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22/10/2018 | FRANCE | N°17LY01307

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 22 octobre 2018, 17LY01307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Grand Casino de Lyon a demandé au tribunal administratif de Paris la condamnation de l'État à lui verser la somme de 84 157,24 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité de la décision du 16 novembre 2007 du ministre chargé du travail autorisant le licenciement de M. C....

Par un jugement n° 1503606 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'État à lui verser la somme de 27 064,55 euros et a rejeté le surplus de ces conclusions.
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Par une requête, enregistrée le 21 mars 2017, la SAS Grand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Grand Casino de Lyon a demandé au tribunal administratif de Paris la condamnation de l'État à lui verser la somme de 84 157,24 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité de la décision du 16 novembre 2007 du ministre chargé du travail autorisant le licenciement de M. C....

Par un jugement n° 1503606 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'État à lui verser la somme de 27 064,55 euros et a rejeté le surplus de ces conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2017, la SAS Grand Casino de Lyon, représentée par la SELARL Céline A...et associés, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 janvier 2017 en tant qu'il a limité la condamnation de l'État à la somme de 27 064,55 euros ;

2°) à titre principal, de condamner l'État à lui verser la somme de 84 157,24 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'autorisation de licenciement du 16 novembre 2007 et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'État à lui verser la somme de 42 078,67 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'autorisation de licenciement du 16 novembre 2007 et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité dont était entachée la décision du 16 novembre 2007 du ministre chargé du travail constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État ;

- le tribunal ne pouvait pas considérer que la production de l'attestation de M. B... à l'appui de la demande de licenciement de M. C... permettait d'exonérer l'État à hauteur des deux tiers de sa responsabilité ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préjudice direct résultant de la faute de l'administration s'élève à 84 757,24 euros.

La requête a été communiquée au ministre chargé du travail qui n'a pas produit d'observations.

Vu ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Ruiz, avocate, substituant Me A..., pour la SAS Grand Casino de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Grand Casino de Lyon employait depuis le 18 juin 2001 M. C... en qualité de technicien de machines à sous. Ce salarié exerçait également, au sein de la société, les fonctions de membre titulaire de la délégation unique du personnel et de délégué syndical. Le 22 mars 2007, son employeur a sollicité l'autorisation de le licencier pour faute en lui reprochant d'avoir pris l'initiative préméditée de faire modifier ses horaires de travail afin d'être le seul technicien présent au moment où il entendait prendre ses heures de délégation, d'avoir incité deux collègues à se rendre injoignables après leur service dans le but d'entraîner, par son absence, une interruption de l'exploitation du casino, d'avoir ainsi contraint le casino à fermer ses portes le dimanche 11 février 2007 pendant deux heures et d'avoir empêché le paiement des clients le 18 février 2007 entre 2 h 00 et 5 h 00 lesquels ont dû revenir le dimanche après 10 h 00 pour récupérer leurs gains, et d'avoir envoyé des messages sur Internet manifestant publiquement cette volonté de nuire. Par une décision du 15 mai 2007, l'inspecteur du travail de la 6ème section du Rhône lui a refusé l'autorisation de licencier ce salarié aux motifs que les griefs reprochés n'étaient pas fondés et relevaient de l'exercice de ses mandats, et qu'il existait un lien entre les mandats détenus et la décision de rompre le contrat de travail. Le 16 novembre 2007, sur recours hiérarchique, le ministre chargé du travail a annulé cette décision et a autorisé le licenciement de M. C... au double motif qu'il avait commis des fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement et que l'existence d'un lien entre le licenciement et les mandats détenus par le salarié n'était pas établie. Par jugement du 1er juin 2010, confirmé par arrêt de la cour du 11 janvier 2011 devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision au motif que les manquements ne présentaient pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement. M. C... a été réintégré dans l'entreprise à compter du 1er juin 2010 et celle-ci a procédé au versement des indemnités dues en application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail. Par un courrier du 6 janvier 2015, la SAS Grand Casino de Lyon a saisi le ministre chargé du travail d'une réclamation préalable tendant à ce que l'État lui verse la somme de 84 157,24 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'autorisation de licenciement illégale délivrée le 16 novembre 2007. Suite au silence gardé par le ministre sur cette réclamation, la société a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme de 84 157,24 euros. Par ordonnance du 10 avril 2015 le tribunal administratif de Paris a transmis la demande au tribunal administratif de Lyon. La SAS Grand Casino de Lyon interjette appel du jugement du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité la condamnation de l'État à la somme de 27 064,55 euros.

