La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2020 | FRANCE | N°19LY01759

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 09 juin 2020, 19LY01759


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Berta Voisin a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 6 avril 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Clusaz a approuvé la révision de son plan d'occupation des sols en vue de sa transformation en plan local d'urbanisme (PLU) en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées section A n° 1310, 1326, 2860 et 3560 en zone agricole.

Par un jugement du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après l'avoir

jointe sous le n° 1703287 à douze autres demandes dirigées contre la même délib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Berta Voisin a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 6 avril 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Clusaz a approuvé la révision de son plan d'occupation des sols en vue de sa transformation en plan local d'urbanisme (PLU) en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées section A n° 1310, 1326, 2860 et 3560 en zone agricole.

Par un jugement du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après l'avoir jointe sous le n° 1703287 à douze autres demandes dirigées contre la même délibération, a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 30 janvier 2020, lequel n'a pas été communiqué, la société Berta Voisin, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 mars 2019 ;

2°) d'annuler la délibération du 6 avril 2017 approuvant le PLU de La Clusaz, subsidiairement, en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées section A n° 1300, 3563, 3564, 1310, 1326, 2860 et 3560, situées au lieu-dit " Les mouillettes ", en zone agricole ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de La Clusaz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a écarté comme non assorti de précisions suffisantes le moyen relatif à l'insuffisante prise en compte des avis des organismes consultés ;

- c'est à tort que les premiers juges qui ont encore commis une irrégularité à ce titre, ont écarté le moyen critiquant le classement en zone A des parcelles cadastrées section A n ° 1310, 1326, 2860 et 3560, situées au lieu-dit " Les mouillettes " en zone agricole, qui procède d'une erreur manifeste d'appréciation et est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ;

- la commune de La Clusaz était incompétente pour approuver son PLU par la délibération du 6 avril 2017, une telle compétence relevant de la communauté de communes des vallées de Thônes ;

- la délibération du 6 avril 2017 est entachée d'illégalité faute de prise en compte du plan climat-air-énergie en méconnaissance de l'article L. 131-5 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2020, la commune de La Clusaz, représentée par la SELAS Adamas Affaires Publiques, conclut à titre principal au rejet de la requête, ou, à titre subsidiaire, à ce que la cour fasse application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen de légalité externe tiré de l'insuffisante motivation des conclusions du commissaire enquêteur ne peut qu'être écarté dès lors que les requérants ne demandent que l'annulation partielle du PLU ; en tout état de cause, ce moyen est infondé ;

- les autres moyens soulevés sont infondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2020, par une ordonnance du même jour.

Par un courrier du 27 avril 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, de la société Berta Voisin tendant à l'annulation totale de la délibération du 6 avril 2017 et celles qu'elle présente subsidiairement tendant à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées section A n°1300, 3563 et 3564, en zone agricole.

La société Berta Voisin et la commune de La Clusaz ont produit en réponse à ce moyen d'ordre public, des mémoires enregistrés le 30 avril 2020, qui n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me B... substituant Me A..., représentant la société Berta Voisin, ainsi que celles de Me F... représentant la commune de La Clusaz ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Berta Voisin relève appel du jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 6 avril 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Clusaz a approuvé la révision de son plan d'occupation des sols en vue de sa transformation en PLU en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées section A n°1310, 1326, 2860 et 3560 en zone agricole.

Sur la recevabilité des conclusions en appel de la société Berta Voisin :

2. Il ressort des écritures de la demande de première instance que les conclusions de la société Berta Voisin devant le tribunal administratif se limitaient à contester la légalité de la délibération du 6 avril 2017 approuvant le PLU de La Clusaz en tant qu'il classe en zone agricole les parcelle cadastrées section A n° 1310, 1326, 2860 et 3560. Les conclusions divisibles que la société requérante présente pour la première fois en appel, tendant à l'annulation totale de la délibération du 6 avril 2017 ou de l'annulation de cette délibération en tant qu'elle classe en zone agricole les parcelles cadastrées section A n°1300, 3563 et 3564 présentent de ce fait le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables. Dès lors elles ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Grenoble a expressément répondu à l'ensemble des moyens soulevés par les demandeurs, en particulier au point 17 de ce jugement, à celui tiré de l'absence de prise en compte des avis des personnes publiques associées. Si la société requérante reproche aux premiers juges d'avoir écarté, à tort, un tel moyen comme dépourvu de précision sans en examiner le bien-fondé, une telle circonstance n'est pas de nature à affecter la régularité du jugement mais peut seulement en affecter le bien-fondé.

4. Si la société Berta Voisin reproche également aux premiers juges d'avoir mal apprécié la légalité du classement en zone agricole de ses parcelles, un tel moyen ne constitue pas davantage un moyen de régularité du jugement.

Sur la légalité de la délibération du 6 avril 2017 :

En ce qui concerne la compétence de la commune de La Clusaz pour approuver son PLU :

5. Aux termes de l'article II de l'article 136 de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " La communauté de communes ou la communauté d'agglomération existant à la date de publication de la présente loi, ou celle créée ou issue d'une fusion après la date de publication de cette même loi, et qui n'est pas compétente en matière de plan local d'urbanisme, de documents d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale le devient le lendemain de l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la publication de ladite loi. Si, dans les trois mois précédant le terme du délai de trois ans mentionné précédemment, au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population s'y opposent, ce transfert de compétences n'a pas lieu. (...) ".

