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25/07/2019 | FRANCE | N°17LY04179

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 25 juillet 2019, 17LY04179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui leur ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501930-1501934 du 12 octo

bre 2017, le tribunal administratif de Dijon, après avoir constaté un non-lieu à statuer ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui leur ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501930-1501934 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Dijon, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel et prononcé la réduction du montant de l'amende fiscale visée à l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2010, a rejeté le surplus des demandes de M. et Mme C....

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 décembre 2017 et le 2 juillet 2018, M. et Mme C..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 octobre 2017 ;

2°) de les décharger de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative,

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

M. et Mme C... soutiennent que :

En ce qui concerne le dégrèvement prononcé en cours d'instance devant le tribunal :

- l'administration a omis de prononcer une partie du dégrèvement, une surtaxe

de 1 599 euros demeuranten leur défaveur ;

En ce qui concerne le bien-fondé des rappels d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée :

- M. C... n'a pas exercé d'activité de vente de bouteilles de vin à titre occulte ;

- les crédits retenus ne se rapportent pas tous à la vente de bouteilles de vins ;

- les bénéfices reconstitués sont inexacts et irréalistes et ne pouvaient excéder la marge habituellement observée dans le négoce du vin, c'est-à-dire une part correspondant à 25 ou 30 % du montant des recettes reconstituées ;

- ils sont bien fondés à invoquer la doctrine BOI-BIC-CESS-30-20 n° 20 publiée

le 10 juillet 2013.

En ce qui concerne la pénalité de l'article 1728 du code général des impôts :

- cette pénalité n'est pas justifiée tant au regard du droit que de l'équité ;

- ils auraient tout au plus dû faire l'objet d'une majoration pour manquement délibéré ;

En ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1736 IV du code général des impôts :

- faute de réponse, préalablement à la mise en recouvrement de ces pénalités, aux observations présentées sur les pénalités notifiées au moyen de la proposition de rectification

du 19 décembre 2012, ils ont été privés pour ces pénalités de la procédure contradictoire ;

- les comptes que M. C... n'a pas déclarés étant des comptes " paypal " dont les fonds qui y ont transité apparaissent forcément en crédit ou en débit sur un compte bancaire ouvert et déclaré en France, la gravité de l'infraction mérite d'être relativisée ;

- le quantum de 10 000 euros n'est pas justifié en 2009 dès lors, d'une part, que l'administration, qui a interrogé les autorités luxembourgeoises en juillet 2012, soit postérieurement à l'entrée en vigueur le 29 octobre 2010 de l'avenant du 3 juin 2019 instaurant entre la France et le Luxembourg l'assistance administrative, a obtenu des autorités luxembourgeoises les renseignements sur leur situation bancaire au titre de cette année et, d'autre part, que c'est à la date à laquelle la sanction est appliquée que doit être déterminée sa quotité ;

- ils sont bien fondés à invoquer la doctrine BOI-CF-CPF-30-20 qui a été publiée

le 12 novembre 2013, antérieurement à la mise en recouvrement des sanctions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer partiel et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- M. et Mme C... font valoir à juste titre que l'administration a commis une erreur dans le calcul du dégrèvement prononcé en première instance à la suite de l'abandon du litige sur les revenus d'avoirs étrangers et il y a lieu de prononcer un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance devant la cour soit, en matière d'impôt sur le

revenu, 1 861 euros pour l'année 2009 et 281 euros pour l'année 2010 et, en matière de prélèvements sociaux, 98 euros pour l'année 2008 et 37 euros pour l'année 2009 ;

- les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 mars 2019 la clôture d'instruction a été fixée au 1er avril 2019, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeE..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme Bourion, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2008 à 2010 et à l'issue duquel leur ont été notifiées, par cinq propositions de rectification des 21 décembre 2011, 25 juillet 2012 et 19 décembre 2012, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que l'amende fiscale prévue par l'article 1736 IV du code général des impôts. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel et prononcé la réduction du montant de l'amende fiscale visée à l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2010, a rejeté le surplus de leurs demandes.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 6 avril 2018 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur général des finances publiques de Rhône-Alpes a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à concurrence de 1 861 euros au titre de l'année 2009 et de 281 euros au titre de l'année 2010, et d'autre part, des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux à concurrence de 98 euros au titre de l'année 2008 et de 37 euros au titre de l'année 2009. Les conclusions de la requête de M. et Mme C... relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale (...) ". L'accomplissement à titre professionnel d'actes réputés " de commerce " par la loi commerciale est une activité commerciale au sens de l'article 34 précité. Aux termes de l'article L. 110-1 du code de commerce : " La loi répute acte de commerce : 1° tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre. (...) ".

4. D'autre part, selon l'article 256 A du code général des impôts : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. ". Enfin en vertu de l'article 256 de ce code : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ".

