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21/05/2019 | FRANCE | N°18LY04149

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 21 mai 2019, 18LY04149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'union régionale fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, d'une part, la fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique et l'union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône-Alpes, d'autre part, ainsi que l'association " Pour les Chambaran sans Center Parcs " ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Isère a acc

ordé à la SNC Roybon Cottages une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'union régionale fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, d'une part, la fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique et l'union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône-Alpes, d'autre part, ainsi que l'association " Pour les Chambaran sans Center Parcs " ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Isère a accordé à la SNC Roybon Cottages une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement.

Par un jugement nos 1406678, 1406933, 1501820 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.

Par un arrêt nos 15LY03104, 15LY03144 du 16 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la SNC Roybon Cottages.

Par une décision n° 408175 du 21 novembre 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi de la SNC Roybon Cottages, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon et lui a renvoyé l'affaire pour qu'elle y statue de nouveau.

Procédure devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 16 septembre 2015, initialement sous le n° 15LY03104, et des mémoires enregistrés le 19 février 2016, le 11 mars 2016, le 8 novembre 2016, le 6 décembre 2016, le 7 décembre 2016 et le 15 décembre 2016, la SNC Roybon Cottages, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juillet 2015 et de rétablir l'autorisation " loi sur l'eau " délivrée par le préfet de l'Isère ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par l'union régionale fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, d'une part, la fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique et l'union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône-Alpes, d'autre part, ainsi que l'association " Pour les Chambaran sans Center Parcs " ;

3°) à titre subsidiaire, de modifier l'arrêté du 3 octobre 2014 du préfet de l'Isère si la cour devait estimer que sa compatibilité avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée est conditionnée par la prescription de mesures compensatoires ;

4°) de mettre à la charge de l'union régionale fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, de la fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique, de l'association régionale de pêche et de protection du milieu aquatique de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et l'association " Pour les Chambaran sans Center Parcs ", une somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SNC Roybon Cottages soutient que :

- la surface impactée par le projet, répondant à la définition d'une zone humide, est de 6,3 hectares et non 76 hectares comme retenu à tort par le tribunal administratif ; en effet, les critères pédologique et floristiques sont cumulatifs pour qualifier une zone d'humide ;

- la compatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône-Méditerranée doit être appréciée dans le cadre d'une analyse globale, le rapport de compatibilité se distinguant du rapport de conformité ; la contrariété de l'autorisation " loi sur l'eau " avec une seule orientation du SDAGE ne peut conduire à son annulation ;

- l'autorisation " loi sur l'eau " litigieuse est globalement compatible avec le SDAGE RM 2016-2021 à l'échelle du territoire couvert ; elle l'est même avec la disposition 6B-04, compte tenu des mesures compensatoires prévues, qui vont au-delà des exigences fixées par cette disposition ; à titre très subsidiaire, la cour pourrait prescrire des mesures compensatoires supplémentaires dans le massif des Chambaran ; les mesures de compensation visent des fonctions équivalentes à celles impactées ;

- les autres moyens qui étaient soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er décembre 2015, le 18 février 2016, le 11 mars 2016, le 1er avril 2016, le 21 septembre 2016, le 8 décembre 2016 et le 4 mars 2019, l'Union régionale des Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (UR FRAPNA), représentée par Me F..., conclut dans le dernier état de ses écritures au rejet de la requête, à ce que la commission européenne soit placée en observatrice au litige, à toutes fins utile à ce qu'une question préjudicielle soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne et à ce que la

somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la SNC Roybon Cottages au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête n'est pas recevable, dès lors que la SNC Roybon Cottages n'a pas produit le jugement dont elle relève appel dans son mémoire du 26 décembre 2018 ; son moyen tiré de l'erreur de qualification des zones humides est irrecevable car nouveau ; en tout état de cause, une telle remise en cause de la définition des zones humides telle qu'elle résulte du dossier d'autorisation et de l'arrêté préfectoral, que la SNC Roybon Cottages a elle-même approuvée, n'est pas possible, a fortiori sans nouvelle enquête publique ; en tout état de cause, les zones humides ont été correctement définies et il convient de revenir sur la jurisprudence du Conseil d'Etat qui retient une définition plus stricte ;

- l'approche globale du contrôle de compatibilité avec le SDAGE est incompatible avec les exigences de la directive cadre " Loi sur l'eau " ; une telle approche, qui peut être admise pour la confrontation entre un document réglementaire et un schéma d'urbanisme, ne doit pas être appliquée s'agissant de la confrontation d'une autorisation individuelle avec un tel schéma et il convient de revenir sur la position adoptée par le Conseil d'Etat dans la décision annulant l'arrêt de la cour administrative d'appel ;