6. Il ressort du courrier d'information du préfet de la Haute-Savoie adressé à l'ensemble des communes membres de la communauté de communes des Vallées de Thônes que ces communes se sont opposées, dans les conditions prévues par l'article 136 cité au point précédent, au transfert de compétence en matière d'élaboration ou d'évolution des documents d'urbanisme. Le moyen selon lequel le conseil municipal de La Clusaz n'était pas compétent pour approuver le PLU doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne la prise en compte des avis des organismes consultés :

7. Aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme, reprenant la teneur des anciennes dispositions de l'article L. 123-10 : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / (...) / 2° Le conseil municipal dans le cas prévu au 2° de l'article L. 153-8. ".

8. Il ressort des termes même de la délibération en litige que le projet de PLU, tel qu'il avait été arrêté le 13 juin 2016 a été modifié postérieurement à l'enquête publique afin notamment de prendre en compte les avis des personnes publiques associées, sur des points ne concernant pas le projet d'extension du golf des Confins que la commune a souhaité maintenir, mais qui a été définitivement annulé par le tribunal administratif. Outre des précisions apportées dans le rapport de présentation du PLU, figurent notamment parmi ces modifications la création du secteur de mixité sociale, la majoration du coefficient d'emprise au sol en secteur Uh 2, et l'indication du nombre de logements attendus au sein des orientations d'aménagement et de programmation sectorielles pour tenir compte de l'avis des services de l'Etat, le déclassement en zone A de parcelles au lieudit " les Etages ", la modification du règlement du PLU pour permettre les extensions des chalets d'alpage pour tenir compte de l'avis de la chambre d'agriculture. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de prise en compte des avis des personnes publiques associées, qui en tout état de cause ne lient pas l'autorité administrative compétente et que le conseil municipal n'était par conséquent pas tenu de suivre, doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la prise en compte du plan climat-air-énergie :

9. Aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu prennent en compte le plan climat-air-énergie territorial prévu à l'article L. 229-26 du code de l'environnement et les schémas départementaux d'accès à la ressource forestière ".

10. Le rapport de présentation du PLU mentionne que ce document d'urbanisme prend en compte le plan climat-air-énergie du conseil départemental de la Haute-Savoie. En se bornant à soutenir que le PLU ne comporte aucun plan de déplacement et ne justifie pas d'une urbanisation concentrée afin de limiter les déplacements, la société Berta Voisin n'établit pas que le PLU s'écarterait des orientations fondamentales du plan climat-air-énergie territorial, en ce qui concerne les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020. Le PADD du PLU comporte par ailleurs des orientations prévoyant des mesures incitatives à l'usage des transports en commun dans la station, visant à mieux organiser le stationnement et à développer des liaisons dédiées aux modes doux de déplacements.

En ce qui concerne le classement des parcelles en litige :

11. Aux termes du 1er alinéa de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, applicable aux PLU dont l'élaboration a été engagée avant le 1er janvier 2016 : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

12. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce PLU, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

13. La société Berta Voisin fait valoir que les parcelles en litige cadastrées section A n° 1310, 1326, 2860 et 3560 sont incluses dans un secteur Uh2, desservies par les réseaux et que leur urbanisation satisferait aux objectifs du PADD de lutter contre la diminution des résidents permanents de la commune et contre le manque de logements disponibles pour les saisonniers. Toutefois, les parcelles en litige se situent en dehors de l'enveloppe urbaine. Dans le cadre de l'analyse globale à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme à laquelle il doit être procédé et en considération des objectifs du PADD de mieux structurer le développement de l'urbanisation en organisant prioritairement le développement de l'urbanisation à l'intérieur des limites des fronts bâtis afin de ne pas porter atteinte au paysage agro-pastoral, qu'il faut convient de préserver dans toutes ses composantes, le classement contesté ne peut être regardé comme présentant une incohérence au regard des objectifs du PADD.

14. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, les parcelles en litige, situées lieu-dit " Les Mouillettes " se situent en dehors de l'enveloppe urbaine de la commune. Elles se rattachent à un vaste ensemble de parcelles à vocation agricole et où subsistent des sièges d'exploitation selon le rapport du commissaire enquêteur. Elles sont vierges de construction et n'apparaissant pas dépourvues de potentiel agronomique. Leur classement en zone agricole répond ainsi à leurs caractéristiques propres et concourt à la satisfaction des objectifs que se sont donnés les auteurs du PLU et que rappelle le PADD d'opter pour un développement moins consommateur d'espace. Le classement contesté n'est ainsi entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Berta Voisin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société requérante demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la commune de La Clusaz, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Berta Voisin le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de La Clusaz.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Berta Voisin est rejetée.

Article 2 : La société Berta Voisin versera la somme de 1 500 euros à la commune de La Clusaz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Berta Voisin et à la commune de La Clusaz.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... G..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 juin 2020.

6

N° 19LY01759

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01759
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CORNUT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-09;19ly01759 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award