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25/08/2020 | FRANCE | N°20LY00140

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 25 août 2020, 20LY00140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 13 juin 2019, par lesquels le préfet de la Drôme leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel ils seraient reconduits d'office et leur a interdit le retour sur le territoire français durant trois ans.

Par un jugement n° 1905693-1905694 du 29 novembre 2019, le tribunal administratif de Gren

oble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 13 juin 2019, par lesquels le préfet de la Drôme leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel ils seraient reconduits d'office et leur a interdit le retour sur le territoire français durant trois ans.

Par un jugement n° 1905693-1905694 du 29 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2020, M. et Mme E..., représentés par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 novembre 2019 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer un titre de séjour dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut de réexaminer leur demande et, dans l'attente, de leur délivrer une autorisation provisoire dans le délai de quinze jours à compter de la même date, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

S'agissant du refus de délivrance de titre de séjour :

- les signataires de l'avis de l'OFII ne disposaient pas d'une délégation de signature régulière pour ce faire ;

- le préfet a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation ;

- il a méconnu l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juillet 2020, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il se réfère à ses observations présentées devant le tribunal administratif, en précisant qu'il n'a pas l'obligation de vérifier la compétence des médecins de l'OFII et que l'avis n'a pas à mentionner le nom du médecin qui a établi le rapport médical.

Le Bureau d'Aide Juridictionnelle a constaté, par une décision du 4 mars 2020, la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. et Mme E...,. .

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Savouré, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., ressortissants serbes nés respectivement le 18 avril 1954 et le 12 juin 1955, déclarent être entrés en France le 26 janvier 2009 pour rejoindre leurs enfants qui y bénéficiaient de la qualité de réfugiés. M. E... a bénéficié de titres de séjour provisoires en raison de son état de santé, valables du 12 mai 2016 au 18 janvier 2018, son épouse bénéficiant de renouvellements de ses récépissés de demande de titre de séjour pendant cette période. Par deux arrêtés en date du 13 juin 2019, le préfet de la Drôme a, d'une part, refusé de renouveler ce titre de séjour et, d'autre part, rejeté la demande de titre de séjour présentée par son épouse en qualité d'accompagnante de ce dernier. Ces décisions ont été assorties de décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignant le pays de renvoi et leur interdisant de retourner sur le territoire pendant trois ans. M. et Mme E... interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. En premier lieu, en vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

4. D'une part, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration, rendu le 16 juin 2018, est signé par les trois médecins qui l'ont rendu, les docteurs Ortega, Bisbal et Peaupère. Ces derniers ont été désignés pour ce faire par décision du directeur général de l'OFII en date du 1er février 2018, régulièrement publiée sur le site internet de cet office et au bulletin officiel du ministère de l'intérieur. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de cet avis doit être écarté.

5. D'autre part, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration a estimé, dans cet avis, que l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers ce pays. S'il fait valoir qu'il a été victime en 2016 d'un infarctus du myocarde et s'il produit des certificats médicaux confirmant la gravité de la maladie, il n'apporte aucun élément au soutien de son affirmation suivant laquelle il n'existerait pas de traitement dans son pays d'origine. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère aurait méconnu le 11° de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

7. Si les requérants affirment vivre en France depuis le 26 janvier 2009, il ressort des pièces du dossier que M. E... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement par les autorités italiennes pour séjour illégal le 24 juillet 2015. Leur durée commune de présence en France ne peut donc être regardée comme établie avant cette date, de sorte qu'ils ne justifient que de quatre années de présence en France. S'ils font valoir que leurs quatre enfants ont le statut de réfugié en France, ces derniers sont majeurs à la date de l'arrêté litigieux alors que les intéressés ont vécu dans leur pays d'origine jusqu'aux âges de 54 et 53 ans et où ils n'établissent pas être dépourvus de toute attache. Dès lors, quand bien même M. E... justifie d'un contrat de travail, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux porterait à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués plus haut, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que le préfet, qui a procédé à un examen particulier de leur situation, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 3122 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission [du titre de séjour] est saisie par l'autorité administrative lorsque celleci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 31311 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 31411 et L. 31412, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 4313. ".

10. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés par ces dispositions auxquels il envisage néanmoins de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. et Mme E... ne remplissent pas les conditions pour prétendre obtenir un titre de séjour. Dès lors, le préfet de la Drôme n'était pas tenu de soumettre leur cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter leur demande. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur les décisions portant l'obligation de quitter le territoire français :

11. Compte tenu de ce qui précède, M. E... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

12. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 7 et 8, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les décisions refusant un délai de départ volontaire et prononçant une interdiction de retour sur le territoire :

13. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ". Aux termes du III du même article : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) "

14. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme E..., la décision est suffisamment motivée.

15. En deuxième lieu, en se bornant à faire valoir que leurs enfants ont obtenu le statut de réfugié et qu'ils appartiennent à la communauté Rom de Serbie, les intéressés ne justifient pas que des circonstances humanitaires s'opposeraient aux décisions d'interdiction de retour prononcées à leur encontre.

16. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 7, les interdictions de retour dont les intéressés ont fait l'objet ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale.

17. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles de leur conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et Mme A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 août 2020.

2

N° 20LY00140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00140
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;20ly00140 ?
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