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29/09/2020 | FRANCE | N°20LY00345

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 29 septembre 2020, 20LY00345


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 mai 2019 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale.

Par un jugement n° 1905322 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 janvier 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;<

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2°) d'annuler la décision du 22 mai 2019 du préfet de l'Ain ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 mai 2019 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale.

Par un jugement n° 1905322 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 janvier 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 22 mai 2019 du préfet de l'Ain ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D... soutient que :

- le jugement, qui ne mentionne pas le nom de l'avocat du requérant, ne vise pas son mémoire du 8 novembre 2019 et ne répond pas aux moyens qui ont été soulevés dans ce mémoire, est irrégulier ;

- le refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- contrairement à ce qu'a indiqué le préfet, il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a entamé une démarche de réinsertion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2020, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme H..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 1er mai 1994, de nationalité congolaise, relève appel du jugement du 26 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 mai 2019 par laquelle le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...) ". Selon le premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R.711-2. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". Il résulte de ces dispositions que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a produit un mémoire le 8 novembre 2019, avant la clôture d'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience publique qui s'est tenue le 12 novembre 2019. Le jugement attaqué, qui ne vise ni n'analyse ce mémoire, est ainsi entaché d'irrégularité. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité du jugement, M. D... est fondé à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

5. En premier lieu, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. D..., le préfet du Rhône, après avoir cité les dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituaient le fondement de la demande de titre de l'intéressé a indiqué qu'il refusait de lui délivrer un titre de séjour au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public en exposant les éléments de fait l'ayant conduit à porter cette appréciation. Cette décision, qui comprend les considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée au sens des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui, à la date de la décision en litige, était âgé de 24 ans, a été condamné à onze reprises à des peines d'emprisonnement d'une durée cumulée de cinq ans, d'abord pour plusieurs faits de vol, recel, usage et trafic de stupéfiant, violences survenus entre mai 2012 et juillet 2013, puis, au cours de son incarcération, pour des faits d'outrage, rébellion, menaces survenus en juillet, puis en novembre 2014, pour des faits de violence aggravée survenus en juin 2015 et enfin des faits de violence survenus en février 2016. Si les pièces du dossier font apparaître que le comportement de M. D... s'est amélioré à la fin de sa détention et si un rapport du 5 juin 2019 du service pénitentiaire d'insertion et de probation de l'Ain indique que le risque de récidive est limité, les différents éléments sur lesquels le préfet s'est fondé sont de nature, eu égard à la nature des infractions commises et à leur réitération, à justifier légalement sa décision.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a résidé au Soudan jusqu'à l'âge de dix ans, pris en charge par des proches, avant de rejoindre ses parents qui résidaient en France depuis plusieurs années. M. D... n'a vécu que très peu de temps auprès de ses parents et de ses frères et soeurs nés en France, puis a été placé dans un foyer. Il a été incarcéré pendant une durée cumulée de cinq années entre 2013 et 2019. Il était encore, à la date de la décision en litige, incarcéré. Bien qu'il soit hébergé chez ses parents depuis sa sortie de prison, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il avait conservé avec eux et ses frères et soeurs des liens à la date de la décision en litige. Il est célibataire et sans enfant. Dans ces conditions, malgré la durée de séjour de l'intéressé en France et alors même que le refus de délivrance d'un titre de séjour rendra plus difficile la réinsertion de M. D..., en refusant de lui accorder un titre de séjour au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D..., qui ne peut utilement invoquer les efforts de réinsertion qu'il a faits postérieurement à la décision en litige pour la contester, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet de l'Ain n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet de l'Ain du 22 mai 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 novembre 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

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N° 20LY00345

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00345
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : COUREAU DAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;20ly00345 ?
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