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11/01/2018 | FRANCE | N°16LY04271

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 11 janvier 2018, 16LY04271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions de la préfète de la Côte-d'Or du 27 juin 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1602886 du 21 novembre 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2016, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions de la préfète de la Côte-d'Or du 27 juin 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1602886 du 21 novembre 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2016, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 novembre 2016 ;

2°) d'annuler les décisions de la préfète de la Côte-d'Or du 27 juin 2016 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Côte-d'Or de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen selon lequel les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- ce refus méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette obligation méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- l'erreur sur le pays de renvoi désigné ne peut être regardée comme une simple erreur matérielle.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2017, la préfète de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Yves Boucher, président de chambre ;

1. Considérant que Mme C..., ressortissante moldave, née le 26 décembre 1986, est arrivée en France le 27 septembre 2014, selon ses déclarations ; qu'elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 27 juin 2016, le préfet de la Côte-d'Or lui a opposé un refus, assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ; que Mme C... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté préfectoral en litige énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à sa situation personnelle et familiale sur lequel se fonde le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ; que ce refus est ainsi suffisamment motivé d'un point de vue formel, conformément aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; que c'est ainsi à bon droit que le moyen selon lequel la motivation de ce refus serait insuffisante a été écarté par les premiers juges dont le jugement est lui-même suffisamment motivé sur ce point ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" pour les étrangers ne relevant pas du regroupement familial ; que Mme C..., qui est l'épouse, depuis le 14 mars 2015, d'un compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2017, entre dans la catégorie des étrangers ouvrant droit au regroupement familial ; que, par suite, elle ne peut prétendre au bénéfice de ces dispositions et ne peut utilement s'en prévaloir ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'en invoquant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, la requérante doit être regardée comme se prévalant des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant à toute personne un tel droit ; que cependant, alors qu'elle n'est présente en France que depuis moins de deux ans à la date du refus contesté, Mme C... a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans en Moldavie où elle conserve des attaches familiales en la personne notamment de sa mère ; que, dans ces conditions, et compte tenu notamment de la possibilité dont elle dispose de bénéficier d'un regroupement familial pour elle-même et pour sa fille, âgée de six mois à la date du refus en litige, le refus de titre de séjour en litige ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce et au regard des buts qu'il poursuit, comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que, pour les mêmes motifs, en s'abstenant d'user de son pouvoir de régularisation, l'autorité administrative ne peut être regardée comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsque la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger qui en fait l'objet ; qu'ainsi qu'il est dit au point 2, le refus de titre de séjour opposé à Mme C... est suffisamment motivé ; que le moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée doit par suit être écarté ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que, pour les motifs déjà exposés au point 4 en ce qui concerne le refus de titre de séjour, les moyens selon lesquels l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de renvoi :

7. Considérant que Mme C... est de nationalité moldave et n'est pas ressortissante du Kosovo ; qu'ainsi en prescrivant que Mme C... "pourra être reconduite d'office à destination du Kosovo, pays dont elle possède la nationalité", le préfet de la Côte-d'Or a entaché sa décision désignant le pays de renvoi d'une erreur de fait ; que cette erreur, qui n'est pas dépourvue d'incidence sur les conditions d'exécution forcée de la mesure d'éloignement, ne saurait être regardée comme purement matérielle ; que Mme C... est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif n'a pas prononcé l'annulation de la décision désignant le Kosovo comme pays de renvoi ; qu'il y a lieu, au titre de l'effet dévolutif, de prononcer l'annulation de cette décision pour erreur de fait ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision désignant le Kosovo comme pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de la demande de Mme C... dirigées contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français et se borne à annuler la décision désignant le Kosovo comme pays de renvoi, n'appelle pas de mesures d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce que de telles mesures soient prescrites sous astreinte à l'administration doivent être rejetées ;

Sur les frais d'instance :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que la requérante demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 novembre 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 27 juin 2016 par laquelle la préfète de la Côte-d'Or a désigné le Kosovo comme pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Article 2 : La décision de la préfète de la Côte-d'Or du 27 juin 2016 désignant le Kosovo comme pays de renvoi est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., épouseC..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée :

- à la préfète de la Côte-d'Or ;

- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2018.

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au préfet de la Côte-d'Or en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

1

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N° 16LY04271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04271
Date de la décision : 11/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Yves BOUCHER
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : MURGULIA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-01-11;16ly04271 ?
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