Sur le principe de la responsabilité :

2. En premier lieu, le jugement annulant la décision du 16 novembre 2007 du ministre chargé du travail autorisant le licenciement de M. C... est devenu définitif. Par suite, l'illégalité ainsi constatée doit être tenue pour établie et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'État.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 2422-4 du code du travail : " Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire. "

4. Il résulte de ces dispositions que l'employeur est tenu de verser cette indemnité ainsi que les cotisations y afférentes lorsqu'une autorisation de licenciement a été annulée et que cette annulation est devenue définitive. Comme le soutient la requérante, le paiement de ces indemnités est la conséquence directe de l'illégalité de l'autorisation de licenciement accordée par le ministre chargé du travail le 16 novembre 2007. D'une part, il résulte de l'instruction que le caractère faux du témoignage de M. B... n'est pas établi et que l'administration n'a pas pris en compte ce témoignage pour autoriser le licenciement de M. C.... Mais, d'autre part, il résulte de l'arrêt de la cour du 11 janvier 2011, revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, que l'autorisation de licenciement a été annulée au motif que les faits commis par M. C..., bien que fautifs, ne présentent pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier le licenciement de ce salarié. Par suite, la SAS Grand Casino de Lyon en formulant une demande d'autorisation de licenciement qui présentait un caractère injustifié au regard des dispositions du code du travail, a elle-même commis une faute de nature à exonérer l'État de la moitié de la responsabilité encourue.

Sur les préjudices :

5. En premier lieu, il est constant que le montant des sommes versées en application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code travail s'élève à 1 577,43 euros pour les rappels de salaire de l'année 2007, 22 268,38 euros pour les rappels de salaire de l'année 2008 et 22 838,67 euros pour les rappels de salaire de l'année 2009. Par ailleurs et contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte de l'instruction que les rappels de salaire de l'année 2010 s'élèvent à 9 347,73 euros. Dès lors, la somme due au titre des rappels de salaire sur la période entre le licenciement du salarié et sa réintégration intervenue le 1er juin 2010 est de 56 032,21 euros.

6. En deuxième lieu, il est constant que la SAS Grand Casino de Lyon a également versé une somme de 19 373 euros au titre des rappels de cotisations sociales pour la même période.

7. En troisième lieu, la SAS Grand Casino de Lyon a sollicité l'indemnisation du versement de la somme de 2 963,60 euros au titre de l'indemnité de congés payés versée lors du licenciement de M. C.... L'obligation de verser une telle indemnité n'est pas la conséquence directe de l'illégalité de la décision administrative autorisant le licenciement, mais résulte de l'application des dispositions légales et conventionnelles qui s'imposent à tout employeur qui décide de procéder à un licenciement et est donc dépourvue de tout lien direct avec la faute invoquée.

8. En dernier lieu, dès lors que les indemnités dues en application de l'article L. 2422-4 du code du travail constituent un complément de salaire, la SAS Grand Casino de Lyon est fondée à demander l'indemnisation du préjudice résultant du versement de la somme de 5 620,05 euros au titre des rappels de congés payés afférents aux rappels de salaires qu'elle a versés à M. C....

9. Il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par la SAS Grand Casino de Lyon en raison de l'illégalité fautive de la décision du ministre du travail du 16 novembre 2007 doit être évalué à une somme totale de 81 025,26 euros. Toutefois, compte tenu du partage de responsabilité qui doit être opéré, ainsi qu'il a été dit, entre l'État et ladite société, cette dernière a seulement droit à ce que son préjudice soit réparé à hauteur de 40 512,63 euros. Par suite la SAS Grand Casino de Lyon est seulement fondée à demander que l'indemnité totale mise à la charge de l'État par le jugement attaqué soit portée à la somme de 40 512,63 euros.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à la SAS Grand Casino de Lyon en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité mise à la charge de l'État par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 janvier 2017 est portée à la somme de 40 512,63 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à la SAS Grand Casino de Lyon la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Grand Casino de Lyon et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.

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N° 17LY01307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01307
Date de la décision : 22/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DONAT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-22;17ly01307 ?
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