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29/05/2018 | FRANCE | N°16LY01216

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 29 mai 2018, 16LY01216


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Hencasteblan a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2013 par lequel le maire de la commune de Montbonnot-Saint-Martin a délivré un permis de construire une maison individuelle d'habitation à M. et Mme A..., ainsi que la décision du 24 septembre 2013 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1306136 du 8 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande, a condamné la SCI Hencasteblan à verser à M. et Mme A...

une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Hencasteblan a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2013 par lequel le maire de la commune de Montbonnot-Saint-Martin a délivré un permis de construire une maison individuelle d'habitation à M. et Mme A..., ainsi que la décision du 24 septembre 2013 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1306136 du 8 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande, a condamné la SCI Hencasteblan à verser à M. et Mme A... une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, lui a infligé une amende de 1 000 euros pour recours abusif au titre de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et a mis à sa charge le versement à la commune de Montbonnot-Saint-Martin et à M. et Mme A...d'une somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 avril 2016, la SCI Hencasteblan, représentée par la SELARL cabinet Cabanes-Cabanes Neveu associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 février 2016 ;

2°) d'annuler le permis de construire du 17 juillet 2013 et la décision du 24 septembre 2013 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par les M. et Mme A... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Montbonnot-Saint-Martin et de M. et Mme A... une somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a fait droit à la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de son recours contentieux ; les délais de recours contre le permis n'ont pas été déclenchés du fait de l'affichage irrégulier du permis de construire, qui ne mentionnait ni l'adresse de la mairie ni les coordonnées des pétitionnaires ; elle n'a pu notifier le recours gracieux adressé au maire de Montbonnot-Saint-Martin aux pétitionnaires conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme puisqu'elle ne disposait pas de leurs coordonnées ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions des articles UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) et R. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- son recours n'excède pas la défense de ses intérêts légitimes ;

- l'amende infligée n'est pas fondée puisque son recours ne présente pas de caractère abusif ;

- le tribunal ne pouvait mettre à sa charge une quelconque somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2016, rectifié par un mémoire enregistré le 31 Janvier 2018, la commune de Montbonnot-Saint-Martin, représentée par la SELARL Bellin-G..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la SCI Hencasteblan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 23 juin 2016, Mme E... B..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Hencasteblan au titre des frais qu'elle a exposés.

Elle fait valoir que :

- elle a intérêt à intervenir en sa qualité de vendeur du terrain pour lequel le permis de construire en litige a été délivré ;

- elle s'associe aux conclusions de la commune Montbonnot-Saint-Martin et de M. et Mme A....

Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2016, M. et Mme F... et Florence A..., représentés par la SELARL CDMF-avocats affaires publiques, concluent au rejet de la requête et demandent que le montant de l'indemnité mise à la charge de la SCI Hencasteblan sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme soit porté de 3 000 à 75 729,53 euros et qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- ils justifient de l'intégralité de leurs préjudices constitués d'une indemnité d'immobilisation de 17 815 euros, de frais d'architecte, d'études et d'huissier pour l'affichage d'un montant global de 16 301,72 euros, de frais financiers liés aux assurances du prêt bancaire pour un montant global de 384,09 euros, de frais liés à la prolongation de la location de leur habitation pour un montant de 36 228,72 euros, de troubles dans leurs conditions d'existence et d'un préjudice global et familial évalué à 5 000 euros.

Par ordonnance du 24 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour M. et Mme A..., ainsi que celles de Me G... pour la commune de Montbonnot-Saint-Martin ;

1. Considérant que par arrêté du 17 juillet 2013, le maire de la commune de Montbonnot-Saint-Martin a délivré un permis de construire une maison individuelle d'habitation principale à M. et Mme A..., d'une surface totale de 247 m² dont 214 m² de plancher, sur la parcelle AD n° 360 d'une superficie de 999 m² ; que la SCI Hencasteblan relève appel du jugement du 8 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et l'a condamnée à verser la somme de 3 000 euros à M. et Mme A... sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, à payer une amende de 1 000 euros au titre de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et à verser à la commune de Montbonnot-Saint-Martin et à M. et Mme A... une somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'intervention de Mme B... :

2. Considérant qu'en sa qualité de vendeur du terrain d'assiette de la construction projetée, Mme B... a intérêt à intervenir au soutien des défendeurs à l'instance ; que, par suite, son intervention doit être admise ;