5. M. C... a exercé, jusqu'en 2006, à titre individuel, une activité de négoce de vin. Lors de l'examen de la situation fiscale personnelle du couple, l'administration fiscale a constaté qu'au cours des années 2008, 2009 et 2010, M. C... avait encaissé sur son compte bancaire des crédits provenant de sociétés ayant pour activité le commerce de vins, d'associés, dirigeants, salariés ou ex-salariés de sociétés ayant cette même activité et de fournisseurs de vins de la société Lapara, dont M. C... est par ailleurs co-gérant et associé. L'administration a également constaté que l'intéressé avait perçu des sommes de particuliers. Au cours du contrôle, l'intéressé a admis, d'une part, qu'une partie des opérations en cause se rapportaient à la vente de bouteilles de vins acquises dans le cadre de sa précédente activité déclarée et, d'autre part, avoir vendu des bouteilles de vins à des particuliers via le site internet E-bay. Se fondant sur ces différents éléments et sur le fait qu'un des chèques avait été encaissé sous le nom commercial de l'activité qu'il avait exercée entre 2002 et 2006, l'administration a estimé que l'intéressé avait poursuivi, de façon occulte, son activité de marchand de vin en cédant la fin de son stock de vin. Excepté 48 300 euros de crédits bancaires dont il a bénéficié en 2008 et qui ne se rattachent, selon lui, pas à la cession à titre personnel de vin, M. C... fait valoir que les autres crédits correspondent à la vente occasionnelle de bouteilles de vin de sa cave personnelle afin de faire face à des difficultés financières passagères. Toutefois, l'intéressé, qui n'a produit aucun élément pour justifier de la provenance de ces bouteilles de vin et leur date d'achat, et notamment aucun élément permettant de déterminer ce qu'il est advenu du stock de vin provenant de son ancienne activité commerciale, n'établit pas que ces bouteilles proviennent de sa cave personnelle ni que ces bouteilles, dont il a déclaré notamment, au cours d'un entretien du 19 décembre 2011, qu'elles provenaient de son ancienne activité cessée en 2006, auraient été acquises dans un autre but que la revente. Dans ces conditions, le nombre, la fréquence, et l'importance des ventes de vins intervenues au cours des années en litige traduisent la poursuite par le contribuable de l'exploitation de son entreprise de négoce de vin. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a taxé ces revenus dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".En l'espèce, les suppléments d'imposition en litige ont été établis suivant les procédures d'imposition d'office prévues aux articles L. 66 et L. 73 du livre des procédures fiscales, faute pour M. C... d'avoir déposé dans les délais légaux les déclarations qu'il était tenu de souscrire pour l'exercice de cette activité de négoce de vin. Dès lors, il appartient aux requérants d'établir que les suppléments d'imposition sont mal fondés ou exagérés.

7. M. C... fait valoir que le chèque de 19 000 euros émis par M. A..., qu'il a déposé en banque le 17 septembre 2018, représente le produit de la vente d'un véhicule personnel BMW. Alors qu'il n'avait produit aucun élément pour justifier de la réalité de cette vente auprès de l'administration fiscale, il a produit un certificat de cession du véhicule. Toutefois, ce document, produit tardivement, ne présente pas de force probante suffisante dès lors, d'une part, qu'il fait état d'une vente le 15 septembre 2019, alors que le chèque a été daté du 17 septembre, et d'autre part que M. et Mme C... ont produit l'exemplaire destiné à l'acquéreur. Il fait également valoir que les sommes qu'il a reçues de la SARL Lapara, dont l'activité est le négoce de vin, pour un montant de 29 300 euros ont été versées par cette dernière en remboursement d'achats de marchandises qu'il avait effectués et financés pour le compte de la société. Toutefois, M. et Mme C..., qui ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence de redressement de la SARL Lapara sur les factures correspondantes ou du fait que l'administration a abandonné en cours de contrôle l'amende fiscale qu'elle envisageait de leur infliger sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts, ne produisent aucun élément permettant de justifier qu'ils avaient effectivement déboursé ces sommes pour le compte de la SARL Lapara.

8. En dernier lieu, il résulte des termes des propositions de rectification que, pour reconstituer le bénéfice industriel et commercial de M. C..., le vérificateur a pris en compte le produit des ventes de vin, à l'exclusion de toute charge, au motif que les bouteilles de vin provenaient de la vente du stock de l'ancienne activité de M. C... et dont les achats avaient déjà, au titre des années antérieures, été comptabilisés. M. et Mme C... font valoir qu'en se bornant, dès lors, à réintégrer, dans les bénéfices imposables au titre des années 2008, 2009 et 2010, le produit des ventes et non la marge bénéficiaire que M. C... était susceptible d'en tirer, eu égard notamment aux marges habituellement constatées dans la profession et compte tenu de la nécessaire prise en compte de la variation du stock, l'administration fiscale a radicalement vicié le redressement auquel elle a ainsi procédé. Toutefois, à défaut pour M. et Mme C... d'avoir apporté des éléments concrets sur les conditions d'exploitation par M. C... de cette activité, notamment des précisions sur la nature des bouteilles de vin revendues, leur provenance et leur conditions d'achat ainsi que sur les charges qu'il aurait supportées pour l'exercice de cette activité au cours des exercices litigieux, ils ne sont pas fondés à soutenir que la méthode retenue par l'administration, qui a exposé les raisons pour lesquelles elle n'a pas retenu de charges, est radicalement viciée.