- la SNC Roybon Cottages ne peut apporter de pièces tendant à établir la compatibilité globale de son projet avec le SDAGE postérieurement à la constitution du dossier d'autorisation à peine de méconnaitre les principes constitutionnels d'information et de participation du public, aucune analyse globale de compatibilité avec les orientations du SDAGE n'ayant été soumise à l'enquête publique ; ce point n'a pas non plus été débattu en première instance, privant les parties du premier degré de juridiction et, par suite, d'un droit au procès équitable ;

- les mesures compensatoires à la destruction et à l'altération de zones humides sont insuffisantes pour que l'arrêté litigieux soit regardé comme compatible avec les dispositions du SDAGE Rhône-Méditerranée et les premiers juges ont examiné et pris en compte l'ensemble des orientations et objectifs liés au SDAGE ; s'il est tenu compte par exemple des dispositions du SDAGE 2016-2021 reliées aux changements climatiques, l'autorisation du 3 octobre 2014 n'est pas compatible avec les dispositions afférentes ;

- le vice retenu par les juges de première instance étant substantiel et la SNC Roybon Cottages, n'ayant proposé aucun site de compensation situé à proximité de l'emprise du projet, le tribunal n'était pas à même de déterminer des mesures compensatoires supplémentaires ;

- eu égard à son coût supérieur à 300 millions d'euros, le projet devait être soumis à la commission nationale du débat public, en vertu du I de l'article L. 121-8 et de l'article R. 121-2 du code de l'environnement ;

- l'enquête publique a été organisée sur un territoire trop restreint eu égard aux impacts hydrauliques du projet, en méconnaissance de l'article R. 214-8 du code de l'environnement ;

- les études et inventaires complémentaires réalisés après l'enquête publique auraient dû conduire à organiser une nouvelle enquête, le dossier ne pouvant être considéré comme complet et régulier au regard de l'article R. 214-8 du code de l'environnement ;

- en méconnaissance du II de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, ni l'étude d'impact liée à la demande de permis de construire et jointe en annexe 18 au dossier de demande d'autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, ni le document d'incidences de ce dossier n'abordent les effets cumulés des autorisations de défrichement, de construire, de destruction par dérogation d'espèces protégées et au titre de la loi sur l'eau ;

- le document d'incidences prévu au 4° du II de l'article R. 214-6 du code de l'environnement est insuffisant en ce qui concerne l'examen de l'état initial, l'examen de la compatibilité avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, les mesures de compensation de destruction des zones humides et l'examen de solutions alternatives ;

- les prescriptions de l'arrêté sont insuffisantes au regard des articles R. 214-15 et R. 214-16 du code de l'environnement en ce qui concerne les conditions de destruction des 76 hectares de zones humides et les zones de compensation à envisager ;

- le préfet de l'Isère aurait dû exiger la production d'une demande d'autorisation liée aux plans d'eau dont la surface cumulée de 3 hectares 9 ares et 52 centiares est supérieure au seuil de 3 hectares du régime d'autorisation ;

- le projet ne pouvait être autorisé sans mise en oeuvre de la procédure dérogatoire prévue au VI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, qui transpose les dispositions du paragraphe 7 de l'article 4 de la directive n° 2000/60/CE du 23 octobre 2000, et à l'article R. 212-16 du même code, dès lors que la réalisation du projet est susceptible de générer d'importants impacts défavorables sur plusieurs des paramètres composant l'élément de qualité " paramètres généraux " des " paramètres chimiques et physico-chimiques soutenant les paramètres biologiques " de la masse d'eau de surface " Herbasse de la source au Valéré inclus et Limone incluse " et sur l'état quantitatif de la masse d'eau souterraine " Molasses miocènes du Bas-Dauphiné entre les vallées de l'Ozon et de la Drôme + complexes morainiques glaciaires + pliocène " ;

- les conclusions du département de l'Isère présentée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables eu égard à sa qualité d'intervenant dans le litige.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 décembre 2015, le 11 mars 2016, le 3 octobre 2016, le 14 novembre 2016, le 1er décembre 2016 et le 21 décembre 2018, la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FDPPMA) et l'Union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône-Alpes, devenue l'Association régionale de pêche et de protection du milieu aquatique (UR FDAAPPMA) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, représentées par la SELARL A..., concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la SNC Roybon Cottages à leur payer la somme de 4 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- le pétitionnaire n'a pas analysé sérieusement l'état initial du site et il ne peut être remédié à cette insuffisance postérieurement au début des travaux ;

