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03/12/2019 | FRANCE | N°19LY00192

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 03 décembre 2019, 19LY00192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé la Tunisie comme destination d'éloignement.

Par un jugement n° 1807132 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2019, et un mémoire enregistré le 29 octobre 2019,

M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé la Tunisie comme destination d'éloignement.

Par un jugement n° 1807132 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2019, et un mémoire enregistré le 29 octobre 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 2018 et l'arrêté du 8 novembre 2018 du préfet de la Drôme ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me D... au titre des frais non compris dans les dépens.

Il soutient que :

* les procès-verbaux d'audition le concernant ne pouvaient pas être produits par le préfet de la Drôme ;

* l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 -1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est contraire au contrôle judiciaire dont il fait l'objet qui lui interdit de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2019, le préfet de la Drôme, qui s'en rapporte à ses écritures de première instance, conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant Tunisien né en 1994 et qui expose être entré en France en mars 2015, relève appel du jugement rendu le 18 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre l'arrêté du 8 novembre 2018 du préfet de la Drôme l'obligeant à quitter sans délai le territoire français.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. M. E... expose qu'il est le père d'un enfant français né le 1er décembre 2017 qu'il a reconnu en août 2017. Cet enfant a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, par une ordonnance de placement provisoire, prise le 27 avril 2018, puis par une ordonnance de garde du 11 mai 2018. Le chef de service de la Maison des enfants dans laquelle est placé l'enfant de M. E... a indiqué par une attestation, établie le 9 novembre 2018, que " Monsieur E... A... est présent régulièrement en visite médiatisée chaque semaine auprès de son fils Jessym E.... (...) Dans la situation, seul Monsieur E... est présent auprès de son fils. La maman de Jessym, Madame C. n'est pas en lien avec le service et ne s'est pas manifestée auprès de son fils depuis la mesure de placement. Monsieur E... est le seul parent présent dans la vie de ce mineur. " Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorité parentale sur cet enfant a été retirée à M. E... et ce dernier expose que le juge des enfants a sollicité des services de l'aide sociale à l'enfance que les temps de rencontre avec son fils permettent de préparer un retour de l'enfant au domicile de son père. Dans ces circonstances particulières, M. E... est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, qui conduira cet enfant à une séparation prolongée de son père, a été prise en méconnaissance de son intérêt supérieur et des dispositions de l'article 3-1 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant. Par suite, la décision du 8 novembre 2018 doit être annulée et M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de dispositions, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros qu'il paiera à M. E..., au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1807132 du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 2018 et la décision du 8 novembre 2018 du préfet de la Drôme sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à M. E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. A... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme C... B..., présidente de chambre,

Mme F..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.

No 19LY001922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00192
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne. Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite. Parents d'enfants français résidant en france.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GALLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-03;19ly00192 ?
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