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29/03/2018 | FRANCE | N°16LY01877

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 5, 29 mars 2018, 16LY01877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et MmeB... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités dont elles ont été assorties, et d'annuler la reprise par l'administration fiscale du droit à restitution des impôts directs selon les dispositions des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts alors applicables au titre de l'année 2010.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et MmeB... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de leur accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et des pénalités dont elles ont été assorties, et d'annuler la reprise par l'administration fiscale du droit à restitution des impôts directs selon les dispositions des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts alors applicables au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1301422 du 15 mars 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2016, et un mémoire, enregistré le 3 janvier 2017, présentés pour M. et Mme A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1301422 du 15 mars 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de leur accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes et le droit à restitution des impôts directs au titre de l'année 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la défaillance de M. A... dans le remboursement du crédit accordé par la société HSBC Private Bank France a, conformément à l'article 2365 du code civil, automatiquement entraîné le transport de la créance nantie dans le patrimoine de cette dernière qui détenait alors un droit exclusif à obtenir le paiement de la créance produisant les effets d'un droit de rétention ;

- dès lors que, dès la notification, le créancier acquiert la libre disposition de la créance nantie et que cette propriété temporaire du créancier nanti se transforme en pleine propriété en cas de défaillance du débiteur cédé lors du dénouement, M. A..., qui se trouvait bien en situation de défaillance au sens de 1' article 2365 du code civil puisqu'il ne s'était pas acquitté de sa dette vis-à-vis de la société HSBC à son échéance survenue le 13 février 2009, n'avait donc plus la propriété de la créance nantie au moment du versement, le 17 février 2009, des sommes dues au titre de la créance garantie ; à aucun moment M. A... n'a eu la disposition ou la propriété des intérêts liés à la créance cédée le 13 février 2009, d'autant que c'est à tort que le virement opéré le 17 février 2009 par la société Financière de l'Aspérule a été crédité sur le compte personnel de M. A... alors qu'il aurait dû être imputé sur un compte interne de la banque :

- dès lors qu'un contribuable ne peut être regardé comme disposant des intérêts qui sont payés en raison d'une créance qui ne lui appartient plus, M. A... ne pouvait donc être regardé comme ayant eu la disposition des intérêts relatifs à une créance sur laquelle il ne possédait plus aucun droit à la date de leur paiement ; n'ayant jamais eu la disposition de la somme de 472 875 euros correspondant aux intérêts de la créance nantie, cette somme n'avait pas à être ajoutée aux revenus de l'année 2009 des époux A...et il n'y avait pas lieu de remettre en cause la restitution de 141 740 euros accordée en 2010 en application des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts.

Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que la somme de 472 875 euros correspondant aux intérêts du prêt de 3 000 000 euros consenti par M. A... lors de la cession à la SAS Financière de l'Aspérule de la totalité des titres qu'il détenait dans la SAS Ventalis, constitutive d'un revenu au sens de l'article 124 du code général des impôts, a été réintégrée dans les bases imposables de M. et Mme A... pour l'année 2009, dès lors que le nantissement d'une créance n'entraîne pas de transfert de sa propriété ;

- il ne peut être sérieusement soutenu que M. et Mme A... n'ont pas eu la disposition des revenus litigieux, dès lors qu'il n'est pas contesté que les sommes versées par la SAS Financière de l'Aspérule ont été créditées sur leur compte personnel, peu important que le versement des sommes directement à M. et Mme A... ait ou non contrevenu aux dispositions de l'article 2363 du code civil ;

- même si les intérêts attachés à la créance nantie avaient été encaissés par HSBC Private Bank France, ils auraient dû néanmoins être imposés entre les mains de M. et Mme A..., dès lors que ceux-ci auraient été réputés en avoir eu la disposition, alors qu'il convient à cet égard de ne pas confondre, d'une part, les intérêts générés par le prêt consenti à la SAS Financière de l'Aspérule par M. A... et, d'autre part, les intérêts générés par l'ouverture de crédit consentie à M. A... par HSBC Private Bank France, qui sont des revenus distincts ;

- au regard de la chronologie des événements, il ne peut être soutenu que M. A... aurait été en situation de défaillance, que ce soit au sens de l'article 2364 du code civil ou de l'article 2365 du même code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- les observations de Me Devis, avocat de M. et Mme A... ;