Sur la recevabilité des conclusions de première instance tendant à l'annulation du permis de construire du 17 juillet 2013 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt (...) du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. " ; qu'aux termes de l'article R. 600-2 du même code : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. " ; qu'aux termes de l'article A. 424-16 du même code : " Le panneau prévu à l'article A. 424-1 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il ressort de deux procès-verbaux dressés par huissier de justice des 24 juillet et 24 septembre 2013 que le permis de construire délivré à M. et Mme A... a été affiché devant le terrain d'assiette du projet pendant plus de deux mois consécutifs et au plus tard à compter du 24 juillet 2013 ; que cet affichage mentionnait le bénéficiaire du permis, son numéro et sa date d'obtention ainsi que la superficie du terrain et de plancher, la hauteur du bâtiment et la nature des travaux ; que si le panneau d'affichage mentionnait comme adresse "mairie : Montbonnot-Saint-Martin" sans indiquer l'adresse précise du service d'urbanisme de la commune où l'entier dossier pouvait être consulté, cette circonstance n'est pas de nature à vicier la régularité de l'affichage, dès lors que les autres indications étaient suffisantes pour permettre aux tiers d'identifier clairement le permis et de le consulter en mairie ; qu'il suit de là que le délai de recours contentieux contre l'arrêté du 17 juillet 2013 par lequel le maire de Montbonnot-Saint-Martin a délivré un permis de construire à M. et Mme A... ont commencé à courir à compter du 24 juillet 2013 ;

5. Considérant d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que la SCI Hencasteblan a formé un recours gracieux contre le permis de construire en litige par courrier du 16 septembre 2013, reçu en mairie le même jour ; que si la SCI Hencasteblan a notifié ce recours gracieux à M. et Mme A..., il ressort des pièces du dossier que la lettre recommandée contenant cette notification n'a été remise aux services postaux que le 16 octobre 2013, soit au-delà du délai de quinze jours francs imparti à cet effet par les dispositions de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme citées au point 3 ; que, dans ces conditions, ce recours gracieux n'a pu proroger le délai de recours contentieux qui a commencé à courir le 24 juillet 2013 ; que, par suite, le délai de recours contentieux de deux mois était expiré le 19 novembre 2013, date d'enregistrement de la demande d'annulation du permis de construire en litige au greffe du tribunal administratif de Grenoble ; que la SCI Hencasteblan n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme tardives ses conclusions à fin d'annulation du permis de construire du 17 juillet 2013 ;

Sur les conclusions indemnitaires de M. et Mme A... au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Hencasteblan est propriétaire indivis de la parcelle AD n° 108 qui est le chemin d'accès commun à la parcelle où se situe le siège social de SCI et où réside sa gérante, ainsi qu'aux parcelles voisines alloties, dont celle sur laquelle est implanté le projet pour lequel M. et Mme A... ont obtenu le permis de construire en litige ; que la demande de la SCI, qui s'appuyait notamment sur une contestation du caractère suffisant des accès pour desservir la construction projetée, doit être regardée comme visant ainsi à défendre des intérêts légitimes affectés par la délivrance d'une autorisation d'urbanisme au sens des dispositions citées au point 6 ; qu'au surplus, il ne résulte pas de l'instruction que l'abandon de son projet par le pétitionnaire après l'introduction du recours de la SCI présente un lien de causalité avec les préjudices allégués ; que, par suite, la SCI Hencasteblan est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a fait droit aux conclusions indemnitaires de M. et Mme A..., dont les conclusions incidentes tendant à la majoration de l'indemnité qui leur a été allouée par les premiers juges doivent être rejetées ;

Sur l'amende pour recours abusif :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. " ;

9. Considérant qu'alors même que la demande de la SCI Hencasteblan était irrecevable faute de notification régulière de son recours gracieux, elle ne peut être regardée comme présentant un caractère abusif eu égard à ce qui est dit ci-dessus au point 7 sur le caractère légitime de l'intérêt qu'elle entendait défendre ; qu'il en résulte que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée au paiement d'une amende de 1 000 euros au titre de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit aux points 3 à 5 que la SCI Hencasteblan doit être regardée comme étant partie perdante en première instance ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge le versement de sommes au titre des frais exposés par les défendeurs ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Hencasteblan est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamnée à verser à M. et Mme A... une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et que, par l'article 6 de ce jugement, ils l'ont condamnée à payer une amende de 1 000 euros ;

Sur les frais liés au litige d'appel :

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions que les parties et l'intervenante présentent en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de Mme B... est admise.

Article 2 : Les articles 3 et 6 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 février 2016 sont annulés.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à l'application de L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties et de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Hencasteblan, à la commune de Montbonnot-Saint-Martin, à M. et Mme A... et à Mme E... B....

Délibéré après l'audience du 27 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mai 2018.

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N° 16LY01216

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01216
Date de la décision : 29/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Jugements - Amende pour recours abusif.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Obligation de notification du recours.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : CABANES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-29;16ly01216 ?
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