- le projet est incompatible avec les orientations du SDAGE Rhône-Méditerranée, notamment en ce qu'il est insuffisamment précis quant à ses impacts sur son environnement, vice qui ne peut être régularisé postérieurement à l'enquête publique ;

- les mesures compensatoires à la destruction et à l'altération de zones humides sont incompatibles avec le SDAGE Rhône-Méditerranée ;

- le projet, eu égard à son coût supérieur à 300 millions d'euros, n'a pas été soumis à la commission nationale du débat public, en méconnaissance du I de l'article L. 121-8 et de l'article R. 121-2 du code de l'environnement ;

- ce coût étant supérieur à 150 millions d'euros, la SNC Roybon Cottages doit justifier avoir accompli les démarches mentionnées au II de l'article L. 121-8 du code de l'environnement ;

- une nouvelle enquête publique aurait dû être menée, eu égard aux modifications intervenues après l'enquête publique, lesquelles portent sur des points identifiés comme défavorables par la commission d'enquête, présentent un caractère substantiel et n'ont jamais été communiquées au public, en méconnaissance de l'article L. 214-4 du code de l'environnement ;

- en méconnaissance du a) du 4° du II de l'article R. 214-6 du code de l'environnement, le document d'incidences ne caractérise pas les incidences des ouvrages annexes au projet de centre de loisirs Center Parcs et relatifs aux réseaux d'assainissement et d'alimentation en eau potable ;

- l'état initial du site est insuffisamment caractérisé d'un point de vue hydrologique et piscicole, ce qui entraîne nécessairement une sous-évaluation des impacts du projet sur la faune piscicole et sur les risques de crues et d'érosion ;

- le projet autorisé n'est pas compatible avec l'orientation 2-04 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée relative à l'évaluation des impacts à long terme ;

- le projet autorisé n'est pas compatible avec l'orientation 6A-01 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée relative aux impacts sur les boisements alluviaux ;

- le projet autorisé n'est pas compatible avec l'orientation 8 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée relative à la gestion des risques d'inondation, le dossier souffrant de nombreux manques quant à ses incidences sur les risques d'inondation ;

- le projet autorisé n'est pas compatible avec l'orientation 6C-04 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée relative à l'évaluation des impacts directs et indirects sur les réservoirs biologiques et leurs fonctionnalités, dès lors que le dossier de demande d'autorisation n'évalue pas suffisamment les impacts directs et indirects du projet sur l'Herbasse et l'ensemble de ses affluents, classés réservoir biologique le 19 juillet 2013.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 février 2016, le 6 décembre 2016 et le 3 mars 2019, l'association Pour les Chambaran sans Center Parcs, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne , et à la condamnation de la SNC Roybon Cottages à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la SNC Roybon Cottages n'a pas l'intention de mettre en oeuvre les mesures compensatoires prévues dans l'arrêté dont elle demande le rétablissement compte tenu du moyen qu'elle soulève, tiré de la nouvelle définition des zones humides ;

- la nouvelle analyse faite par la requérante en vue de définir les zones humides impactées par le projet est entachée d'insuffisances et d'erreurs, notamment en ce qu'elle ne prend pas en compte les zones humides de plateau liées à la nappe perchée ;

- la nouvelle définition des zones humides donnée par le Conseil d'Etat n'est pas compatible avec la directive européenne sur l'eau et méconnait le principe de non régression prévu au 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ; elle entraînerait, selon la SNC Roybon Cottages, une perte non compensée de plus de 91 % des zones qualifiées d'humides impactés par le projet avant cette décision ; il convient de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ;

- cette nouvelle définition des zones humides intervient après l'enquête publique, alors que l'instruction du projet est terminée et n'a pas été rouverte auprès de l'administration compétente en vue de fournir des études de terrain complémentaires indispensables prenant en compte ces critères cumulatifs suivant une méthodologie appropriée ; elle ne peut donc qu'être rejetée ;

- le projet méconnait également l'orientation OF-O du SDAGE : " s'adapter au changement climatique ", en l'absence de prise en compte sérieuse de cet aspect ;

- le projet méconnait également la disposition 0-04, relative à la gestion solidaire et concertée, dans la mesure où il a été autorisé bien que l'enquête publique " Loi sur l'eau " se soit conclue par un avis défavorable à l'unanimité des trois commissaires enquêteurs sur douze points majeurs, et sans concertation avec les acteurs concernés par la gestion de la ressource comme le syndicat mixte (SIAHB) ou les usagers particuliers ou professionnels et notamment les agriculteurs déjà touchés par des restrictions d'usage ;