1. Considérant que par une convention du 14 février 2006, M. A... a cédé à la SAS Financière de l'Aspérule la totalité des titres qu'il détenait dans la SAS Ventalis ; qu'il a, pour ce faire, consenti à la SAS Financière de l'Aspérule un prêt, qualifié de crédit vendeur, d'un montant de 3 millions d'euros portant intérêts au taux de 5 % l'an, remboursable dans son intégralité, augmenté des intérêts, le 13 février 2009 ; que, par un acte du 20 décembre 2006, M. A... a cédé la créance ainsi détenue en garantie de l'ouverture d'un crédit consenti pour un montant de 3 179 886 euros par la société HSBC Private Bank France ; que, le 17 février 2009, le compte ouvert par M. et Mme A... au sein de l'établissement HSBC Private Bank France a été crédité d'un montant de 3 472 875 euros au titre du remboursement de la créance détenue sur la SAS Financière de l'Aspérule, ce mouvement comportant l'intitulé " virement reçu de Financière de l'Aspérule " ; qu'à la suite d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle de M. et Mme A..., les intérêts, d'un montant de 472 875 euros, ainsi perçus ont été considérés comme des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2009 et réintégrés dans leurs bases imposables à l'impôt sur le revenu ; que ces cotisations supplémentaires, ainsi que les cotisations sociales en découlant, ont été assorties des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du même code en cas d'insuffisance de déclaration ; que cette rectification a eu, par ailleurs, pour effet de remettre en cause le droit à restitution d'impôt sur le revenu qui avait été ouvert à M. et Mme A... au titre de l'année 2010 en application du dispositif alors applicable du " bouclier fiscal " établi par les articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts ; que M. et Mme A... ont demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que de contributions sociales et des pénalités dont elles ont été assorties, auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre de l'année 2009 ; qu'ils ont également demandé l'annulation de la reprise par l'administration fiscale de l'application du dispositif du " bouclier fiscal " aux impôts directs sur les revenus de l'année 2009 selon les dispositions des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts alors applicables ; que M. et Mme A... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. " ; qu'aux termes de l'article 124 dudit code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article, lorsqu'ils ne figurent pas dans les recettes provenant de l'exercice d'une profession industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou d'une exploitation minière, les intérêts, arrérages, primes de remboursement et tous autres produits : / 1° Des créances hypothécaires, privilégiées et chirographaires, à l'exclusion de celles représentées par des obligations, effets publics et autres titres d'emprunts négociables entrant dans les prévisions des articles 118 à 123 " ; qu'aux termes de l'article 125 du même code : " Le revenu est déterminé par le montant brut des intérêts, arrérages, primes de remboursement ou tous autres produits des valeurs désignées à l'article 124. L'impôt est dû par le seul fait, soit du paiement des intérêts, de quelque manière qu'il soit effectué, soit de leur inscription au débit ou au crédit d'un compte (...). " ;

3. Considérant qu'en dehors des cas prévus par la loi, l'acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un nantissement de créance ; qu'aux termes de l'article 2355 du code civil " Le nantissement est l'affectation, en garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs. / Il est conventionnel ou judiciaire. " ; qu'aux termes de l'article 2363 du même code : " Après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu'en intérêts. / Chacun des créanciers, les autres dûment appelés, peut en poursuivre l'exécution. " ; qu'aux termes de l'article 2364 dudit code : " (...) En cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et huit jours après une mise en demeure restée sans effet, le créancier affecte les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées. " ; qu'aux termes de l'article 2365 : " En cas de défaillance de son débiteur, le créancier nanti peut se faire attribuer, par le juge ou dans les conditions prévues par la convention, la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s'y rattachent. / Il peut également attendre l'échéance de la créance nantie. " ;

4. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, le 17 février 2009, le compte ouvert par M. et Mme A... au sein de l'établissement HSBC Private Bank France a été crédité d'un montant de 3 472 875 euros au titre du remboursement de la créance détenue sur la SAS Financière de l'Aspérule ; que, pour un montant de 472 875 euros, cette somme correspondait au versement par la SAS Financière de l'Aspérule des intérêts du prêt, d'un montant de 3 millions d'euros, consenti à cette société par M. A... lors de la cession des titres qu'il détenait dans la SAS Ventalis ; que ladite somme a été considérée comme des revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2009 ; qu'il résulte de l'instruction que la convention du 20 décembre 2006 doit être regardée comme constituant un acte de nantissement de la créance détenue par M. A... sur la SAS Financière de l'Aspérule et non comme un acte de cession de cette créance, en l'absence en particulier d'un prix de cession ; qu'ainsi, il n'en résulte pas qu'en cas de défaillance du débiteur, le créancier nanti pouvait se faire attribuer la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s'y rattachent ; que, d'une part, les sommes redressées ont été utilisées, pour partie, pour procéder au remboursement de la dette contractée par M. A... à la suite de l'ouverture d'un crédit consenti, pour un montant de 3 179 886 euros, par la société HSBC Private Bank France, et que ce remboursement n'est intervenu que postérieurement à la date d'échéance de ce prêt, fixée au 13 février 2009, sans toutefois faire suite à une mise en demeure ; que, d'autre part, M. A... allègue que la somme versée par la SAS Financière de l'Aspérule l'aurait été à tort sur son compte personnel ; que, nonobstant ces circonstances, les requérants n'en doivent pas moins être regardés comme ayant eu la disposition de cette somme au sens de l'article 12 du code général des impôts, dès lors qu'elle a été affectée au règlement de dettes exigibles de M. et Mme A... ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mars 2018.

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N° 16LY01877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 16LY01877
Date de la décision : 29/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Revenus à la disposition.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-29;16ly01877 ?
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