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03/07/2018 | FRANCE | N°16LY03726

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2018, 16LY03726


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 19 mai 2016 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui a notamment refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire.

Par un jugement n° 1601789 du 10 octobre 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 9 novembre 2016, M. B..., représenté par Me E..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 19 mai 2016 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui a notamment refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire.

Par un jugement n° 1601789 du 10 octobre 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2016, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 10 octobre 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 19 mai 2016 par laquelle le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, à titre subsidiaire, au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement du tribunal n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir préalablement saisi la commission des étrangers eu égard à ses dix années de présence en France ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il réside depuis dix ans en France, au motif qu'il est célibataire, sans enfant, qu'il a de la famille en Turquie et qu'il n'a pas de ressources, le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2016, le préfet de l'Yonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour est nouveau en appel et procède d'une cause juridique distincte et qu'il n'est, par suite, pas recevable ;

- les autres moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeF..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant le préfet de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 2 février 1968, de nationalité turque, déclare être entré en France le 5 mai 1987. Il relève appel du jugement en date du 10 octobre 2016, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 19 mai 2016 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui a notamment refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Dijon, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments présentés par le requérant au soutien de son moyen et de citer les différentes pièces qu'il avait présentées pour justifier de la durée de son séjour en France, pièces qu'il n'avait au demeurant pas produites devant le tribunal, a suffisamment motivé la réponse qu'il a apportée au moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le refus de titre de séjour :

3. M. B... n'a invoqué devant le tribunal administratif que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision attaquée. S'il soutient que le préfet ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir préalablement saisi la commission des étrangers eu égard à ses dix années de présence en France, ces prétentions fondées sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel.

4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédation applicable en l'espèce : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ". Les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.

5. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a noté le préfet de l'Yonne dans la décision litigieuse que si M. B... indique être entré en France en 1987, il n'en apporte pas la preuve. M. B... a successivement fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une invitation à quitter le territoire français le 19 juin 2003, puis d'un refus implicite de délivrance d'un titre de séjour à la suite d'une nouvelle demande de titre de séjour présentée le 25 octobre 2006, dont le recours a été rejeté par le tribunal administratif de Dijon le 26 mars 2009 et la cour administrative d'appel de Lyon le 18 novembre 2009, puis le 1er décembre 2011 d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français, annulés pour un vice de procédure. Les pièces produites par l'intéressé dans le cadre de la présente instance ne permettent pas d'établir que, contrairement à ce qu'a indiqué le préfet, sa présence en France serait avérée au cours des années 2003, 2005, 2006 et 2007. Il en va également ainsi de l'année 2008 pour laquelle les pièces produites ne suffisent pas à attester de sa résidence en France. Bien que l'un des frères de M. B..., qui l'héberge, réside régulièrement en France ainsi qu'une partie de ses cousins, neveux et nièces, la majorité de ses frères et soeurs résident en Turquie. Il est célibataire et sans enfant. Il ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française, la commission du titre de séjour réunie le 19 février 2015, ayant à cet égard noté qu'il ne maîtrisait pas la langue française. Hormis des promesses d'embauche, notamment dans la boucherie dirigée par son frère, réitérées à chaque demande de régularisation de sa situation, et la preuve qu'il avait travaillé quelques jours en septembre 2014 en qualité de bûcheron, avant qu'il ne soit victime d'un accident du travail, M. B... ne justifie d'aucune insertion professionnelle en France. Dans ces conditions, et malgré la durée de séjour de l'intéressé en France, le préfet a pu, sans commettre ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation, refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet de l'Yonne n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, moyen auquel les premiers juges ont suffisamment répondu. Il y a lieu, en conséquence, et dans la mesure où les pièces produites par M. B... en appel sur son état de santé ne portent que sur ses différentes hospitalisations, de rejeter par adoption des motifs des premiers juges ce moyen.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme C..., première conseillère,

Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2018.

2

N° 16LY03726


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03726
Date de la décision : 03/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ASTRUC-GAVALDA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-03;16ly03726 ?
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