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04/02/2019 | FRANCE | N°18LY02134

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 04 février 2019, 18LY02134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Savoie du 5 mai 2018 l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant un an.

Par un jugement n° 1802821 du 9 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejet

sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 juin 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Savoie du 5 mai 2018 l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant un an.

Par un jugement n° 1802821 du 9 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2018, Mme D..., représentée par Me Sebbar, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 9 mai 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant de la régularité du jugement, le premier juge a opposé à tort une irrecevabilité sans l'inviter à régulariser sa requête ; elle n'a pas été régulièrement convoquée à l'audience publique ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant assignation à résidence a été prise par une autorité incompétente ; la confiscation de son passeport constitue une voie de fait.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président de chambre,

- les observations de Me Sebbar, avocat de Mme D... épouse A... et celles de Mme D... épouse A... et de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... épouse A..., ressortissante philippine née le 9 novembre 1976, déclare être entrée en France en 2016. Le 5 mai 2018, le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de renvoi, lui a interdit le retour sur le territoire durant un an et l'a assignée à résidence. Mme D... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de justice administrative : " Dans les affaires où ne s'appliquent pas les dispositions de l'article R. 431-2, les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur et, dans le cas d'une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir. " Aux termes de l'article R. 431-5 de ce code : " Les parties peuvent également se faire représenter : 1° Par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 ; 2° Par une association agréée au titre des article L. 141-1, L. 611-1, L. 621-1 ou L. 631-1 du code de l'environnement, dès lors que les conditions prévues aux articles L. 142-3, L. 611-4, L. 621-4 ou L. 631-4 du même code sont réunies et selon les modalités prévues par les articles R. 142-1 à R. 142-9, R. 611-10, R. 621-10 et R. 631-10 du même code. "

3. L'article R. 612-1 du même code prévoit que : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. "

4. La demande de Mme D... épouse A... devant le tribunal administratif était signée non par elle, mais par son compagnon, M. B..., qui n'est pas au nombre des mandataires énumérés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative et qui n'a pas qualité pour la représenter. Si le greffe du tribunal administratif a adressé à Mme D... épouse A... une lettre l'invitant à régulariser sa demande, la requérante conteste avoir reçu ce courrier et la preuve de sa réception ne figure pas au dossier transmis à la cour par le tribunal. Dès lors, en rejetant comme irrecevable la demande de Mme D... épouse A... au motif qu'elle n'avait pas été régularisée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité.

5. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens touchant à la régularité du jugement attaqué, soulevés par Mme D... épouse A..., cette dernière est fondée à demander l'annulation de ce jugement.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme D... épouse A....

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

8. Mme D... épouse A... fait valoir qu'elle réside en France auprès de son conjoint, alors qu'elle entend divorcer de son époux philippin, M. A.... Toutefois, à supposer même établie la réalité de la relation qu'elle entretient avec son conjoint, de nationalité française, les intéressés ne pouvaient pas ignorer que leurs perspectives communes d'installation en France étaient incertaines, en l'absence de droit au séjour détenu par Mme D... épouse A.... En outre, si elle soutient être en instance de divorce avec son époux, elle ne l'établit pas. Par ailleurs, elle ne se prévaut d'aucune intégration particulière en France. Enfin, elle conserve des attaches aux Philippines, son pays d'origine, où résident ses trois enfants et où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision contestée ne porte pas au droit de Mme D... épouse A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de décision portant assignation à résidence :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ".

10. Si la requérante soutient qu'il appartenait au juge des libertés et de la détention de l'assigner à résidence, il résulte néanmoins des dispositions précitées qu'un tel pouvoir relève du préfet. Dans ces conditions, Mme D... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse a été adoptée par une autorité incompétente.

11. En second lieu, si Mme D... épouse A... soutient que la confiscation de son passeport par le préfet constitue une " voie de fait susceptible d'être sanctionnée par le tribunal de grande instance ", cette circonstance reste, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme D... épouse A... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions en litige.

13. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de Mme D... épouse A... à fin d'injonction doivent être rejetées.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à Mme D... épouse A...au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme D... épouse A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeC... D... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2019.

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N° 18LY02134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02134
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SEBBAR

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-04;18ly02134 ?
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