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22/03/2018 | FRANCE | N°16LY00103

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 22 mars 2018, 16LY00103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL LVS " Le Pink's Club " et le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 mars 2012 du préfet du Rhône réglementant la police des débits de boissons et restaurants dans le département du Rhône et fixant les périmètres de protection.

Par un jugement n° 1203428 du 9 novembre 2015, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2016, la SAR

L LVS " Le Pink's Club " et le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL LVS " Le Pink's Club " et le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 mars 2012 du préfet du Rhône réglementant la police des débits de boissons et restaurants dans le département du Rhône et fixant les périmètres de protection.

Par un jugement n° 1203428 du 9 novembre 2015, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2016, la SARL LVS " Le Pink's Club " et le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs, représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en ce que le préfet n'a pas suivi la position formulée par l'administration dans le relevé de conclusions relatif à la consultation des organisations syndicales sur le projet de modification de l'arrêté du 6 juillet 2010 ;

- la fermeture des débits de boissons à 1 heure du matin est injustifiée et disproportionnée ;

- le préfet a commis une erreur de droit et limité son propre pouvoir d'appréciation dès lors que l'arrêté ne prévoit pas d'alternative à la dérogation prévue à son article 4 ;

- l'arrêté crée une inégalité de traitement entre les établissements à ambiance musicale et porte une atteinte grave aux principes d'égalité et de sécurité juridique ;

- il crée une nouvelle catégorie de débits de boissons dont il ne donne aucune définition ; elle est contraire à celle envisagée par le conseil de la concurrence ; elle crée une rupture d'égalité entre les débits de boissons ;

- il porte une atteinte injustifiée et grave à l'ordre, à la tranquillité et à la santé publics en ce qu'il a pour effet de permettre à plus de débits de boissons de servir de l'alcool plus longtemps, dans le but de satisfaire une revendication catégorielle ;

- la création de cette nouvelle catégorie de débits de boissons porte une atteinte injustifiée à la libre-concurrence sur le marché des débits de boissons dansants et méconnaît l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 novembre 2011 ;

- l'arrêté astreint les discothèques à disposer d'un service de sécurité ou d'un vestiaire alors qu'il n'existe aucun lien entre la sécurité et la détermination de l'objet principal ; la présence d'un service de sécurité ou d'un vestiaire n'est pas un critère suffisant pour permettre la qualification de discothèque d'un établissement ; cette obligation n'est pas justifiée.

Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête ne respecte pas les dispositions de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative et est tardive ;

- à défaut d'avoir été présentée par une personne ou un organe ayant qualité pour agir au nom du syndicat, elle n'est pas recevable ;

- les moyen soulevés par la SARL LVS " Le Pink's Club " et le syndicat national des discothèques ne sont pas fondés.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code du tourisme ;

- le code de commerce

- code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel ;

- et les conclusions de M.A... ;

1. Considérant que la société LVS " Le Pink's Club " et le syndicat national des discothèques et lieux de loisirs relèvent appel du jugement du 9 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 20 mars 2012 du préfet du Rhône réglementant la police des débits de boissons et restaurants dans le département du Rhône et fixant les périmètres de protection ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 3 de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune (...) " ;

3. Considérant que ces dispositions donnent compétence au représentant de l'Etat dans le département pour prendre les mesures qui, dans le cadre du département ou dans tout cadre pertinent excédant celui d'une seule commune, sont nécessaires pour prévenir les atteintes à l'ordre public ; qu'il s'ensuit que, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le préfet du Rhône était bien compétent pour réglementer dans l'arrêté du 20 mars 2012 les horaires d'ouverture et de fermeture des débits de boissons et restaurants, dès lors que cette réglementation était destinée à prévenir les risques de troubles à l'ordre et à la santé publics pouvant résulter de l'activité de ces établissements dans le département ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort du relevé de conclusions relatif à la consultation le 9 février 2012 des organisations syndicales sur le projet de modification de l'arrêté du 6 juillet 2010, que lors de la réunion du 26 janvier 2012, il avait été demandé à ces organisations de proposer une position commune sur le projet de modification de l'arrêté du 6 juillet 2010, après son annulation partielle par un jugement du 16 novembre 2011 du tribunal administratif de Lyon, devenu définitif, et qu'en l'absence d'une position commune, l'administration prendrait position ; qu'aux termes de ce relevé : " Il ressort des débats de ce jour qu'une entente n'a pu être trouvée. Le préfet indique les horaires proposés par l'administration : (...) bar à ambiance musicale et restaurant à ambiance musicale : ouverture à 9 heures et fermeture à 3 heures (...) " ; qu'alors même qu'aucune disposition des textes applicables ne rendait obligatoire la consultation des organisations syndicales sur le projet de modification de l'arrêté du 6 juillet 2010, le préfet était tenu, comme il l'a fait, dès lors qu'il a recouru spontanément à la concertation dont il a fixé les règles, de soumettre sa position à la consultation préalablement à l'intervention de l'arrêté du 20 mars 2012 contesté ; que si cet arrêté, intervenu un mois après cette réunion de concertation du 9 février 2012, fixe l'heure d'ouverture à 5 heures du matin et l'heure de fermeture à 1 heure, ou 4 heures, sur dérogation pour, notamment, les bars et restaurants à ambiance musicale, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir d'un manquement à la procédure contradictoire, dès lors que le préfet, dans le respect des pouvoirs qu'il tient du 3° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales précité, ne s'était pas engagé à organiser un nouveau débat avec les organisations syndicales après avoir arrêté sa position ;

