et de mettre à la charge de l'E

tat la somme de 1 300 euros au profit de son conseil par application combin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision en date du 10 octobre 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon a rejeté le recours administratif préalable formé contre la sanction disciplinaire prise à son encontre le 17 septembre 2012 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros au profit de son conseil par application combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1304237 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mars 2015 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon sous le n° 15LY01121, M.A..., représenté par MeD..., demande :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision en date du 10 octobre 2012 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon rejetant son recours administratif préalable formé contre la sanction disciplinaire infligée le 17 septembre 2012 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la procédure devant la commission de discipline est entachée d'une irrégularité quant à la désignation des assesseurs ;

- la procédure disciplinaire suivie à son encontre est contraire tant aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'aux dispositions de l'article préliminaire du code de procédure pénale ;

- la sanction de mise en cellule disciplinaire a été prononcée par la commission de discipline en méconnaissance du droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit en n'accueillant pas le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de discipline ;

- le tribunal et la commission de discipline ont commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation quant à la matérialité de l'incident litigieux dès lors que le président de la commission a refusé de visionner la vidéosurveillance, ainsi que demandé par le requérant, et que la matérialité de ces faits n'est pas établie.

Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2015, la garde des Sceaux, ministre de la Justice, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.

1. Considérant que M. B... A...a été incarcéré au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse ; que, le 13 septembre 2012, alors qu'il refusait de retourner dans sa cellule, le surveillant qui a dû le contraindre à réintégrer celle-ci a fait l'objet d'insultes de sa part ; que le 17 septembre 2012, une sanction de dix jours de cellule de discipline a été prononcée à l'encontre de M. A... par la commission de discipline ; que, suite au rejet de son recours administratif préalable, M. A...a demandé le 20 juin 2013 au tribunal administratif de Lyon, d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon du 10 octobre 2012 et de condamner l'Etat à l'indemniser pour le préjudice moral ainsi subi ; que M. A...fait appel du jugement du 20 janvier 2015 du tribunal administratif de Lyon en tant seulement que celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant la commission de discipline :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-7-8 du code de procédure pénale : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. (1) Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance. " ;

3. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la commission de discipline du 17 septembre 2012, conformément aux dispositions précédemment citées, était composée de Mme E...C..., directrice du centre pénitentiaire, présidente, de M.F..., surveillant, membre du corps d'application du personnel de surveillance, premier assesseur, et de M. Serfaty, assesseur extérieur, régulièrement habilité par une décision du président du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 27 mai 2011 ; que le requérant se borne à affirmer que la régularité de la désignation des assesseurs, membres de la commission n'est pas établie, sans apporter aucun élément permettant d'établir une irrégularité dans cette désignation ; que M. A... n'est, dès lors, pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges, bien que l'ayant à tort regardé comme inopérant, ont écarté son moyen relatif à l'irrégularité de la désignation des assesseurs de la commission de discipline ;

Sur la légalité de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon du 10 octobre 2012 :

4. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ;

5. Considérant, d'une part, que les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux détenus ne constituent pas des accusations en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, si elles peuvent être regardées comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires ; que, par ailleurs, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux détenus sont prises " en commission de discipline " par le président de cette instance puis, après recours préalable, par le directeur interrégional des services pénitentiaires ; que contrairement à ce que soutient le requérant, elles ne sont pas prononcées par un tribunal au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne relèvent pas de la matière pénale ;

6. Considérant, d'autre part, que si M. A...soutient que la sanction disciplinaire en litige peut être à l'origine de la minoration ultérieure par le juge d'application des peines du nombre de ses crédits de réduction de peine, cette circonstance est sans incidence sur la qualification de la sanction disciplinaire et ne suffit pour lui conférer le caractère d'une accusation en matière pénale ;

7. Considérant que par suite M. A...ne peut utilement invoquer, pour contester le prononcé de la sanction prise à son encontre, la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article préliminaire du code de procédure pénale, relatif aux grands principes gouvernant la procédure pénale, n'est pas assorti des précisions nécessaires pour permettre à la cour d'en apprécier la portée ;

9. Considérant, en troisième lieu, que les circonstances précises de l'incident et la description des agissements reprochés à M. A...ont été rapportées dans le compte-rendu dressé le jour même par le surveillant, objet des insultes du requérant ; qu'aucun texte, ni aucun principe applicable en l'espèce n'impose le visionnage des enregistrements de vidéosurveillance devant la commission de discipline ; que, dès lors, la matérialité des faits reprochés à M.A..., alors même que ce dernier les conteste sans preuve, doit être tenue pour établie ; que si un second compte-rendu d'un surveillant se trouvant sur les lieux au moment de l'incident ne confirme pas les faits litigieux, cette seule circonstance ne suffit pas à remettre en cause leur réalité telle que celle-ci ressort du compte-rendu d'incident ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait entachant la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : 1° De formuler des insultes, des menaces ou des outrages à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires ; (...) / 5° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-47 du même code : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré.(...) " ;

11. Considérant qu'en infligeant à M.A..., eu égard à la gravité des faits qui lui étaient reprochés et à leur caractère répété, alors que l'intéressé avait fait l'objet depuis son incarcération le 11 juin 2010, de 13 procédures disciplinaires dont cinq pour des faits d'insultes et cinq pour des faits de violences, une sanction consistant en dix jours de cellule disciplinaire, l'administration n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 octobre 2012, par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon a rejeté le recours administratif préalable formé contre la sanction disciplinaire prise à son encontre le 17 septembre 2012 par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur ce fondement par M. A...doivent, par suite, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au garde des Sceaux, ministre de la Justice.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2016.

''

''

''

''

5

N° 15LY01121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01121
Date de la décision : 20/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-10-20;15ly01121 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award