- le projet méconnait également les orientations 4-04 et 2-03 du SDAGE, relatives à la mise en place d'une gouvernance locale sur les secteurs identifiés par la carte 4A, dans la mesure où celle-ci n'a été organisée que tardivement et aucun SAGE n'a encore été adopté ; le projet méconnait également le principe de précaution prévu à l'article 5 de la charte de l'environnement et l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- le projet méconnait également l'orientation OF-6 du SDAGE : " Préserver, gérer et restaurer les zones humides " et la disposition 6B-4, compte tenu du degré de précision de celle-ci et de son importance, soulignée par la disposition 2-01 ; les mesures compensatoires à la destruction et à l'altération de zones humides ne sont pas compatibles avec le SDAGE et sont insuffisantes, dès lors que, compte tenu de la superficie retenue par la commission d'enquête, une surface d'environ 200 à 240 hectares aurait dû être proposée par le pétitionnaire et non une surface de 152 hectares seulement pour suivre une valeur-guide de 200 % ; sur les 140 hectares présentés lors de l'enquête publique, l'expert n'a validé que 34 à 36 hectares ; les mesures compensatoires d'une surface de 58,88 hectares dans le même sous-bassin ou le sous-bassin adjacent représentent seulement 77 % des 76 hectares impactés et ne sont donc pas compatibles avec le seuil minimum de 100 % fixé à la disposition 6B-04 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 du bassin Rhône-Méditerranée ;

- le projet méconnait également l'orientation 8 du SDAGE RM qui prévoit de gérer les risques d'inondation en tenant compte du fonctionnement naturel des cours d'eau et en particulier la disposition 8-05, qui prévoit de limiter les ruissellements à la source, et la disposition 8-07 qui préconise de réduire la vulnérabilité au risque d'inondation en orientant l'urbanisation en dehors des zones à risque ;

- le projet, eu égard à son coût supérieur à 300 millions d'euros, n'a pas été soumis à la commission nationale du débat public, en méconnaissance du I de l'article L. 121-8 et de l'article R. 121-2 du code de l'environnement ;

- ce coût étant supérieur à 150 millions d'euros, la SNC Roybon Cottages aurait dû accomplir les démarches mentionnées au II de l'article L. 121-8 du code de l'environnement ;

- l'enquête publique a été organisée sur un territoire trop restreint eu égard aux impacts hydrauliques du projet, en méconnaissance de l'article R. 214-8 du code de l'environnement ;

- l'obligation de rechercher des alternatives plus favorables à l'environnement découlant de l'article 1er de la loi n° 2009-967 et de la disposition 2-1 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée n'a pas été respectée, le document d'incidences prévu au 4° du II de l'article R. 214-6 du code de l'environnement ne mentionnant pas les raisons pour lesquelles le projet a été retenu parmi les alternatives possibles ;

- une nouvelle enquête publique aurait dû être menée, eu égard aux modifications substantielles intervenues après l'enquête publique et qui n'ont jamais été communiquées au public ;

- le document d'incidences était insuffisant s'agissant de la caractérisation des zones humides et, plus généralement, de l'état initial du site.

Par des mémoires enregistrés le 10 décembre 2015 et le 28 décembre 2018, le département de l'Isère, représenté par Me E..., présente une intervention au soutien des conclusions de la requête de la SNC Roybon Cottages et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à son profit à la charge de l'Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, de la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique, de l'Union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône-Alpes et de l'association Pour les Chambaran sans Center Parcs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- il a intérêt à intervenir au soutien de la requête de la SNC Roybon Cottages à fin d'annulation du jugement attaqué en sa qualité d'acteur du développement économique et touristique et au titre de sa compétence obligatoire en matière d'action sociale et d'insertion et dès lors que le projet de création d'un Center Parcs présente un intérêt public majeur pour le territoire concerné ;

- le projet de la SNC Roybon Cottages est compatible avec les principes du SDAGE Rhône-Méditerranée.

Par un mémoire, enregistré le 6 septembre 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer déclare que les mesures compensatoires proposées et complétées par la SNC Roybon Cottages dans son mémoire enregistré le 19 février 2016 au greffe de la cour sont de nature à répondre aux griefs retenus par le tribunal administratif de Grenoble pour annuler l'autorisation en litige.