Sur la pénalité prévue à l'article 1728 du code général des impôts :

9. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. (...) ".

10. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi dont elles sont issues, que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

11. L'administration a apporté la preuve, ainsi qu'il a été indiqué au point 5, que M. C... a exercé une activité de vente de vin. M. C... n'a déposé au titre des exercices litigieux aucune des déclarations qu'il était tenu de souscrire en raison de son activité imposable et n'a pas davantage fait connaître cette activité au centre de formalités des entreprises dont il dépend. Il ne soutient pas qu'il aurait commis une erreur quant à ses obligations déclaratives. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a fait application, au titre des exercices litigieux, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur le revenu, de la majoration de 80 % pour découverte d'une activité occulte sur le fondement du c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.

Sur l'amende prévue à l'article 1736 IV du code général des impôts :

12. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts : " (...) / Les personnes physiques (...) domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. (...) ". Aux termes de l'article 1736 du même code : " IV. 2- Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 € par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. ". Aux termes de l'article 344 A de l'annexe III audit code : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. "

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".

14. Les dispositions précitées de l'article 1736 du code général des impôts instaurent une pénalité fiscale sanctionnant l'absence de déclaration de comptes bancaires détenus à l'étranger. Si cette pénalité est au nombre des sanctions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et faire l'objet d'une procédure contradictoire en application de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, aucun principe général du droit, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune énonciation de la charte du contribuable vérifié n'impose à l'administration de répondre aux observations du contribuable sur les sanctions qu'elle envisage de mettre à la charge de ce dernier. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que le défaut de réponse de l'administration sur leurs observations les a privés d'un débat contradictoire.

15. En deuxième lieu, la loi elle-même a assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés. Le rôle du juge est d'exercer un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et de décider, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge. Par suite, M. et Mme C..., qui ne contestent plus en appel que les comptes " paypal " qu'ils détenaient au Luxembourg auraient dû être déclarés conformément à l'article 1649 A du code général des impôts, ne sont pas fondés à demander la décharge des pénalités litigieuses au motif que la gravité de l'infraction qu'ils ont commise " mérite d'être relativisée " compte tenu de la nature des comptes en cause.

16. En troisième lieu, sont seuls punissables les faits constitutifs d'un manquement à des obligations résultant de dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis et les sanctions susceptibles d'être infligées sont celles définies par les textes en vigueur à cette même date, sous réserve de l'intervention ultérieure de dispositions répressives plus douces.

17. Les dispositions de l'article 1736 IV du code général des impôts punissent les manquements aux obligations déclaratives du contribuable. La matérialité des faits constitutifs de l'infraction doit s'apprécier à la date de déclaration. En l'espèce, la clause d'assistance administrative prévue par les stipulations de l'avenant du 3 juin 2009 à la convention Franco-Luxembourgeoise du 1er avril 1958, n'était pas en vigueur lorsque les requérants ont dû déclarer leurs revenus de l'année 2009, le point 2 de l'article 2 de l'avenant ayant indiqué que les dispositions de l'avenant s'appliquent aux revenus afférents, suivant les cas, à toute année civile ou tout exercice commençant à compter du 1er janvier de l'année qui suit immédiatement la date de sa signature, soit à compter du 1er janvier de l'année 2010. Le Luxembourg ne pouvait en conséquence être regardé, au titre de ladite année, pour l'application de dispositions de l'article 1736 IV du code général des impôts, comme un Etat ou un territoire qui ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. L'amende de 10 000 euros prévue par les dispositions précitées de l'article 1736 IV du code général des impôts était donc applicable aux requérants qui avait dissimulé, en 2009, deux comptes bancaires ouverts au Luxembourg, sans qu'ils puissent utilement faire valoir que l'administration fiscale a pu obtenir des autorités luxembourgeoises, dans le cadre du contrôle fiscal intervenu postérieurement à l'entrée en vigueur de cet avenant, les renseignements sur leur situation bancaire au titre de cette année.

18. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". Si cette disposition, applicable aux instances en cours pour ce qui concerne les pénalités fiscales, institue une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant, en particulier, aux contribuables auteurs d'infractions fiscales de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, c'est à la condition, notamment, que ces notes ou instructions aient été susceptibles d'influencer le comportement des intéressés au regard de leurs obligations fiscales.

19. Les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, sur le terrain de la doctrine, de la documentation publiée au BOI-CF-CPF-30-20 dès lors que celle-ci a été publiée le 12 novembre 2013 soit postérieurement à la date à laquelle ils devaient déclarer les comptes " paypal " qu'ils détenaient en 2009 et en 2010.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais liés au litige :

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à M. et Mme C... au titre des frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence, d'une part, des sommes respectives de 1 861 euros et de 281 euros en ce qui concerne les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme C... ont été assujettis au titre respectivement de l'année 2009 et de l'année 2010 et, d'autre part, des sommes respectives de 98 euros et 37 euros en ce qui concerne les compléments de prélèvements sociaux auxquels M. et Mme C... ont été assujettis au titre respectivement de l'année 2008 et de l'année 2009, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeE..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.

2

N° 17LY04179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY04179
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : FIORESE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-25;17ly04179 ?
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