5. Considérant, en troisième lieu, que dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application ;

6. Considérant que la prise en compte, prévue par l'article 4 de l'arrêté contesté, des caractéristiques du lieu d'implantation de l'établissement est objectivement nécessaire pour apprécier les troubles à l'ordre public ou à la tranquillité du voisinage que les dérogations à l'heure de fermeture sont susceptibles de générer ou d'amplifier et ne crée dès lors aucun effet discriminatoire direct ; que les requérantes ne peuvent utilement invoquer à cet égard le principe de sécurité juridique qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps ;

7. Considérant que le préfet du Rhône a pu légalement dénommer dans son arrêté " bars à ambiance musicale " les établissements exploitant une activité de danse à titre accessoire, alors même que le conseil de la concurrence et la SACEM réservent cette dénomination aux établissements dont la recette principale est constituée par la vente de consommations, sans piste de danse ou danse, et pour lesquels la diffusion de musique est un élément accessoire de leur activité ; qu'eu égard au régime horaire propre aux établissements qui exploitent à titre principal une piste de danse à haut niveau sonore, communément dénommés " discothèques ", qui peuvent ouvrir jusqu'à 7 heures du matin, l'inclusion des " bars à ambiance musicale " dans la liste fixée à l'article 4 de l'arrêté des établissements susceptibles de bénéficier d'une dérogation de fermeture à 4 heures du matin ne porte pas une atteinte injustifiée au principe de la libre concurrence ;

8. Considérant qu'il est fait grief à l'arrêté contesté d'imposer aux discothèques de disposer d'un service de sécurité ou d'un vestiaire ; qu'ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal, cette obligation est justifiée par la nature de l'activité de ces établissements et des risques induits de troubles à l'ordre public, notamment de rixes ; que le préfet n'a pas fait de cette obligation un critère de distinction entre cette catégorie d'établissements et les " bars à ambiance musicale " qui doivent pour leur part justifier des dispositifs mis en place pour prendre en compte les impératifs d'ordre et de santé publics pour bénéficier d'une dérogation ; qu'ainsi cette obligation n'est pas davantage constitutive d'une atteinte injustifiée au principe de la libre concurrence ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 novembre 2011 a annulé l'arrêté du 6 juillet 2010 en tant, notamment, qu'il permettait aux " bars à ambiance musicale " de bénéficier d'une amplitude horaire maximale de 21 heures, alors que pour les discothèques cette amplitude était de 19 heures ; que l'arrêté contesté, qui fixe à 19 heures l'amplitude horaire pour tous les établissements de nuit, a pu, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif du jugement du 16 novembre 2011, autoriser les " bars à ambiance musicale " à bénéficier d'une dérogation de fermeture à 4 heures du matin ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que les requérants soutiennent que le préfet a commis une erreur de droit et limité son propre pouvoir d'appréciation en ce que l'arrêté contesté ne prévoit pas d'alternative à la dérogation prévue à son article 4 ; que ce moyen qui ne diffère pas de celui invoqué en première instance, n'est assorti d'aucune précision supplémentaire ni d'aucun élément de nature à critiquer les motifs par lesquels le tribunal administratif ne l'a pas accueilli ; que, par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif ;

11. Considérant, en sixième lieu, que si les requérants soutiennent que l'arrête contesté a pour effet de permettre à plus de débits de boissons de servir de l'alcool plus longtemps, l'ouverture jusqu'à 4 heures du matin n'est accordée aux établissements concernés que sous réserve de la vérification de la compatibilité de cette dérogation avec les impératifs d'ordre et de santé publics ; que même si une revendication catégorielle a pu influer sur le choix des établissements pouvant bénéficier d'un régime horaire dérogatoire, il ne s'ensuit pas cependant, au vu de l'ensemble des éléments pris en considération, que l'arrêté contesté serait entaché de détournement de pouvoir ;

12. Considérant, en dernier lieu, que s'agissant de l'heure de fermeture à 1 heure du matin du régime de droit commun, il ne peut être utilement fait grief au préfet de ne pas avoir confirmé sa proposition formulée dans le relevé de conclusions relatif à la consultation le 9 février 2012, compte tenu des pouvoirs qu'il tient du 3° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ; qu'au surplus, cet horaire a été fixé dès 1974 et reconduit lors de la refonte en 2010 de l'arrêté réglementant la police des débits de boissons et restaurants dans le département du Rhône ; que la fixation de l'heure de fermeture à 1 heure du matin n'apparait pas disproportionnée à l'objectif poursuivi du seul fait que dans des départements accueillant une métropole comparable à celle de Lyon, l'ouverture de l'ensemble des débits de boissons serait permise jusqu'à 2 heures du matin ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir, la société LVS " Le Pink's Club " et le Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société LVS " Le Pink's Club " et du syndicat national des discothèques et lieux de loisirs est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société LVS " Le Pink's Club ", au Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 mars 2018.

5

N° 16LY00103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00103
Date de la décision : 22/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Autorités détentrices des pouvoirs de police générale - Préfets.

Police - Police générale - Tranquillité publique.

Police - Polices spéciales - Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : DE BEAUREGARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-22;16ly00103 ?
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