II. Par une requête, enregistré le 23 septembre 2015, initialement sous le n° 15LY03144, et des mémoires enregistrés le 11 décembre 2015, le 8 janvier 2016 et le 28 janvier 2016, la SNC Roybon Cottages, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement nos 1406678, 1406933, 1501820 du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de mettre à la charge de l'Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, de la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique, de l'Union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône-Alpes et de l'association Pour les Chambaran sans Center Parcs une somme de 4 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens critiquant le bien-fondé du jugement attaqué, exposés dans sa requête en annulation de ce jugement dont une copie est jointe, sont sérieux et de nature à en justifier l'annulation ainsi que le rejet des demandes de première instance ; en effet, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré comme fondé le moyen tiré de l'incompatibilité des mesures compensatoires avec la disposition 2-03 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée ; les autres moyens soulevés par les demandeurs de première instance devant le tribunal administratif de Grenoble ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 novembre 2015 et le 8 janvier 2016, l'Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SNC Roybon Cottages au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué ne sont pas recevables, dès lors que l'Etat n'a pas relevé appel de ce jugement, que la requête de la SNC Roybon Cottages tendant au sursis à l'exécution dudit jugement est rédigée dans des termes identiques à sa requête d'appel tendant à l'annulation du jugement attaqué et de la décision en litige et que les dispositions réglementaires de l'article R. 811-15 du code de justice administrative méconnaissent l'article 34 de la Constitution relatif au domaine de la loi ;

- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2015, le département de l'Isère, représenté par Me E..., présente une intervention au soutien des conclusions de la requête de la SNC Roybon Cottages et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à son profit à la charge de l'Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, de la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique, de l'Union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône-Alpes et de l'association Pour les Chambaran sans Center Parcs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 décembre 2015, le 7 janvier 2016 et le 29 janvier 2016, l'association Pour les Chambaran sans Center Parcs, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SNC Roybon Cottages à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Les 11décembre 2015, 8 janvier 2016, 3 octobre 2016 et 26 mars 2019, la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FDPPMA) et l'Union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône-Alpes, devenue l'Association régionale de pêche et de protection du milieu aquatique (UR FDAAPPMA) de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont produit de nouveaux mémoires.

Les 27 décembre 2018, 26 et 27 mars 2019, la SNC Roybon Cottages a produit de nouveaux mémoires.

Le 27 mars 2019, l'Union régionale des Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (UR FRAPNA) a produit un nouveau mémoire.

Par ordonnance du 11 mars 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la SNC Roybon Cottages, de Me E..., représentant le département de l'Isère, de Me B..., représentant l'association " Pour les Chambaran sans Center Parcs ", de Me A..., représentant la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FDPPMA) et l'Union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône-Alpes, devenue l'Association régionale de pêche et de protection du milieu aquatique (UR FDAAPPMA) de la région Auvergne-Rhône-Alpes et de Me F..., représentant l'Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (UR FRAPNA) ;

Une note en délibéré présentée par l' Union Régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (UR FRAPNA) a été enregistrée le 7 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 octobre 2014, le préfet de l'Isère a accordé à la SNC Roybon Cottages une autorisation, au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, en vue de la réalisation du centre de loisirs " Center Parcs du domaine de la forêt de Chambaran ", sur le territoire de la commune de Roybon. Saisi par l'Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (UR FRAPNA), la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FDPPMA), l'Union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique de Rhône-Alpes (UR FDAAPPMA) et l'association " Pour les Chambarans sans Center Parcs ", le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 16 juillet 2015, a annulé cet arrêté du 3 octobre 2014 au motif que l'autorisation litigieuse méconnaissait la disposition 2-03 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Rhône-Méditerranée. Par un arrêt nos 15LY03104, 15LY03144 du 16 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté les requêtes de la SNC Roybon Cottages tendant respectivement à l'annulation de ce jugement et à ce qu'il soit sursis à son exécution. Par une décision du 21 novembre 2018 n° 408175, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé ces affaires devant la cour administrative d'appel pour qu'elle y statue de nouveau.

2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur les interventions du département de l'Isère :

3. Le département de l'Isère a intérêt à l'annulation du jugement attaqué et à ce qu'il soit sursis à son exécution. Ainsi ses interventions sont recevables dans les instances initialement enregistrées sous les numéros 15LY03104 et 15LY03144.

Sur la requête initialement enregistrée sous le n° 15LY03104 :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête :

4. Le mémoire introductif d'appel de la SNC Roybon Cottages, assorti de la copie du jugement attaqué, qui n'avait pas à être produit de nouveau après le renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat à la cour administrative d'appel, n'est pas la copie pure et simple de ses écritures de première instance, dans laquelle elle était d'ailleurs défendeur, et présente des moyens visant à critiquer le jugement dont elle relève appel. Dans ces conditions et contrairement à ce que fait valoir l'Union régionale Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, sa requête est recevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne le fond :

5. Aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. (...) ".

6. Aux termes du III de l'article L. 212-1 du code de l'environnement : " Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux fixant les objectifs visés au IV du présent article et les orientations permettant de satisfaire aux principes prévus aux articles L. 211-1 et L. 430-1. (...) ". Aux termes du XI de ce même article : " Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. ".

7. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs, ces derniers pouvant être, en partie, exprimés sous forme quantitative. Les autorisations délivrées au titre de la législation de l'eau sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert, si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation de l'autorisation au regard de chaque disposition ou objectif particulier.

8. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le projet autorisé par l'arrêté préfectoral litigieux, situé sur le territoire de la commune de Roybon, sur le plateau de Chambaran, en tête de bassin versant, consiste en l'aménagement d'un village de vacances comprenant 1 000 cottages organisés en hameaux et totalisant 5 628 lits, la création d'installations aqua-ludiques regroupées principalement sous une serre végétalisée de 3 000 m² dénommée " Aquamondo " et de 1 945 m² de piscines, d'espaces de détentes et soins par l'eau, ainsi que la construction de boutiques, de restaurants, d'une halle des sports et d'un centre de séminaire. Le projet prévoit d'autres équipements, tels qu'un centre équestre, des équipements sportifs, des bâtiments de maintenance, des voiries, des parkings et des pièces d'eau d'agrément.

9. Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 2016-2021 du bassin Rhône-Méditerranée, applicable en l'espèce, comprend neuf orientations fondamentales (OF), se rapportant à l'adaptation au changement climatique (OF 0), à la logique de prévention et les interventions à la source pour plus d'efficacité (OF 1), à la mise en oeuvre du principe de non-dégradation (OF 2), aux enjeux économiques et sociaux (OF 3), à la gestion locale et l'aménagement du territoire (OF 4), à la lutte contre les pollutions (OF 5A), au fonctionnement des milieux aquatiques et des zones humides (OF 6), à l'équilibre quantitatif devant être atteint et au partage des ressources en eau (OF 7) et à la gestion des inondations (OF 8). Sept questions importantes sont également identifiées, notamment l'eau et le changement climatique et l'état physique et biologique des milieux aquatiques. Il rappelle les principes fondateurs de la gestion de l'eau en France et dans l'Union européenne, au nombre desquels la gestion équilibrée de la ressource en eau.

10. Plus précisément, l'OF 0 préconise, face au constat de l'accroissement de la vulnérabilité du bassin Rhône-Méditerranée, notamment au titre de la disponibilité de l'eau, de l'assèchement des sols, et des risques d'eutrophisation, d'économiser durablement l'eau, de réduire l'imperméabilisation des sols, de restaurer la continuité écologique et le bon fonctionnement des milieux, de respecter les zones inondables, le cordon littoral et les zones humides. L'OF 2 rappelle que le principal support de la mise en oeuvre du principe de non-dégradation est " l'application exemplaire de la séquence " éviter-réduire-compenser " par les projets d'aménagement et de développement territorial ". Cette séquence implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et au bon fonctionnement des milieux naturels ainsi qu'aux services qu'ils fournissent, à défaut, d'en réduire la portée et en dernier lieu de compenser les atteintes qui n'ont pu être ni évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. Les OF 5A et 8 du SDAGE promeuvent également la réduction de l'imperméabilisation des sols et de l'extension des surfaces imperméabilisées afin de lutter contre les inondations et la pollution des sols. La disposition 5A-04 indique à ce titre que la limitation de l'imperméabilisation nouvelle des sols doit devenir une priorité. La disposition 8-05 de l'OF 8 énonce également cet objectif.

11. Il résulte également du SDAGE applicable que la préservation des zones humides, à travers l'application de la séquence " éviter-réduire-compenser ", est un objectif transversal de ce document, qui fait non seulement l'objet de dispositions spécifiques au sein de l'orientation fondamentale 6, mais est également présent dans les orientations fondamentales 0, 1, 2, 4, 5, 7 et 8.

12. Il suit de là que le projet litigieux, qui impliquera, d'une part, une consommation estimée par la SNC Roybon Cottages à 120 litres par personnes et par jour, pour une population estimée à près de 4 784 par jour en moyenne tout au long de l'année, ce qui nécessitera notamment la réalisation d'un nouveau puits et d'une nouvelle station de pompage et, d'autre part, une imperméabilisation des sols en proportion des aménagements projetés décrits au point 8 ci-dessus, paraît d'ores et déjà susceptible de contrarier certains des objectifs mentionnés au point 10 ci-dessus. Toutefois, la seule contrariété à ces objectifs ne parait pas suffisante à elle-seule, compte tenu de l'analyse globale décrite au point 7 ci-dessus qui doit être menée, pour conclure en l'état à l'absence de compatibilité de l'autorisation litigieuse avec le SDAGE. Eu égard au caractère transversal et à l'importance de l'enjeu que représente la préservation des zones humides dans le SDAGE, il est nécessaire de connaître avec précision la superficie exacte de zones humides concernée par ledit projet afin de se prononcer sur cette question.

13. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; / (...) ".

14. En premier lieu, il ressort de ces dispositions, ainsi que le Conseil d'Etat l'a précisé dans sa décision n° 386325 du 22 février 2017, qu'une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d'eau et, pendant au moins une partie de l'année, de plantes hygrophiles. S'il a, à cette occasion indiqué que l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7 et R. 211-108 du code de l'environnement n'est pas conforme à cette définition en ce qu'il présente ces critères comme alternatifs, il ne l'a pas entièrement déclaré illégal, seule la première phrase de son article 1 comportant l'erreur relevée. Celui-ci demeure ainsi applicable pour le surplus, notamment ses annexes.

15. En deuxième lieu, la directive n° 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, dite " directive cadre sur l'eau " ne donnant aucune définition des zones humides, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées, telles que précisées par le Conseil d'Etat, seraient incompatibles avec ladite directive doit être écarté, sans qu'il soit besoin de placer la commission européenne comme observatrice au présent litige. Par ailleurs, l'UR FRAPNA ne peut utilement soutenir devant le juge administratif que les dispositions législatives en cause méconnaîtraient d'autres dispositions législatives, à savoir les dispositions du 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, selon lequel " la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ".

16. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, le droit à un procès équitable ne fait pas obstacle à ce que la définition des zones humides présentes sur le site du projet litigieux fasse l'objet d'un débat pour la première fois en appel, cette question ne relevant, par ailleurs pas d'une cause juridique nouvelle. La décision du Conseil d'Etat du 22 février 2017 n'ayant pas limité dans le temps la portée de l'interprétation qu'il a donnée des dispositions législatives en vigueur, il y a lieu de l'appliquer au présent litige. Enfin, le moyen tiré de ce que l'absence de calcul conforme à la définition des zones humides donnée par les dispositions précitées dans le dossier d'enquête préalable révèlerait le caractère incomplet du dossier de demande d'autorisation nécessite également, afin de pouvoir se prononcer, de connaître la superficie exacte de zones humides concernée par le projet.

17. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...) ".

18. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la superficie de zones humides impactée par le projet, définie dans le dossier de demande d'autorisation et dans un mémoire complémentaire postérieur à l'enquête publique, a été calculée selon une méthodologie non conforme aux dispositions précitées du code de l'environnement. En particulier, les critères pédologiques et floristiques n'ont pas systématiquement été employés de façon cumulative lorsque la végétation existait. Contrairement à ce que soutient la SNC Roybon Cottages, il ne peut être déduit des pièces du dossier, notamment pas de la note établie à sa demande par le bureau d'études Confluence Ingénieurs Conseil en date du 17 décembre 2018, que la superficie de zones humides affectée par le projet s'établirait désormais à 6,3 hectares, les études menées en amont du projet ayant été insuffisantes, ainsi d'ailleurs que l'avaient considéré à l'unanimité les commissaires enquêteurs dans leur rapport, les études complémentaires menées postérieurement n'ayant pu pallier cette insuffisance initiale, en particulier s'agissant de la recherche du critère floristique. Eu égard à l'importance, rappelée au point 12. ci-dessus, que la connaissance de la superficie de zones humides concernée par le projet revêt pour l'appréciation de la compatibilité avec le SDAGE de l'autorisation litigieuse délivrée à la SNC Roybon Cottages au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, et l'état du dossier ne permettant pas à la cour administrative d'appel de se prononcer sur ce point, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de la SNC Roybon Cottages, d'ordonner une expertise sur ce point, étant précisé que celle-ci devra permettre de connaître la superficie des zones humides détruites, mais aussi la superficie de zones humides non directement détruites mais dont la pérennité pourrait être menacée par cette destruction, compte tenu de leur insertion dans un continuum, qu'elles se situent à l'intérieur ou à l'extérieur de l'emprise du projet. L'appréciation de la validité des mesures proposées par la SNC Roybon Cottages en compensation des zones humides détruites est par ailleurs nécessaire pour se prononcer sur la compatibilité du projet avec le SDAGE, notamment au regard de l'OF 6, et implique de connaître la superficie exacte de zones répondant aux critères légaux, dont la restauration est proposée et de pouvoir comparer les fonctionnalités détruites et celles dont la restauration est proposée. Il convient ainsi de faire porter l'expertise également sur ces points.

19. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, qu'il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise portant sur les points ci-dessus mentionnés au point 18.

Sur la requête initialement enregistrée sous le n° 15LY03144 :

20. Aux termes des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. "

21. D'une part, il est constant que l'application d'une méthodologie de calcul conforme aux dispositions législatives précitées n'est pas susceptible de conduire au constat de l'absence de toute destruction de zones humides par le projet. D'autre part, les mesures compensatoires proposées par la SNC Roybon Cottages, qui restent donc nécessaires, ayant été définies, elles aussi, selon une méthodologie erronée, l'application d'une méthodologie correcte est également de nature, le cas échéant, à avoir une incidence sur la superficie de zones humides restaurées pouvant être prise en compte au titre des mesures compensatoires. Enfin, ainsi qu'il a été dit, la contrariété aux objectifs d'économie des ressources en eau et de réduction de l'imperméabilisation des sols contenus dans les OF 0 et 8, lesquelles mentionnent également la nécessité de préserver les zones humides, doit être également prise en compte. Il suit de là qu'en l'état de l'instruction, eu égard aux incertitudes persistantes qui affectent toujours, en l'état, tant la surface des zones impactées que l'adéquation des mesures de compensation, le moyen soulevé par la SNC Roybon Cottages, tiré de ce que la décision du Conseil d'Etat n° 386325 du 22 février 2017 serait susceptible de conduire à l'absence de contrariété du projet au SDAGE ne paraît, compte tenu de ce que le projet litigieux a été autorisé sur la base d'un dossier constitué à partir d'un raisonnement erroné s'agissant de la définition des zones humides, ni sérieux, ni, par voie de conséquence, susceptible d'entrainer, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. Il en va de même, en l'état de l'instruction, du moyen tiré de ce que l'autorisation litigieuse serait compatible avec le SDAGE applicable. Eu égard à ce qui a été dit au point 12 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la contrariété de l'autorisation " loi sur l'eau " avec une seule orientation du SDAGE ne peut conduire à son annulation n'est pas susceptible, en l'état de l'instruction, à d'entrainer, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

DECIDE :

Article 1er : Les interventions du département de l'Isère sont admises.

Article 2 : Les conclusions de la SNC Roybon Cottages aux fins de sursis à exécution du jugement sont rejetées.

Article 3 : Il sera, avant de statuer sur la requête de la SNC Roybon Cottages, procédé par un collège d'experts composé d'un hydrogéologue, d'un géomètre et d'un botaniste ou à défaut d'un naturaliste, désignés par le président de la cour administrative d'appel de Lyon, à une expertise avec mission pour le collège de :

- 1) déterminer la superficie de zones détruites par le projet répondant à la définition légale des zones humides donnée par les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, rappelée aux points 13. et 14. ci-dessus, et précisée par l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7 et R. 211-108 du code de l'environnement, étant rappelé que les critères définis à l'article 1er dudit arrêté doivent être appliqués cumulativement lorsqu'une végétation existe sur la zone considérée ;

- 2) déterminer, le cas échéant, la superficie des zones humides répondant aux mêmes critères que ceux rappelés ci-dessus, se situant dans la continuité des zones humides détruites, à l'intérieur ou à l'extérieur du périmètre du projet, et dont la pérennité peut être menacée en tant qu'éco-systèmes contigus auxdites zones, afin de tenir compte de la fonctionnalité globale des zones humides détruites ;

- 3) indiquer, en tenant compte de la fonctionnalité globale des zones humides pour apprécier la validité des mesures de compensation, la superficie des zones humides répondant aux critères légaux dont la restauration a été proposée par la SNC Roybon Cottages, identifiées dans l'autorisation du 3 octobre 2014 ;

- 4) indiquer, en tenant compte de la fonctionnalité globale des zones humides pour apprécier la validité des mesures de compensation, la superficie des zones humides répondant aux critères légaux dont la restauration a été proposée par la SNC Roybon Cottages, identifiées dans son mémoire enregistré au greffe de la cour le 19 février 2016 et qui lui ont été proposées en octobre 2015 par l'Office national des forêts.

Article 4 : Le collège d'experts accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Les experts prêteront serment par écrit devant la greffière en chef de la cour. Le collège d'experts déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, ainsi que les frais d'expertises sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Roybon Cottages, à l'Association Union Régionale Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature, à la Fédération de la Drôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique, à l'Union régionale des fédérations départementales des associations agréées de pêche, à l'Association pour les Chambarans sans Center Parcs, au préfet de l'Isère et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique le 21 mai 2019.

N° 18LY04149

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04149
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-05-05 Eaux. Gestion de la ressource en eau. Schémas directeurs et schémas d'aménagement et de gestion des eaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-21;18ly04149 ?
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